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Channel: The Rocky Horror Critic Show
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Zombie Birdhouse - Iggy Pop lost in Port-Au-Prince (1982)

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Présenté sous l'étiquette forcée d'album culte, Zombie Birdhouse n'en demeure pas moins aujourd'hui, comme tant d'autres albums solo du chanteur des Stooges, un disque attachant. Foncièrement déglingué et suffisamment éloigné de ces précédentes productions new-wave, cet énième échec commercial n'a pourtant rien de la pépite cachée ou du chef d’œuvre incompris. Plus proche du diamant brut sans en avoir forcément l'éclat, le disque appartient à la catégorie rare des œuvres dont les défauts et maladresses apportent paradoxalement un capital sympathie. Une exquise œuvre malade en quelque sorte ? Oui, mais n'allons pas trop vite...

Remercié manu militari par Arista Records après trois disques (New Values en 1979, Soldier en 1980 et Party en 1981), la fin de l'année s'avérait des plus difficiles pour Iggy Pop : sans label, quasiment à la rue, et en sus une addiction à l'héroïne persistante pour vous tenir compagnie les soirs d'hiver. La tête dans le caniveau, l'iguane accumule les tares : persona non grata et has been. Or une fois encore, et en attendant le retour de l'ange blond nommé Bowie en 1983, l'histoire se répète une fois encore. Iggy croise sur son chemin un vieux fan nommé Chris Stein, tête pensante de Blondie et propriétaire depuis peu d'un label indépendant, Animal Records. Passant dès lors les premiers mois de l'année suivante à New-York, Stein lui offre toute la latitude pour enregistrer un successeur à sa précédente trilogie, et tirer ainsi un trait sur l'image qu'il ou son ancien label voulait bien donner.

A défaut de faire rugir totalement les amplis et de garder la fureur de ses jeunes années, Iggy s'applique à reprendre d'une certaine manière là où il s'était arrêté après Soldier, le tout dans une ambiance des plus barrées et borderline. Accompagné du guitariste Rob DuPrey, déjà présent sur Party, en charge ici également des synthétiseurs et autres effets, l'iguane convie, en plus de Stein à la production et à la basse, le batteur de Blondie, Clem Burke. Co-écrit avec DuPrey, Zombie Birdhouse s'écarte donc des plates-bandes normées de la new-wave pour revenir à une urgence originellement plus rock, tordue voire chaotique, somme tout en adéquation avec les moyens limités mis à leur disposition.

Produit à l'arrache, chanteur proche du délabrement, Zombie Birdhouse atout du disque mal ficelé. Toutefois comme indiqué en préambule, il ne manque pas de charme. Au contraire. Dans le sillage de certaines formations post-punk, l'iguane joue les équilibristes avec plus ou moins de réussites. Qu'importe. Mélange des genres semi-audacieux semi-foutraque, le résultat est finalement à l'image de l'Iggy Pop de ces années-ci. Entre poussées rock évidentes Run Like a Villain (1), Eat or Be Eaten et perles hypnotiques que sont Life of Work et Watching the News, l'album dévoile surtout un chanteur proche de la rupture. Chant approximatif laissant présager tout autant la consommation de substances toxiques, qu'un état mental ébranlé, à moins qu'il s'agisse d'une posture auto-caricaturale à l'image du quasi tordant The Ballad of Cookie McBride, rarement l'ancien Stooges n'aura autant paru aussi poignant ou largué (Angry Hills, Ordinary Bummer). Témoignage sonore de ses années de dérive, Zombie Birdhouse nage ainsi entre deux eaux, entre sobriété grave (Platonic) et délires alcooliques (le PILien Street Crazies). A chacun de décider s'il veut ou pas s'infliger cet essai cathartique en roue libre.

Zombie Birdhouse est en résumé le genre d'album qui vous garantit une aura culte une voire deux décennies plus tard, mais qui le moment présent, vous plombe davantage et vous laisse encore un peu plus sur le bas côté... en attendant une assurance vie prénommée David Bowie.


Titres :
01. Run Like a Villain / 02. The Villagers / 03. Angry Hills / 04. Life of Work / 05. The Ballad of Cookie McBride / 06. Ordinary Bummer / 07. Eat or Be Eaten / 08. Bulldozer / 09. Platonic / 10. The Horse Song / 11. Watching the News / 12. Street Crazies / 13. Pain & Suffering [Bonus]



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(1) Seule chanson échappée de l'album présente dans le dernier best of d'Iggy : A Million in Prizes : The Anthology.


Cronico Ristretto : Bestial Burden - Pharmakon

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Découverte en première partie du concert des Swans de Michael Gira en septembre dernier, et nous rappelant au bon souvenir que la musique industrielle et bruitiste n'est pas l'apanage de la gent masculine, à l'instar des précurseurs Throbbing Gristle, Margaret Chardiet sous son patronyme Pharmakon sortait deux semaines après la dite date parisienne son second album, Bestial Burden.

Disque viscéral, cet album est né de la collusion entre l'organique et la musique industrielle à l'image de sa pochette. Inspiré par les récents problèmes de santé de Margaret Chardiet ; à quelques jours de sa première tournée européenne, les médecins lui diagnostiquèrent un kyste suffisamment gros et mal placé pour mettre en danger sa santé, Bestial Burdenévoque l'un des thèmes principaux du film culte (et de SF préféré de miss Chardiet), The Thing de John Carpenter : « Man is the warmest place to hide ».  Du désir post-trauma de vouloir montrer le corps tel un morceau de chair qui peut vous trahir, Chardiet explore une nouvelle facette de sa musique : plus crue, organique donc, avec cette rage intacte en guise de ligne de conduite.

Disponible au format vinyle et en prélude à ce déferlement de fureur et de bruit, Bestial Burden est construit de telle sorte que chaque face s'ouvre par un titre faisant allusion au thème précité. L'introductif Vacuum est ainsi composé, sur la base d'un bourdonnement drone, d'une longue respiration forcée, entre la transe et le sentiment de panique, tandis que comme le laisse supposer la traduction littérale de Primitive Struggle (lutte primitive), celui-ci fait écho aux souffrances corporelles primales : toux, vomissements aux rythmes de battements de cœur maladifs, prémisse au martial et funéraire Autoimmune.

Quittant la stricte violence mécanique du précédent et premier disque, Abandon, pour tendre vers une musique hybride, Bestial Burden choque, bouscule, impressionne. Chef d'orchestre de ce malaise sonore, Chardiet offre également à sa voix un traitement des plus radicales, entre strangulation et cri écorché rappelant le chant expressif des formations de black metal en particulier sur l'angoissant Intent or Instinct ou sur le bien nommé Body Betrays Itself.

29 minutes pour amateurs de sensations fortes (1).


Titres : 
01. Vacuum / 02. Intent or Instinct / 03. Body Betrays Itself / 04. Primitive Struggle / 05. Autoimmune / 06. Bestial Burden / 07. Bang Bang (My Baby Shot Me Down) [Bonus]



 
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(1) A ajouter, en guise de titre bonus, la reprise fidèle du classique de Nancy Sinatra Bang Bang (à quelques distorsions près) provenant de la compilation Todo Muere Vol. 4éditée par son label Sacred Bones en 2013.

Funky front covers Part VIII

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Avec un peu de retard, voici enfin la huitième saison des Funky front covers © où rimeront cette année encore le bon goût, le glamour et le meilleur du pire et de l'insolite en matière de funky music from 70's-80's. 

Commençons en douceur avec un petit hommage référencé haut en couleurs avec un habitué des lieux : Rick James. 

  

Bon client des Funky, Rick James n'en demeure pas moins un cas à part, le petit neveu de Melvin Franklin ancien bassiste des Temptation ayant toujours su jouer la carte d'un second degré salvateur. En attendant de jouer les barbares ou de faire du racolage en bottes rouges durant le début de la décennie 80, James sort coup sur coup deux disques en 1979, Bustin' Out of L Seven, puis Fire It Up, qui assiéront un peu plus la carrière solo du king of the punk-funk. Un Bustin'à la pochette hommage aux Comics, transition parfaite pour présenter la formation de Dayton, Lakeside qui de Shot of Love en 1978 à Outrageous en 1984 s'amuseront à chaque fois à proposer des pochettes décalées où se croiseront les cousins afro-américains de Robin des Bois, Eliot Ness et autres Indiana Jones. En rupture avec leur musique R&B (Once You Fall in Love), l'imagerie science-fictionnelle de From Here to Eternally des Spinners clôt cette première partie avant de passer aux choses sérieuses. 

  

Formé par un ancien de The Jaggez, alias Jimmy Ross et de la chanteuse Cathy Cooper, le duo Cooper & Ross n'enregistra à notre connaissance que cet album Bottom Line en 1982. Que dire de plus que cette pochette s'affirme comme la quintessence d'un certain look 80's (une préférence pour le simili bandana). Plus flashy, plus trendy, Tangerué se présente comme notre première formation disco (from Philly) des Funky Part VIII avec le couple Ed Strauman et madame Mary Cavallaro. Secondé pour l'occasion par le guitariste Bruce Weedon, il s'agit une fois de plus d'un album qui n'aura pas de suite, les deux protégés de Boris Midney, un des pères de l'Eurodisco, Strauman et Weedon ayant d'autres projets sur le feu en 1979. Sorti la même année que le classique Supernature en 1977, Texico nous provient également de France où se cache la paire Phil Dufix et Denys Lable. A défaut d'être aussi efficace que Cerrone, ce LP éponyme nous démontre que le nœud papillon peut se marier élégamment avec une robe transparente et une cuisse légère. Classieux.

  

La température monte et les dames montrent leurs plus beaux atouts à l'instar de Leonore O'Malley et son First Be A Woman, tout comme Marlina Burgess alias Marlena Shaw, ex-chanteuse de soul jazz chez Blue Note reconvertie dans la disco pour raison alimentaire. Apprécions la transparence de son Take A Bite et sa version du tube de Diana Ross, Touch Me In The Morning, avant de succomber (?) au charme de Vi Ann du duo étatsunien Paradise Express (avec son époux et producteur Herb Jimmerson) et leur second disque Let's Fly, où madame donne la pleine mesure de son organe vocale sur You and I.  

  

Si les amateurs de pyjama en pilou trouveront sans doute quelque chose à redire, les autres apprécieront la liquette et la coupe seventies de Barbara Mason et son Give Me Your Love, chanson éponyme empruntée au classique de Curtis Mayfield (et la chemise de son homme en sus). De chemise rayée à chemise blanche il n'y a qu'un pas avec le bien nommé Baby Sister, premier album solo de la cadette des Pointer Sisters alias June Pointer et son sourire carnassier en 1983. Certainement plus chatoyant, l'ex-choriste de David Bowie entre 1974 et 1978, Ava Cherry et son premier album Ripe !!! s'éloigne des pyjamas parties de ses consœurs pour jouer les reines de la nuit sur You Never Love Me.

  

Concluons cette nouvelle saison par une belle brochette de mâles qui ne laissera pas indifférente, à l'instar des demoiselles présentes sur les pochettes, notre public féminin. Projet de l'autrichien Kurt Hauenstein, le premier album de Supermax Don't Stop the Music précède d'un an le carton mondial intitulé Love Machine sur World of Today de 1977. Qu'importe, les deux jeunes femmes n'auront pas attendu ce succès pour succomber au charme disco viking de sieur Hauenstein. Faux semblant, le bellâtre sur la pochette n'étant qu'un mannequin de substitution, Constellation Orchestra l'est assurément avec ce Perfect Love Affair. Énième duo disco constitué cette fois-ci de Jesse Boyce et Moses Dillard, les deux producteurs sortiront l'année suivante en 1978 sous leur vrai nom Dillard & Boyce l'album Juice. The last but not the least, et autre déconvenue en matière de pochette fantoche (aucun membre d'U.N. n'est présent sur la pochette) nous vantant à la fois les mérites du sauna et du pouvoir du disco (Disco power), U.N. est le fruit du producteur canadien Tony Green accompagné pour l'occasion des Sweethearts a.k.a Barbara Ingram, Carla Benson et Evette Benton. 

En vous donnant déjà rendez-vous l'année prochaine pour une nouvelle saison des Funky front covers© !

Cronico Ristretto : Live at Birdland - John Coltrane (1963)

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L'année 1963 peut-elle être considérée comme une petite année au regard de la riche discographie de John Coltrane ? Certes, le souffleur co-signa deux albums éponymes loin d'être mineurs, le premier avec le guitariste Kenny Burrell et le second avec Johnny Hartman. Non content de remettre en selle ce dernier avec leur disque commun, John Coltrane and Johnny Hartman, le crooner à l'instar du jeune Arshie Shepp l'année suivante, bénéficia du soutien du saxophoniste au près de Bob Thiele, successeur de Creed Taylor à la tête du label Impulse!. Toutefois en attendant le choc suprême de l'année à venir, l'imprudent a t'il finalement le droit de faire tant la fine bouche ? Non, bien évidemment. Car si le quartette de Coltrane n'a pas gravé apparemment de chefs-d'œuvre en studio en 1963 (n'allons pas trop vite), il en est tout autrement en public avec Newport '63 qui sera publié trente ans plus tard, Dear Old Stockholm avec le retour momentané du batteur Roy Haynes en 1965 et le disque qui nous intéresse : Live at Birdland.

Des nombreux disques enregistrés dans le mythique club hommage à Charlie 'Bird' Parker, ce Live at Birdland tient une place à part, au delà de la figure de Coltrane et de son quartette historique constitué de McCoy Tyner au piano, Jimmy Garrison à la contrebasse et Elvin Jones à la batterie. Composé de cinq titres, le disque a une première particularité, celle de ne contenir, contrairement à ce que pouvait indiquer son nom, seulement trois morceaux enregistrés au Birdland un soir du 8 octobre 1963. Mais qu'importe tant la première face et ses deux relectures Afro-Blue et I Want to Talk About Youdémontrent la force et le pouvoir de séduction des quatre musiciens. Du standard mélodique de Mango Santamaria, Trane et son saxophone soprano livrent une prestation symptomatique de sa nouvelle évolution : format étiré vers une liberté de plus en plus accrue. Apparu une première fois en 1958 pour l'album Soultrane, le standard de Billy Eckstein n'est pas en reste. Cinq années séparent l'enregistrement de ces deux titres. Une éternité à l'écoute de la prestation de 1963. Coltrane va loin, très loin. Faisant fi à mesure de la mélodie et auteur d'un solo final mémorable, le saxophoniste marque de son empreinte le jazz et la révolution coltranienne en devenir.

Premier titre de la face B, et déjà dernier extrait du concert, The Promise signé par Coltrane lui-même révèle une fois encore la rare cohésion de cet illustre quartette : de Coltrane le sopraniste, du complice McCoy Tyner à l'efficace Elvin Jones. Fait paradoxal, s'il ne devait en rester qu'un, ce Live at Birdland est également (surtout ?) resté à la postérité grâce à l'un des deux titres enregistrés au studio de Rudy Van Gelder le 18 novembre de la même année, et qui conclue cet album : Alabama. En référence à une tragédie perpétrée à Birmingham dans l'état du même nom le 15 septembre où quatre fillettes noires furent tuées dans un attentat à la bombe visant une église baptiste, Coltrane réalise sans doute l'une de ses compositions les plus poignantes et bouleversantes, son faux départ accidentel rentré désormais dans la légende contribuant involontairement à ce climat sombre et profond (1). Dernier titre, Your Lady, de par sa nature, dédicace à Alice McLeod, future madame Coltrane et pianiste des groupes expérimentaux de sa dernière période, allège enfin quelque peu cette fin d'album.

Indispensable.


Titres :
01. Afro-Blue / 02. I Want to Talk About You / 03. The Promise / 04. Alabama / 05. Your Lady


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(1A noter qu'Alabama fut repris quelques années plus tard par Spike Lee sur son mémorable Malcolm X.

Cronico Ristretto : Thelonious Monk : Straight, No Chaser - Charlotte Zwerin (1988)

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Coréalisatrice avec les frères Maysles du documentaire culte Gimme Shelterévoquant la tournée US des Rolling Stone en 1969, et en particulier le concert tragique à Altamont, soit le début de la fin des illusions hippie, Charlotte Zwerin est également connu des amateurs de jazz comme la réalisatrice d'un autre précieux documentaire musical, Thelonious Monk : Straight, No Chaser. Portait rare de ce génie du be-bop, le film doit beaucoup à Clint Eastwood, producteur exécutif, qui aida la paire Charlotte Zwerin / Bruce Ricker à terminer ce projet via sa société Malpaso Productions. Sorti la même année que la biographie de Charlie Parker, Bird, signée par Eastwood lui-même, Thelonious Monk : Straight, No Chaser, sous-titré du nom d'un des nombreux standards que composa le pianiste (1), invite le spectateur à découvrir plusieurs extraits de la tournée européenne de Monk de 1967, entrecoupés d'images d'archives et d'interviews de ses proches.

Considéré à juste titre par le jazz critique Martin Williams comme un des premiers compositeurs de jazz du 20ème siècle, et de pair un des plus influents, Thelonious Monk, bien que précurseurs du be-bop, attendit la fin des années 50 pour découvrir enfin le début d'une véritable reconnaissance publique et critique. A partir de Brilliant Corners (1957), celui qui débuta treize ans plus tôt aux côtés du saxophoniste Coleman Hawkins devient ainsi l'une des nouvelles figures marquantes du jazz ; son style unique, sa technique non conformiste et son écriture singulière en font un musicien à part, à la fois dans et en marge des révolutions musicales qui bousculent le jazz de ces années. Dans la foulée, les années 60 deviennent la décennie de sa consécration avec la signature sur la major Columbia, et la couverture du Time Magazine le 28 février 1964.


Principalement basé sur les séquences tournées par Christian Blackwood pour la télévision ouest-allemande, Thelonious Monk : Straight, No Chaser retrace le parcours du pianiste à travers plusieurs témoignages : Charlie Rouse, son plus fidèle saxophoniste, Bob Jones son road manager, Harry Colomby son agent ou comme son nom l'indique, son fils Thelonious Monk Jr. Il en découle le portait d'un homme indépendant, n'essayant pas de plaire au public, mais également quelqu'un de très renfermé, oscillant entre dépression et moments d'euphorie, et qui passa les dix dernières années de sa vie loin du jazz dans un état semi-schizophrénique. Géant musical à la tête fragile, l'homme ne manqua pas d'attention : son épouse Nellie qui veilla constamment sur lui, et son amie Nica de Koenigswarter, rencontrée à Paris un soir de 1954 par l'intermédiaire de la pianiste Mary Lou Williams (2), où il passa les dernières années de sa vie dans son appartement au New-Jersey.
 

Narré par Samuel E. Wright, interprète de Dizzy Gillespie dans Bird, le film n'est sans doute pas le documentaire le plus informatif sur la vie de Monk. Qu'importe, l'essentiel est dit et montré, de son génie au prémices de sa maladie. Thelonious Monk a l'avantage certain de faire la part belle à la musique, et de faire découvrir aux amateurs, comme aux néophytes, une grande partie de son répertoire (en concert en quartette et octette, ou en studio avec le producteur Teo Macero), ainsi que faire apparaitre une personnalité aussi attachante que supposée excentrique (3).

Thelonious Monk est mort le 17 février 1982.






Thelonious Monk : Straight, No Chaser | 1988 | 90 min
Réalisation : Charlotte Zwerin
Production : Clint Eastwood, Charlotte Zwerin, Bruce Ricker
Avec : Thelonious Monk, Charlie Rouse, Nica De Koenigswarter, Tommy Flanagan, Barry Harris, Bob Jones, Harry Colomby, Teo Macero, Nellie Monk, Thelonious Monk Jr.
Musique : Dick Hyman
Directeur de la photographie : Christian Blackwood
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(1) Sans oublier bien évidemment au hasard Blue Monk, Epistrophy, 'Round Midnight ou Ruby, My Dear.

(2) Monk dédicaça à chacune une composition : Crepuscule with Nellie et Pannonica.

(3) Monk collectionnait par exemple les chapeaux et autres couvre-chefs plus ou moins farfelus.
 

Hobgoblins - Rick Sloane (1988)

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Davantage connu Outre-Atlantique depuis sa diffusion lors de l'émission culteMystery Science Theater 3000 (1), Hobgoblins a gagné au cours des années le statut peu enviable, auprès d'un autre métrage devenu culte bien malgré lui aux États-Unis, Manos : The Hands Of Fate, d'être distingué comme un des pires films jamais réalisés. Énième relecture opportuniste (et produite à l'arrache) du fameux Gremlins de la paire Dante / Spielberg, Hobgoblins apparait en effet dès ses premières minutes comme le dernier avatar dégénéré d'une série initiée dès 1984 avec les Ghoulies, puis les Critters (1986) et enfin les Cormaniens Munchies (1987). De quoi en somme satisfaire les déviants les plus acharnés et mentalement atteints ? En quelque sorte.

Responsable de cet attentat cinématographique (contre toute attente, le film n'a pas été édité directement en vidéo), l'exécutant et commanditaire est une seule et même personne : Rick Sloane. Self-made man et touche-à-tout passé maître dans la culture du navet ultra cheap, ce digne (?) héritier d'Ed Wood n'en demeure pas moins, à l'instar de son aîné pré-cité, un personnage plutôt attachant. Resté fidèle à ses goûts d'adulescent, Sloane se caractérise, en dépit des critiques et railleries cinglantes dont il fait l'objet, par un talent inversement proportionnel à l'énergie qu'il déploie pour mettre en scène et produire ses films depuis 1984 et le dénommé Blood Theatre (2).

 
 Présentation des forces vives qui seront en charge de sauver le monde libre de la racaille extraterrestre

Au titre de nouvel agent de sécurité, Kevin (Tom Barlett) est en charge de la surveillance d'un ancien studio hollywoodien laissé plus ou moins à l'abandon, dont son collègue fatigué McCreedy (Jeffrey Culver) fut le témoin jadis de sa grandeur. Ce dernier lui explique alors les ficelles du métier : "c'est pas compliqué, il suffit de suivre les couloirs, et puis il ne se passe jamais grand chose". Cependant, il tient à le mettre en garde. Il existe un endroit où Kevin se doit de rester à l'écart pour des raisons supposées de dangerosité. Le soir suivant, un inconnu malintentionné s'introduit dans les locaux. Tandis que McCreedy va prévenir la police, Kevin part le localiser. Persuadé que le voyou s'est glissé dans la zone « interdite », le jeune homme ouvre la chambre forte de la pièce (qui n'est bien sûr pas fermée !). Trop tard. Des créatures s'y échappent et quittent les lieux au volant de la voiturette des vigiles. Provenant de l'espace, celles-ci ont la capacité d'exaucer les vœux secrets de n'importe qui, dans le seul but de tuer la personne. Le mal est ainsi libéré après trente ans d'emprisonnement. Trop vieux, McCreedy demande à Kevin de les retrouver, et de les détruire avant l'aube car "à la lumière du jour, il sera trop tard, tu ne sera jamais capable de les arrêter...".

  
It's a Long Way to the Top (If You Wanna Rock 'n' Roll)

La formule a fait souvent florès pour définir l'insondable. Pourtant, force est de constater que ce troisième long métrage de Rick Sloane ne touche pas que le fond, il en redéfinit également la profondeur : un gouffre abyssal. Certes, le préambule et la mort du précédent assistant de McCreedy, le jeune et décérébré Dennis, annonçait clairement à quoi il fallait s'attendre. Cet imbécile heureux avait ainsi, contre les recommandations de McCreedy, pénétré dans la chambre forte (restée ouverte pour rappel - Merci McCreedy). Accueilli par quelques grognements mystérieux, le benêt s'était vite retrouvé sur une scène (?!), micro à la main, imitant avec une médiocrité non feinte le meilleur de l'abécédaire du frontman eighties (la tignasse permanentée en moins)... avant de mal négocier un stage diving involontaire à l'issue cruellement fatale.

Devinette : comment se fait-il qu'à l'écran nous comptons quatre bestioles et qu'au final pas moins de neuf hobgoblins seront finalement tués ? Vous avez 90 minutes.

Cependant rien n'indiquait le choc visuel à venir : la première apparition des Hobgoblins. Ces marionnettes semi-pelucheuses et quasi-statiques (les vibrations de la voiturette à défaut de faire illusion font bouger un tant soit peu ces viles créatures), non contentes de défier les lois du copyright, synthétisent la maîtrise portnawakienne de son auteur (ce dernier n'hésitant pas, le temps d'un flashback, à offrir à l'assistance un clin d’œil savoureux à son précédent métrage, The Visitants. Hum...). Pantalonnade stérile appartenant à la catégorie des films dangereux pour la santé mentale, Hobgoblins se fait également fort de proposer une brochette de personnages secondaires (et d'acteurs en roue libre) miroirs d'un récit d'une prodigieuse bêtise. Miam. Du héros falot à sa petite amie prude Amy, en passant par ses amis Kyle, amoureux du téléphone rose, Daphné la simili-nympho et Nick son copain militaire, Sloane ne nous épargne rien. Tant mieux. A ce titre, les amatrices de joute virile, à l'image d'Amy et Daphné, sauront apprécier à leur juste valeur le combat opposant Kevin et Nick, et de savoir enfin du râteau ou de la bêche, quelle est l'arme la plus efficace en milieu jardinier hostile.

  
 Et le râteau est déclaré vainqueur par K.O !

Point d'orgue, ou de non retour, de ce nanar (le mot est enfin lâché) toxique après plusieurs attaques pelucheuses, la scène de la prétendue boîte de nuit (3), le Scum Club (re: hum). Venus sauver Amy en proie aux pouvoirs néfastes des bestioles from the outer space, Kevin et ses trois amis découvrent le désir inavoué de la pudibonde Amy : celui de devenir la première stripteaseuse puritaine. Peu importe, Amy a d'autres vices cachés : "j'ai envie que vous me salissiez, que vous renversiez vos consommations sur moi" (4)(re: miam). Passé la prestation du groupe de rock The Fontanelles, et un épilogue guerrier où Nick donne une fois encore la pleine mesure de son talent martialo-pouet pouet, tout notre petit monde, créatures rescapées en sus, retournent finalement au studio pour admirer cette fois-ci les talents d'artificier du néo-renvoyé McCreedy. Ne reste plus qu'à Amy et Kevin de tester les amortisseurs du van de Nick, et à Kyle de nous servir son running-gag préféré en demandant la permission pour téléphoner à son amie imaginaire. Classe.

  
 Ambiance chaude et électrique au Scum Club...

Horreur absente (qui s'attendait sérieusement à se repaître a minima d'un peu de sang ?), humour perdu dans l'espace, Hobgoblins est à conseiller de prime abord aux déviants férus d'énigmes et autres questions existentielles. N-y-a-t-il pas une raison inavouable qui pousse le vieux McCreedy a ne pas fermer à clef cette satanée chambre forte, alors que nombres de ses jeunes collègues ont trépassé faute d'avoir suivi ses conseils ? Devons-nous raisonnablement croire que cette histoire est intentionnellement incohérente ? Les intentions décalées et parodiques de Rick Sloane ne sont-elles pas trop subtiles pour le commun des mortels ? Tant de questions restées à jamais sans réponse (à moins d'avoir le courage de le visionner une seconde fois...) et qui le resteront sans doute à jamais. Terrib'.

  
 L'invasion a commencé...

Si Rick Sloane n'est pas Fred Olen Ray (qui lui a au moins une ambition, celle de  nous montrer des demoiselles avec ou sans bikini), l'homme mérite vous conviendrez amplement une réévaluation en matière de déviance filmique, d'autant plus que le monsieur nous a gratifié en 2009 d'un making of, Hobgoblins: The Making of a DisasterPiece, et d'une séquelle Hobgoblins 2.

A découvrir. Pour le pire, et surtout pour le pire.

Verdict du Nanarotron:





Le mot de la fin : Pouet Pouet 


Hobgoblins | 1988 | 92 min
Réalisation : Rick Sloane
Production : Rick Sloane
Scénario : Rick Sloane
Avec : Tom Bartlett, Paige Sullivan, Steven Boggs, Kelley Palmer, Billy Frank, Tamara Clatterbuck, Duane Whitaker
Musique : Alan DerMarderosian
Directeur de la photographie : Rick Sloane
Montage : Rick Sloane 
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(1) Diffusion le 27 Juin 1998 pour le 7ème épisode de la saison 10.

(2) Sloane est également connu pour être l'auteur de la série comico-navrante Vice Academy dont il mis en scène pas moins de six volets entre 1989 et 1998.

(3) A noter que le videur de la boîte est interprété par Duane Whitaker, alias l'ami de Zed dans Pulp Fiction !

(4) Le lectorat féminin appréciera au passage la place qui leur est réservé par Sloane : entre Fantasia la vénale, Daphné la chaudasse et Amy la frustrée. Faite votre choix (sic).

Earth - Black Spirituals - Don McGreevy & Roger Smal Duo à La Maroquinerie - Limbo Festival, Paris 23 janvier 2015

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Précurseurs du drone metal au début des années 90, soit bien avant l'exposition médiatique du genre conduite par leurs admirateurs, le duo Stephen O'Malley / Greg Anderson alias Sunn O))), Earth et son leader Dylan Carlson étaient revenus sur le devant au mitan de la décennie suivante (1). Porté par l'influence de l'Americana au cours des dix années écoulées, le nouvel et huitième album, l'excellent Primitive and Deadly sorti en septembre 2014 opérait un léger coup dans le rétroviseur avec le retour remarqué du chant et un recentrage plus rock.

De passage à Paris, en attendant leur seconde date française le lendemain à L'épicerie moderne à Lyon, Dylan Carlson et consorts se présentaient en compagnie de deux formations en première partie, Black Spirituals et Don Mcgreevy & Roger Smal Duo, qui comme l'indique la dernière, avaient la particularité d'être composés à chaque fois de seulement deux musiciens.

En préambule à l'arrivée sur scène du trio drone et en ouverture de la première édition du Limbo Festival (2), Don McGgreevy, bassiste actuel d'Earth et membre fondateur des Master Musicians of Bukkake, venait accompagné du batteur Roger Smal. En soutien à son album solo de McGreevy, Aichmophobia (3), datant de novembre dernier, le duo proposa un rock psychédélique minimaliste et inspiré, à la croisée du drone et de l'ambient. Une petite vingtaine de minutes plus tard, il n'y avait plus qu'à espérer une seule chose, que cette nouvelle association débouche sur un nouveau disque.

  


En provenance d'Oakland, les Black Spirituals, Marshall Trammell à la batterie et  Zachary James Watkins à la guitare et aux effets électroniques, évoquaient quant à eux, contrairement au duo précédent, davantage la première période de la formation de Carlson. Plus expérimentale et abstraite (4), leur musique laissa toutefois un goût d'inachevé, contrairement à leur essai studio intitulé Black Resonance (en écoute sur leur Soundcloud). Si la prestation de Trammell n'avait à rougir de peu de comparaison, celle de son compère semblait malheureusement plus approximative. A confirmer.

 


Tête d'affiche de cette première date du Limbo Festival, Earth eut le loisir devant un public acquis à sa cause de mettre une fois de plus en pratique sa maîtrise instrumentale et son sens aigu de la distorsion. A défaut de pouvoir faire venir Rabia Shaheen Qazi ou Mark Lanegan le temps du souverain There Is a Serpent Coming, les divers extraits du dernier album interprétés ce soir-là n'en furent que peu handicapés. Chef d'orchestre et metteur en scène sonore d'où l'on discernerait de minéraux et obscurs paysages désertiques, Dylan Carlson entouré des fidèles Adrienne Davies à la batterie et Don McGreevy à la basse offrit un show complet : hypnotique, électrique, viscéral.

  

 


Plus de photos sur notretumblr.
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(1) Un retour opéré sur le label de Greg Anderson, Southern Lord Records. CQFD.

(2) Du 23 au 27 janvier avec également Arandel, White Fence, Pop.1280 et Père Ubu.

(3) Album en écoute sur le bandcamp de McGreevy.

(4) Les Black Spirituals jouèrent d'ailleurs en première partie du Sun Ra Arkestra en aout 2013.

Horrible (Rosso sangue) - Joe D'Amato (1981)

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Au sortir de leur cycle caribéen qui virent les complices Joe D'Amato et George Eastman écrire et réaliser pas moins de cinq films en République Dominicaine : Hard Sensation, Exotic Love, Sesso nero, Porno Holocaust et Erotic Nights of the Living Dead, le champion du cinéma bis transalpin et le géant romain revinrent sur leurs terres pour mettre en scène un nouveau film d'horreur au titre original équivoque : Rosso sangue (Rouge sang). Profitant du succès de leur précédent effort cannibale en mer Égée, le craspec Anthropophagous (1980), et de celui des futures franchises étasuniennes Halloween et Vendredi 13, les deux italiens commettaient avec Horrible un diptyque des plus saignants et malsains.

Détail révélateur de cette turbulente année 1981 placée sous le signe du slasher et du gore, et de l'influence du renouveau du cinéma horrifique d'Outre-Atlantique, en sus du retour dans les salles obscures de Michael Myers et Jason Voorhees, les deux maîtres du cinéma bis européen Jess Franco et Joe D'Amato réalisèrent deux films (1) directement associés aux premiers méfaits de ces sinistres sirs ou assimilé (2). Bloody Moon (La lune de sang) du madrilène n'était autre qu'une adaptation du métrage de Sean S. Cunningham (3), ou le massacre de jeunes allemandes dans une école de langue ibère. A son compère romain alors de convoquer dans Horrible l'esprit du psychopathe créé par John Carpenter et Debra Hill ? En partie seulement. Si Bloody Moonétait en premier lieu une commande, Rosso sangue s'inscrivait en revanche dans les thématiques chères à D'Amato, et en particulier son goût prononcé pour un exhibitionnisme cru et viscéral propre à satisfaire les déviances et autres mauvaises pulsions de ses spectateurs consentants.

 
 Devine qui vient dîner ? 

Dans une petite ville des États-Unis, un mystérieux homme (George Eastman) récemment hospitalisé sème la terreur en tuant quiconque a le malheur de croiser son chemin. En sous-effectif, le sergent Ben Engleman (Charles Borromel) est vite dépassé par les évènements à mesure que celle-ci découvre les cadavres qui s'amoncellent. A sa poursuite depuis sa Grèce natale, un prêtre (Edmund Purdom) informe les forces de l'ordre que cet homme est doté d'un pouvoir de guérison surnaturel : « son sang se coagule tellement vite que toutes ses blessures se cicatrisent en quelques secondes ». Seul espoir, le blesser au cerveau, ce qui empêcherait la mémoire de ses cellules de reconstituer les organes de son corps qui ont été lésés. Les heures sont désormais comptées...

A l'instar du terrible Anthropophagous, et comme l'était encore auparavant Blue Holocaust en 1979, Aristide Massaccesi de son vrai nom ne s'embarrasse pas de bienséance. L'amateur de sensations fortes saura trouver en cet Horrible un spécimen rare. Faisant fi d'une quelconque suggestion, rien n'échappe à sa caméra carnassière : du sang aux viscères en passant par les crânes éclatés des victimes du dénommé Mikos Stenopolis. Crues, brutales, ces scènes gore se démarquent néanmoins des habituels catalogues ou autre inventaire du parfait petit meurtrier de masse. D'Amato, on l'aura compris, n'hésite nullement à verser du côté de l'outrance, mieux, les effets spéciaux et maquillages à sa disposition lui permettent à bon escient de dépeindre un réalisme des plus morbides. 
    
 
Comme souvent dans ce genre de production, divers éléments tendent à réduire quelque peu la portée souhaitée. Le scénario écrit par Luigi Montefiori, alias George Eastman, n'est en effet pas exempt de douces maladresses et autres délicieuses incohérences. A l'instar du pseudonyme anglophone Peter Newton dont s'est affublé D'Amato, l'action de Rosso sangue se situe dans une anonyme bourgade étasunienne... qui ressemble en réalité à la province italienne. Ne pas s'étonner dès lors que cette dichotomie spatiale soit créatrice de troubles touchant directement la population locale, telle la mère de l'héroïne qui ne sait plus sur quel continent elle habite comme lui fait remarquer son époux : "Et toi sincèrement tu exagères un peu tu sais, nous ne partons pas en Amérique" (non juste chez des amis où les attendent pour le dîner un bon plat de spaghettis, le tout devant la retransmission en direct d'un match de foot US). Ajoutons à cela le sempiternel gamin tête à claques qu'il est de bon ton de faire subir aux spectateurs (4), l'horreur n'est pas forcément là où elle prétend être !

 A notre gauche, un poste de police typiquement américain, à notre droite, un diner qu'il est tout autant

De la troublante et nullement fortuite ressemblance avec La nuit des masques de John Carpenter, le constat premier aurait sans doute été de railler l'opportunisme facile du duo précité. Ne prétendant nullement égaler l'original, Horrible n'est pourtant pas qu'une simple resucée. Au contraire. Si le scénario s'attache à reprendre plusieurs éléments clefs du classique de 1978 : un « ogre » en lieu et place du fameux croquemitaine du petit Tommy, un tueur fou échappé d'un hôpital, une baby-sitter (et une garde-malade en sus), ou encore la présence d'un docteur, prêtre pour l'occasion et ennemi juré du monstre, Montefiori y incorpore également d'autres composantes plus ou moins originales. Mikos Stenopolis fait ainsi évidemment échos au terrible Nikos Karamanlis d'Anthropophagous, la fringale cannibale de ce dernier cédant sa place à une invincibilité à l'épreuve des balles, fruit des expérimentations biochimiques dont Stenopolis fut le cobaye. Capillotracté ou non, et à défaut de nous expliquer comment ce psychopathe a réussi à traverser l'Atlantique pour se retrouver perdu en pleine campagne étasunienne (?!), l'argument fantastique a l'avantage certain de mettre un terme à l’inexplicable immortalité des serial killers qui hantent les films d'horreur.


Jean-François Rauger avait non sans raison dépeint Anthropophagous par sa « violence graphique proprement inouïe ». Horrible fait sinon mieux, du moins encore plus fort. En dépit des faiblesses évoquées précédemment, le long métrage se distingue par son atmosphère malsaine croissante, avec en point d'orgue l'éprouvante exécution de l'infirmière interprétée par Annie Belle, ex-égérie de Jean Rollin dans l'onirique Lèvres de sang. Fort d'une tension anxiogène dont l'imposante carrure et le jeu physique de George Eastman en sont le parfait émissaire, Rosso sangue mérite amplement ses galons de classique du genre, et sa place parmi les indispensables de l'imposante et très hétéroclite filmographie du réalisateur romain.
 
 Les plus D'amatophiles auront reconnu un extrait de Sesso nero avec Mark Shannon et la belle Lucia Ramirez

Le DVD a été réédité en septembre 2014 par BACH Films avec en guise de supplément un entretien avec Christophe Lemaire.

En bonus : quelques gifs du film sur notre tumblr.






Rosso sangue (Horrible - Absurd) | 1981 | 96 min
Réalisation : Joe D'Amato (Peter Newton)
Scénario : George Eastman (John Car)
Avec : George Eastman, Annie Belle, Charles Borromel, Katya Berger, Kasimir Berger, Hanja Kochansky, Ian Danby, Ted Rusoff, Edmund Purdom
Musique : Carlo Maria Cordio
Directeur de la photographie : Joe D'Amato (Richard Haller)
Montage : George Morley
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(1) Les deux films ont également le point commun d'intégrer le cercle fermé des films interdits sur le sol britannique lors de leur exploitation en salle.

(2) Assimilé puisque dans le premier Vendredi 13, Jason Vorhees n'est pas l'auteur de tous ces crimes...

(3) Vendredi 13 qui était lui-même une adaptation de La baie sanglante du maestro Mario Bava.

(4) Le point culminant sera atteint quand le petit frère de l'héroïne voudra à tout prix que sa sœur Katia lui ouvre la porte de sa chambre, alors que cette dernière est atteinte d'une déviation de la colonne vertébrale et par conséquent harnachée sur son lit! De là à dire que Katia va se libérer pour lui en foutre deux bien senties, il n'y a qu'un pas...
 

Archie Shepp Attica Blues Big Band - Anthony Joseph - Festival Sons d'hiver, Fontenay-sous-Bois 6 février 2015

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Dans le cadre du festival Sons d'hiver (du 23 janvier au 15 février) se tenait vendredi soir une double affiche des plus alléchantes : le chanteur originaire de Trinidad, Anthony Joseph, et l'un des derniers patriarches de la Great Black Music, Archie Shepp accompagné de son Attica Blues Big Band.

Découvert par le préposé en 2009 lors de la sortie de son album Bird Head Son, le choix du caribéen en première partie de Shepp pouvait difficilement être remis en cause à la lecture de ses influences et à l'écoute de ses diverses productions (de son premier disque en 2007 Leggo de Lion au récent Time en 2014 produit par la talentueuse Meshell Ndegeocello). Disciple des grandes musiques noires, Joseph brasse sans commune mesure les genres et les styles avec une facilité déconcertante. Entre les rugissements typiquement free jazz de son saxophoniste Shabaka Hutchins, ce poète combine avec grâce la soul 60's, l'exubérance funk 70's et les essences world. A la confluence entre le chanteur Leon Thomas et le saxophoniste David Murray et son ensemble Qwotet pour cette capacité à mettre en forme un carrefour d'influences multiculturelles, cet apôtre du rapso, mélange de rap et de calypso en provenance de son île originelle, et son Spasm Band offrirent une prestation chaleureuse et communicative aux spectateurs venus nombreux. Un régal pour les oreilles et une mise en bouche suprême avant l'arrivée du patriarche Shepp.

 

Anthony Joseph (Voix, percussions), Shabaka Hutchins (Saxophones), José Curier (Basse), Courtney Jones (Batterie), Steel Pan & Roger Raspail (Percussions)



Comme le souligna fort justement en préambule Archie Shepp, l'existence et le retour sur scène depuis trois ans de son Attica Blues Big Band (1) reste toujours d'actualité à la vue des récents évènements qui secouèrent Ferguson. Créé à l'origine pour son album Attica Blues (1972), en référence aux mutineries et au massacre qui en découla dans la prison du même nom en septembre 1971, son Big Band s'écartait de l'image d'ex-jeune loup de la New Thing qu'on avait bien voulu coller à l'ancien protégé de John Coltrane (2). Hommage aux musiques afro-américaines et aux luttes continuelles pour les droits civiques, cette nouvelle incarnation en 2015 gardait sur le papier une pertinence intacte.


Entouré de ses deux choristes et de ses treize musiciens, des plus aguerris (le grand Famodou Don Moye ex-Art Ensemble of Chicago ou l'ancien pianiste de Yusef Lateef, Tom McClung) aux plus jeunes invités, Archie Shepp et son orchestre revisitèrent avec brio et incandescence le répertoire de la Great Black Music. Blues, rhythm'n'blues, swing, bop, free jazz, à l'instar du séminal disque de 1972 et de sa séquelle l'année suivante, The Cry of My People, Shepp et consorts passèrent en revue leurs différentes aspirations musicales, des compositions de Cal Massey dont Blues for Brother G. Jackson, à l'Ellingtonien Come Sunday, au final Attica Blues.

Mémorable.



Archie Shepp Attica Blues Big Band
Archie Shepp (Saxophone ténor, saxophone soprano, chant), Izidor Leitinger, Olivier Miconi & Christophe Leloil (Trompette), Olivier Chaussade (Saxophone alto), François Théberge & Virgile Lefebvre (Saxophone ténor), Jean-Philipe Scali (Saxophone baryton), Sébastien Llado, Michaël Ballue, Romain Morello (Trombone), Pierre Durand (Guitare), Darryl Hall (Basse, contrebasse), Tom McClung (Piano), Famodou Don Moye (Batterie), Nicole Rochelle & Marion Rampal (Chant).


 Plus de photos sur notre tumblr.
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(1) A écouter d'urgence le live I Hear the Sound (2013) témoignage sonore de ce second retour (après celui de 1979).

(2) Pour rappel, avec l'appui du saxophoniste, Shepp enregistra son premier disque sur son label Impulse!, Four for Trane (1964), album de reprises de Coltrane comme son nom l'indique.

Cronico Ristretto : Monk's Dream - Thelonious Monk (1963)

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L'histoire a été mentionnée précédemment ici-même. Jazzman singulier, Thelonious Monk dut, contrairement aux autres précurseurs du be-bop, Bird ou Gillespie en tête, attendre la fin des 50's pour obtenir le début d'une véritable reconnaissance publique et critique. Mieux, la nouvelle décennie lui offrira enfin la consécration attendue en le plaçant au panthéon des pianistes. Petit rappel des faits.

1962, Monk rejoint Columbia, label de son ancien comparse et bref sparring-partner musical (1), Miles Davis, avec lequel il enregistra une unique et mémorable session un 24 décembre 1954 (regroupée sur les deux albums essentiels Miles Davis and the Modern Jazz Giants et Bags' Groove). Détail amusant autour de ces deux illustres jazzmen aux caractères bien trempés, si l'ombrageux trompettiste enregistra pour le label Prestige une première version de 'Round Midnight, Davis intitula néanmoins son premier album pour la major du même nom que le standard de Monk en 1957. Fin de l'aparté.

Enregistré à New-York dans l'illustre Columbia 30th Street Studio les 31 octobre, 1er, 2 et 6 novembre 1962 (2), Monk's Dream synthétise, au sens propre comme au sens figuré, l'art du pianiste. Accompagné de son quartette, le saxophoniste ténor Charlie Rouse (3), le contrebassiste John Ore et le batteur Frankie Dunlop, Monk profite de ce nouveau contrat, et des nouveaux moyens qui lui sont octroyés (4), pour graver ce qu'il convient de définir aujourd'hui comme un parfait guide pour quiconque voudrait découvrir l'univers musical passé, présent et futur de ce jazzman d'exception. Dans la grande tradition monkienne, le pianiste va ainsi piocher dans son ancien répertoire, et lui offrir sinon une nouvelle lumière, du moins une interprétation proche de la perfection.

Seule « originalité » concédée, Monk's Dream contient une composition inédite, Bright Mississipi, les autres, on l'aura compris, ayant déjà été joués en public et/ou enregistrés par Monk plusieurs années auparavant. Du classique éponyme aux standards Body and Soul et Sweet and Lovely, en passant par le renommé Blue Bolivar Blues (5), l'imprévisibilité et le style si particulier du pianiste établissent, si besoin est, le caractère rare de Monk, à une époque où le bop apparaissait dépassé. Au besoin, l'écoute de Just a Gigolo devrait convaincre les derniers indécis.
En attendant 1964 et la couverture du Time Magazine un 28 février, et quelques mois plus tard, It's Monk's Time, un autre incontournable de sa riche discographie.


Titres :
01. Monk's Dream / 02. Body and Soul / 03. Bright Mississipi / 04. Blues Five Spot / 05. Blue Bolivar Blues / 06. Just a Gigolo / 07. Bye-Ya / 08. Sweet and Lovely / 09. Monk's Dream [Alternate take] /10. Body and Soul [Alternate take] / 11. Bright Mississipi [Alternate take] / 12. Blue Bolivar Blues [Alternate take]
  
  
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(1) La rencontre entre les deux hommes ayant été loin d'être des plus cordiales si on en croit la légende.

(2) Bye-Ya et Blue Bolivar Blues furent enregistrés le 31 octobre, Body and Soul et Bright Mississippi le 1er novembre, Sweet and Lovely, Just a Gigolo et l'éponyme Monk's Dream le 2 novembre, et finalement Blues Five Spot le 6 novembre.

(3) Figure incontournable des quartettes de Monk des années 60, Rouse fut à ses côtés de 1958 jusqu'au début de l'année 1970.

(4) Non content d'être enregistré dans un lieu quasi-mythique, l'album est produit par Teo Macero, producteur de Kind of Blue de Miles Davis ou de Time Out de Dave Brubeck.

(5) Blue Bolivar Blues apparait en 1957 dans Brilliant Corners sous le titre Ba-lue Bolivar Ba-lues-are.

Cronico Ristretto : Renegades of Rhythm : DJ Shadow & Cut Chemist play Afrika Bambaataa au Trianon - 22 février 2015

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Partenaires de longue date, souvenons-nous au hasard de Product Placement, témoignage sonore d'une prestation scénique commune au début du millénaire, Josh Davis et Lucas MacFadden, alias DJ Shadow et Cut Chemist, se sont de nouveau associés cette année pour rendre hommage à l'un de leurs pères spirituels et fondateur de la Zulu Nation : Afrika Bambaataa. Figure incontournable des jeunes années du hip-hop, Bambaataa fut à l'instar de son comparse Grandmaster Flash l'un des pionniers du mouvement en tant que DJ, les deux hommes ayant connu la même année en 1982 la consécration publique, le premier avec le hit interplanétaire Planet Rock et son phénoménal sample de Kraftwerk, le second avec l'hymne historique The Message.

Toutefois comme le démontrèrent ce dimanche 22 février DJ Shadow et Cut Chemist, l'influence musicale d'Afrika Bambaataa dépasse largement ce succès populaire. Au contraire. Derrière les platines depuis les années 70, les block parties organisées par le DJ servirent de fondation au mouvement naissant avant de prêcher la bonne parole en dehors de son Bronx natal.


Scindé en trois parties, les deux consciencieux DJ (et leurs six platines) avaient la charge de revisiter l'histoire à partir de la collection personnelle de vinyles du maître (1) : une première située chronologiquement aux origines 70's, une deuxième synonyme de l'ouverture de Bambaataa au monde et aux autres musiques durant les 80's et enfin une section finale en guise de libre interprétation.

Au-delà des qualités techniques évidentes des deux protagonistes, leurs états de service n'étant plus à prouver, le concert ne ressembla en rien à une soirée ankylosée par une nostalgie trop prégnante. Accompagné par un visuel faisant la part belle aux vues de la Big Apple et aux pochettes d'albums de la dite collection signé Ben Stokes, le duo complice aux mains agiles ouvrit un livre d'images des plus animées. De la soul, funk au disco en passant par les musiques latino, le premier set prit la forme d'un abécédaire de la musique noire, pour mieux céder la place aux mélodies froides du mythique Trans-Europe Express et plus encore (2) le temps de la deuxième partie. 


Dernière date européenne de la paire, avant un périple océanien et un retour sur les terres étasuniennes en septembre, DJ Shadow & Cut Chemist pouvaient quitter le Trianon sereinement, l'art d'Afrika Bambaataa est encore bien vivant et vibrant en 2015.

Plus de photos sur notre tumblr.
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(1) Comme l'indiqua Josh Davis en fin de concert, les vinyles d'Afrika Bambaataa et ses autres documents ont depuis décembre 2013 intégré la collection du Cornell University Library.

(2) Et à un certain désarçonnement de la part du préposé à l'écoute du Owner of a Lonely Heart de Yes !

Jess Franco et la musique - L'indic, Noir magazine n°20

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"Je me suis toujours considéré comme un musicien de jazz qui fait des films avant d'être réalisateur" confiait le madrilène Jess Franco. 

Né en 1930, Jesús Franco Manera de son vrai nom débuta très tôt une formation musicale le menant jusqu'au Conservatoire Royal avant d'entamer à Paris, après avoir abandonné son droit au début des années 1950, des études de cinéma à l'Idhec. Auteur entre 1957 et jusqu'à sa mort en 2013 de pas moins de deux cent films, Franco resta marqué toute sa vie par la musique et en particulier par le jazz. Habitué à signer ses métrages sous divers pseudonymes, l'homme aimait se cacher derrière le nom d'anciens jazzmen, son plus connu étant l'étoile filante des 50's, le trompettiste Clifford Brown. 

[...]
  
James Darren et Jess Franco dans Venus in Furs


La suite dans le 20ème numéro de la revue L'Indic, Noir magazine.

Pour plus d'informations : Fondu Au Noir et sur facebook.

The Light at the End of the World - My Dying Bride (1999)

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Enregistré dans la foulée du mésestimé, et chroniqué il y a peu,34.788%...Complete, le sixième album des britanniques My Dying Bride, The Light at the End of the World, fut considéré pour beaucoup comme leur grand retour.

Si le disque atteste un manifeste retour aux sources originelles, celui-ci semble toutefois moins le fruit d'une prise de conscience après des années d'errements, que le triste constat de vouloir mettre un terme aux évolutions successives que connut la formation au cours de la décennie 90. Second point, la question n'en demeure pas moins délicate a posteriori tant ce supposé come-back doom/death semblait être finalement prémédité selon les propres dires du chanteur Aaron Stainthorpe (1), le faible écart temporel entre les deux albums accréditant d'une certaine manière ce scénario, tout en n'infirmant pas les raisons qui poussèrent à cette nostalgie formelle.

A défaut d'être devenu un point de non retour, le précédent disque de MDB pouvait apparaître comme un cap indépassable. Or de la fin des expérimentations passées, le groupe et en particulier son line-up en fut le premier affecté. En préambule, la place prédominante prise au fil du temps par le violoniste et claviériste Martin Powell, et par conséquent son départ, avait en quelque sorte permis de rabattre davantage les cartes en délaissant leur traditionnelle image gothique pour embrasser une silhouette plus moderne sur 34.788%. Principal acteur de cette mue radicale, le guitariste Calvin Robertshaw, co-producteur et compositeur principal, allait néanmoins s'éclipser par la suite (pour raisons personnelles et non comme chacun pensait, congédié par le duo Stainthorpe / Craighan, Robertshaw étant rendu responsable de « l'échec public » du dit album). Dernier coup du sort, MDB subissait également le départ forcé de leur batteur canadien Bill Law pour raisons, cette fois-ci, administratives (2). Et en attendant de trouver un second guitariste (Hamish Glencross), Andrew Craighan se chargeant de l'intégralité des guitares du futur disque (3), le trio trouva en la personne de Shaun Steels, ex-Anathema et batteur sur Alternative 4 (1998), un remplaçant évident.

Pour décrire The Light at the End of the World, la facilité serait de le présenter comme une relecture épurée de Turn Loose the Swans. Les deux disques ne manquent pas en effet de points communs, le nouvel album établissant une filiation directe avec le classique deuxième opus des britanniques : un chant alternant voix clairs / chant death et une ambiance des plus sombres. Loin d'être une simple redite, si The Light pioche en effet dans le passé de la formation, celui-ci offre néanmoins son lot de surprises à l'instar de la chanson qui ouvre l'album : She is the Dark et ses passages foncièrement bileux soulignés par les accents black metal de Stainthorpe. Entre mélancolie et rage, MDB ressuscite la virulence des premiers EPs Towards the Sinister ou God is Alone en y apportant une nouvelle production incisive.

Passé maître dans l'art de tisser de sinueuses atmosphères lourdes et dépressives, la formation évite toutefois les défauts que l'on pouvait parfois lui reprocher auparavant, à la notable exception du pénible titre éponyme, soit une lourdeur et lenteur excessive prenant la forme d'une laborieuse inertie. Hypnotiques, envoûtants, les riffs signés Craighan retrouvent finalement la place qui leur manquait au mitan des 90's ; mieux, l'absence de violons et autre piano, remplacés avec parcimonie par quelques claviers discrets (par  Jonny Maudling de Bal-Sagoth), délivre un minimalisme salvateur bienvenu à l'instar du troisième volet des dramatiques Sear Me (4) qui clôt le disque.

The Light at the End of the World laisse ainsi le sentiment d'un groupe bien décidé à ne rien lâcher en revisitant habilement leur doom metal épique (5). 


Titres :
01. She Is the Dark / 02. Edenbeast / 03. The Night He Died / 04. The Light at the End of the World / 05. The Fever Sea / 06. Into the Lake of Ghosts / 07. The Isis Script / 08. Christliar / 09. Sear Me III
 

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(1) Lire l'interview donné pour le site metal-rules.

(2) Son visa fut non reconduit ce qui provoqua la suppression de toute tournée en support à 34.788%...Complete.

(3) Calvin Robertshaw se joint toutefois en guise de second guitariste pour le morceau final Sear Me III.

(4) Trilogie débutée en 1991 et 1993 sur leurs deux premiers albums, As the Flower Withers et Turn Loose the Swans.

(5) Un bémol toutefois : si ce retour dans le giron d'un doom metal plus classique fut couronné de succès en 1999, la formule annoncera surtout lors de la décennie suivante un manque de prise de risque certain de la part de MDB, faisant inévitablement regretter aux plus nostalgiques les évolutions 90's.

Autour de minuit ('Round Midnight) - Bertrand Tavernier (1986)

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Sorti deux années avant le Bird de Clint Eastwood, 'Round Midnight de Bertrand Tavernier, de par son sujet, son ambition et la personnalité de son réalisateur, pourrait se présenter naturellement comme le premier volet d'un diptyque 80's (1) consacré au jazz de l'ère bebop. Produit par Irwin Winkler (Rocky, Raging Bull) et coécrit avec David Rayfiel, qui avait auparavant collaboré avec Tavernier sur La mort en direct (1980), Autour de minuit, en référence et en hommage au standard de Thelonious Monk (réinterprété vocalement lors du générique par le talentueux Bobby McFerrin), s'éloigne de l'habituelle place figurative à laquelle le jazz a le droit dans le cinéma depuis la création de ses deux arts (ces derniers étant à peu de chose près nés à la même époque). La musique est au centre de l'histoire, le jazz devient le moteur narratif du script (à défaut de l'être formellement comme chez Jess Franco), ou le portrait imaginaire d'un saxophoniste noir américain dans le Paris de la fin des années 50.

Le saxophoniste Dale Turner (Dexter Gordon) quitte New-York et son ami Hershell pour rejoindre la capitale française. En proie à ses propres démons en sus de celui de l'alcool, le vieux saxophoniste espère y trouver un refuge et une meilleure reconnaissance de la part de son public : "no cold eyes in Paris". En compagnie de plusieurs jazzmen expatriés, Turner joue chaque soir au Club Blue Note sous l'étroite surveillance de son amie Buttercup (Sandra Reaves-Phillips). Un soir, l'homme usé fait la connaissance de Francis Borler (François Cluzet), un de ses plus fervents admirateurs. De cette rencontre nait une amitié et le début d'une renaissance pour Turner. Francis et sa fille Bérengère (Gabrielle Haker) vont veiller désormais sur Dale, et lui faire recouvrer son génie.


Inspiré en partie par la vie de Lester Young, et davantage par les mémoires de Francis Paudras et de son livre, La danse des infidèles : Bud Powell, 'Round Midnight s'attache à décrire avec minutie la relation unique qui lie deux hommes réunis par la même passion, celle de la musique, et en particulier celle du jazz. Le personnage joué par François Cluzet, illustrateur pour le cinéma, voit ainsi sa vie changée auprès du jazzman, ce dernier lui ouvrant de nouveaux horizons créatifs, tandis que Francis lui offre un cadre propice à oublier ses démons tentateurs, et à panser ses plaies intimes. "Mon amour, c'est la musique vingt-quatre heures sur vingt-quatre" confie Turner à un médecin. Or comme indique Ace (Bobby Hutcherson) à Francis, "ce qu'on trouve de plus beau peut aussi être ce qui fait le plus mal".

Puisant dans sa propre expérience, Dexter Gordon séjourna à Paris, puis à Copenhague, pendant quinze ans, et fut le bref compagnon de route de Powell (ils enregistrèrent avec Pierre Michelot et Kenny Clarke en 1963 l'album de Gordon Our Man In Paris), le saxophoniste incarne littéralement ce grand bonhomme "fatigué de tout... sauf de la musique". De la vie de ses deux grands musiciens disparus, le scénario de Tavernier et Rayfiel en reprend les grandes étapes, les anecdotes et les personnages clefs en n'omettant pas les zones d'ombre, les addictions et problèmes psychiatriques, de même que le retour à New-York de Turner, puis sa mort, évoquant irrémédiablement celle de Powell.

   
Mise en scène par un féru de jazz, 'Round Midnight fait forcément la part belle esthétiquement à la musique, ses cadrages soignés, et sa bande-originale signée Herbie Hancock (Oscar et César de la Meilleure musique en 1987 et une nomination pour Dexter Gordon dans la catégorie Meilleur acteur aux Oscars) (2). Entouré du VSOP (Wayne Shorter, Freddie Hubbard, Ron Carter, Tony Williams), de musiciens ayant joué par la passé avec le saxophoniste (Palle Mikkelborg, Bobby Hutcherson, Cedar Walton, Pierre Michelot) (3) et enfin de John McLaughlin ancienne connaissance milesdavisienne du pianiste, la paire Hancock / Gordon livre à l'instar de leurs comparses une interprétation sans faille. Mieux, non content de donner le rôle principal à Gordon, Tavernier fait également jouer la comédie à Hancock, juste ce qu'il faut, et à Hutcherson, celui-ci se voyant offrir un véritable rôle secondaire (4).

Fictionnel, tout en étant empreint de nostalgie, 'Round Midnight s'écarte finalement peu du traditionnel académisme des biopics. Qu'importe d'une certaine manière tant Bertrand Tavernier maîtrise son sujet, l'authenticité et l'amour du jazz qui se dégagent du long métrage faisant éclipser son manque de dynamisme et d'expressivité formelle.

A conseiller évidemment en premier lieu aux amateurs de musique, mais aussi à ceux qui voudraient découvrir une page d'histoire, celle d'un Paris révolu, quand St Germain des Prés était le refuge de nombreux jazzmen américains.





'Round Midnight (Autour de minuit) | 1986 | 133 min
Réalisation : Bertrand Tavernier
Production : Irwin Winkler
Scénario : David Rayfiel & Bertrand Tavernier
Avec : Dexter Gordon, François Cluzet, Sandra Reaves-Phillips, Christine Pascal, Herbie Hancock, Bobby Hutcherson, Gabrielle Haker, Martin Scorsese
Musique : Herbie Hancock
Directeur de la photographie : Bruno de Keyzer
Montage : Armand Psenny
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(1) De diptyque à triptyque en incluant le documentaire produit par Eastwood et réalisé par Charlotte Zwerin : Thelonious Monk : Straight, No Chaser, chroniqué il y a peu.

(2) A noter l'existence de l'album The Other Side of Round Midnight (1985) signé Gordon où l'on retrouve le reste des sessions d'enregistrement du film.

(3) Sans décrire toutes les ramifications entre les différents musiciens présents, citons tout de même que Dexter Gordon joua sur le premier album solo d'Hancock, Takin' Off (1962), que le trompettiste danois Palle Mikkelborg collabora sur More Than You Know (1975) et Strings and Things (1976), le vibraphoniste Bobby Hutcherson sur Gettin' Around (1965) et enfin le pianiste Cedar Walton sur Tangerine (1972) de Gordon.

(4) Avec en prime la présence de Martin Scorsese dans le rôle de l'agent de Dale lors de son retour new-yorkais accompagné de Francis.

Héros (Hero and the Terror) - William Tannen (1988)

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Il serait sans doute exagéré d'affirmer que les héros musclés made in USA des années 80 négocièrent un net virage dans leur filmographie à la fin de la dite décennie. Constatons toutefois que du trio Schwarzenegger / Stallone / Norris, chacune de ses stars du cinéma d'action tourna dans au moins un long métrage où leur image de tough guy s'édulcora, momentanément, à l'heure du reaganisme vieillissant. Des trois défenseurs du monde libre, le géant autrichien fut sans conteste celui qui s'en tira le mieux en 1988 avec la comédie d'Ivan Reitman, Jumeaux, un succès qui le conforta pour le pire à rempiler à deux reprises dans le genre quelques années plus tard avec le même réalisateur ; moins bien conseillé, le glissement de Stallone vers la comédie pourrait quant à lui se résumer à chaque fois par de mauvais choix : du méconnu New York Cowboy (1) avec Dolly Parton en 1984, à L'embrouille est dans le sac (remake d'Oscar avec De Funès !), et Arrête, ou ma mère va tirer !, dans la foulée du simili accident industriel nommé Rocky 5 au début des 90's. Boulimique, bipolaire, etc., Sly en parallèle du succès phénoménal de ses deux franchises s'essaya à de nombreux genres, devant ou derrière la caméra (2), enquillant par exemple entre 1986 et 1987 un film d'action policier supraréac', Cobra, puis un hybride sportivolarmoyant, mélange subtil de sueur et de larmes, nommé Over the Top. Or détail qui n'en est pas vraiment un, ces deux navets pur jus furent produits par la sacrosainte Cannon, celle qui donna ses lettres de noblesse à celui qui nous intéresse : Chuck Norris.

Non content d'avoir donné un essor notable à la carrière internationale de notre karatéka moustachu au mitan des années reaganiennes (2), les cousins Menahem Golan et Yoram Globus furent ensuite les initiateurs d'un léger changement de direction dans sa filmographie. Pas de quoi remettre en cause les élans patriotiques droitiers et son envie de mettre les pieds où bon lui semble, mais plutôt le désir d'élargir le public de leur poulain en montrant une facette moins rigide. Film d'aventure portnawak directement pompé sur la série des Indiana Jones, Le temple d'or offrit au mieux à Norris un contre-emploi récréatif; à l'inverse le déstabilisant Hérosmit à mal son légendaire flegme martial en le transformant en personnage vulnérable. Un crime de lèse-majesté qui sera sanctionné par le retour en grâce de Scott McCoy deux ans plus tard, mais n'allons pas trop vite..
   
 Il souffre, tu souffres, nous souffrons tous

Depuis l'arrestation du serial killer Simon Moon (Jack O'Halloran), dit la Terreur, le policier Danny O'Brien (Chuck Norris) est en proie à de récurrents cauchemars. Promu au rang de héros par la presse de Los Angeles, Danny supporte mal cette notoriété soudaine et ce surnom qui contrastent avec une action qui faillit lui coûter la vie. Transposant à sa façon la citation,  « un esprit sain dans un corps sain », Danny soigne d'une part une partie de ses maux en séances de bodybuilding, et d'autre part ses problèmes psychologiques en entamant une relation amoureuse avec sa psychothérapeute (Brynn Thayer). Interné depuis trois années à l'hôpital psychiatrique de Camden, Moon réussit à s'échapper au volant du camion de la blanchisserie avant de finir dans le fleuve voisin. Mais son corps n'est pas retrouvé, et depuis peu, plusieurs cadavres de femmes sont découverts portant des marques similaires aux anciens meurtres de Moon. Mais cette fois-ci, Danny O'Brien est prêt.

 Des images d'une rare violence

Coécrit par Denis Shryack, scénariste de Sale temps pour un flic, précédent film avec Norris, et par Michael Blodgett (4), auteur du roman dont est tiré le scénario du métrage, Héros, comme le laisse supposer la lecture du résumé ci-dessus, s'éloigne par plusieurs aspects des habituels rôles franc du collier auxquels Chuck Norris eut droit. Ces éléments « perturbateurs » cassent-ils l'image du célèbre interprète de Braddock ? En partie, et sans doute pas tel que les auteurs et nos producteurs chéris l'auraient souhaités. Si finalement le remplacement de Clint Eastwood par Norris dans Sale temps pour un flic fut plutôt salutaire pour ce dernier (film qui reste parmi ses plus recommandables à défaut d'être mémorable), il est difficile d'admettre que notre moustachu ait paradoxalement les épaules suffisamment larges pour endosser un flic torturé et en sus le rôle d'un futur père de famille. Plus compétent dès qu'un malotru vient par mégarde lui baver sur les rouleaux, l'histoire d'amour pasteurisée à laquelle il doit se plier est un cruel crève-cœur pour le spectateur, pire un supplice pour le fan témoin malgré lui de l'émasculation de son karatéka préféré (5). 


Doté d'une esthétique télévisuelle relativement surprenante eu égard au premier long métrage du réalisateur, Flashpoint (6) avec Kris Kristofferson et Treat Williams, Héros accumule donc les tares en dépit de sa louable ambition, faire cohabiter en un seul film, policier viril et romance pour ménagères pré-ménopausées. Endossant de nouveau le costume d'homme de l'ordre, luttant contre un serial killer à la force surhumaine après celui d'Horreur dans la ville (7), Chuck Norris tente de faire bonne figure, non sans mal, tant il apparaît bridé (crispé ?). Accompagné de Steve James, éternel second rôle de l'écurie Cannon (American Ninja, Delta Force), le casting offre également une surprise avec la brève présence de Ron O'Neal (Superfly) en maire de L.A. et Billy Drago en psychiatre, avant d'incarner le terrible Ramon Cota auprès de sieur Norris dans Delta Force 2. Seule véritable point à porter au crédit du film, la présence de Jack O'Halloran (Superman I & II) dont l'animalité non feinte (comment avec un tel physique massif son personnage réussit à s'échapper dans les conduits d'aération reste par contre un mystère digne du dossier Eugène Tooms) apporte un réel climat malsain à Héros.

  
Action molle, scénario bâtard (et convenu) pour acteur principal en perdition, ce dernier film produit par Golan pour Norris s'apparente irrémédiablement à un chant du cygne sept mois après le dernier et troisième volet de Portés Disparus.

Pour les sadiques qui souhaiteraient voir Chuck Norris souffrir en dedans... ou bien voir son slip bleu.



Hero and the Terror (Héros) | 1988 | 96 min
Réalisation : William Tannen
Production : Menahem Golan & Yoram Globus
Scénario : Dennis Shryack & Michael Blodgett d'après le roman de Michael Blodgett
Avec : Chuck Norris, Brynn Thayer, Steve James, Jack O'Halloran, Jeffrey Kramer, Ron O'Neal, Billy Drago
Musique : David Michael Frank
Directeur de la photographie : Eric Van Haren Noman
Montage : Christian Wagner
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(1) Placé entre les deux volets de la franchise Rambo, le film profita d'une certaine manière d'un pratique anonymat lui permettant d'être rapidement oublié de la mémoire collective.

(2) La séquelle de La fièvre du samedi soir, Stayin alive, c'est lui !

(3) Remember la triplette patriotique-pouet pouet Portés disparus, Delta Force et Invasion USA.

(4) Shryack et Blodgett seront également coupables du scénario de Turner & Hootch avec Tom Hanks.

(5) Il est bien loin le temps de la passion avec les sublimes Anne Archer et Barbara Carrera.

(6) Le film eut droit à une projection dans le cadre des inénarrables soirées Cinéma bis de la Cinémathèque française. Pour information, Tannen retrouva Norris en 2005 en réalisant le direct-to-video Le Sang du diamant.

(7) Le film eut également les honneurs d'une soirée cinéma bis : Chuck Norris contre un ennemi, mi créature de Frankenstein, mi Michael Myers. Ça vous tente ?


Cronico Ristretto : Roy Ayers - New Morning, Paris, 30 mars 2015

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En paraphrasant le slogan d'une radio parisienne (celle-là même qui apparaît sur l'affiche du concert pour ne pas la nommer), le vibraphoniste étasunien Roy Ayers symbolise parfaitement l'idée du Grand Mix. Apôtre des musiques black 70's, à la croisée du jazz, du funk et de la soul, si Ayers n'atteignit pas la popularité d'un Stevie Wonder au près du grand public, son influence et sa notoriété, auprès des jeunes générations, ne s'est fort heureusement jamais démentie. Devenu parrain de la Neo-Soul au mitan des années 90, au même titre qu'un des artistes les plus samplés/remixés par les DJs du monde entier, l'homme n'usurpe pas, cinq décennies après ses débuts, son statut de légende.

Concert affichant complet le soir même, cet habitué du New Morning (neuf passages en moins de quinze ans) put une fois encore compter sur un public parisien assidu, répondant à l'appel de ce grand Passeur (1).

 

Entouré de musiciens de tous âges, du bassiste Donald Nicks, compagnon de route depuis plus de vingt ans, aux jeunes frères Peoples, Jamal aux claviers et Larry à la batterie, Roy Ayers du haut de ses soixante-quatorze printemps repassa en revue en moins de deux heures les nombreux hits de sa riche et prégnante discographie : Everybody Loves The SunshineI Wanna Touch You BabySearchin', Third Eye ou encore What You Say Come On.

En attendant un dixième passage au New Morning.

 
 En mode Flavor Flav

Plus de photos sur notre tumblr.
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(1) Roy Ayers était également en concert deux jours auparavant à Nanterre dans le cadre du Festival Chorus des Hauts de Seine.

Cronico Ristretto : Al Foster : Tribute to Art Blakey - New Morning, Paris, 1er avril 2015

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Batteur de formation, Aloysius, dit Al, Foster, a pour seule devise : Love, Peace and Jazz ! (1). L'homme  a grandi à Harlem après avoir quitté avec ses parents la Virginie. Premier disque en tant que sideman à vingt et un an avec un premier trompettiste, Blue Mitchell, celui-ci signant par la même occasion un de ses disques les plus marquants pour le label Blue Note, The Thing to Do (1964), puis la rencontre d'une vie un soir de 1972 au Cellar Club new-yorkais : Miles Davis. Ancien sideman de l'ombrageux souffleur, compagnon de route des années funk à partir du turbulent et psychotique On the Corner au come back 80's, de The Man with the Horn (1981) à Amandla (1989), Al Foster enregistra en parallèle et par la suite avec les plus grands, Sonny Rollins, Horace Silver, McCoy Tyner, Jackie McLean, Joe Henderson, etc.

Marqué par l'empreinte laissée par ces grands musiciens, Al Foster et son quartette sont venus un soir de premier avril au New Morning rendre hommage à un autre grand monsieur du jazz, et une des influences majeures du batteur : Art Blakey.

 

Accompagné du fidèle Douglas Weiss, clone de Charlie Haden qui le suit depuis deux décennies, le quartette se composait également du jeune pianiste David Bryant et du saxophoniste Godwin Louis. En deux sets, les musiciens menés par la science du rythme de Foster et l'exceptionnel talent de souffleur bop de Louis, véritable chef d'orchestre de la formation du propre aveu de son leader, revisitèrent non sans humour le répertoire de l'ex-meneur des Jazz Messengers avant de quitter les lieux par une dernière révérence Theloniousmonkienne (2).

 
  

Al Foster quartet
Al Foster (Batterie)
Godwin Louis (Saxophone alto et soprano)
David Bryant (Piano)
Douglas Weiss (Contrebasse)

Plus de photos sur notretumblr.
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(1Titre d'un de ses albums live au légendaire Village Vanguard édité en 2008.

(2) Art Blakey et Thelonious Monk jouèrent ensemble au mitan des années 40 avant de graver un album original en 1958.

Le cousin Jules - Dominique Benicheti (1973)

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Film qui n'a jamais été distribué en son temps, Le cousin Jules est par définition un document(aire) rare. Tourné entre avril 1968 et mars 1973, l'œuvre du jeune réalisateur Dominique Benicheti, vingt-cinq ans au début de cette aventure, se démarque tant par son sujet que par les moyens qui ont été mis en œuvre pour capter ce portrait atypique d'un cousin éloigné. Filmer le quotidien d'’un couple d'octogénaires dans leur petite ferme isolée, voici l'ambition de Benicheti. Rien de plus. De ce point de départ minimaliste, faisant écho avec trois décennies d'avance à la trilogie de Raymond Depardon Profils paysans (L'Approche - 2001 ; Le Quotidien - 2005 et La Vie moderne - 2008), l'ancien élève de l’IDHEC, et futur enseignant à l'Université d'Harvard, adopte néanmoins une approche radicale par les moyens techniques employés : tourner en Cinémascope et enregistrer en stéréo ; le documentaire se fait fort d'utiliser les outils modernes du cinéma pour mieux capter l'intimité de ce monde rural voué à disparaître après la mort de ces derniers représentants.

Restaurée à partir de 2011 par Benicheti à partir du négatif original, Le cousin Jules, après une première distribution américaine en 2013, sort à partir du mercredi 15 avril dans les salles d'art et essai françaises, toutes désormais équipées pour projeter le film dans son format d'origine en son stéréo (soit une des raisons principales de son absence en 1973 en dépit de plusieurs présentations remarquées dans les festivals de l'époque : Locarno - Prix spécial du jury, Moscou ou dans les universités étasuniennes).


Jules Guiteaux et son épouse, Félicie, vivent près de la commune Pierre-de-Bresse en Torpes en Bourgogne. Forgeron comme l'était son père et son grand-père, Jules passe le plus clair de son temps dans son atelier, tandis que Félicie gère les tâches journalières, s'occupe du potager et prépare leurs repas. Bercé par cette routine, l'existence du couple est rythmée au son assourdissant de la forge de Jules et marquée par ces instants de complicité silencieuse, affirmations d'une vie passée ensemble. De ce quotidien hors du temps, quand la forge attisée et le fer martelé deviennent les instruments d'un récital pré-industriel (à cet instant le son stéréo voulu par le cinéaste prend tout son sens), et la préparation du café, récupérer l'eau du puits, moudre le grain, chauffer le poêle, devient un rituel, Le cousin Jules en capture l'essentiel. 
 
« Tranche de vie d'un homme [...] qui s'étale sur cinq ans, mais qui donne l'impression de se passer en une seule journée » comme le définissait en septembre 1973 Benicheti, le tournage du Cousin Jules fut loin d'être de tout repos pour le réalisateur et son équipe. Étalé sur plusieurs années, aux difficultés inhérentes à la technique (les problèmes de raccords, l'utilisation du scope) et à la production (le cinéaste tournait sur son temps libre en dehors de son travail pour la télévision) s'adjoignit en août 1971 un drame : la mort de l'épouse de Jules. D'un commun accord, les deux cousins décidèrent de poursuivre le tournage, le récit se recentrant par la force des choses sur l'arrêt de la forge et la « nouvelle vie » du vieil homme.

 
Sans explication ou voix off (la présence à l'écran du fossoyeur précède le décès de Félicie), l'œuvre de Benicheti ne prétend pas à l'universalité ou à une quelconque étude ethnographique (1), Le cousin Julesa davantage le souci de se faire le témoin d'une vie humble centrée sur le temps qui passe (du matin au soir, du printemps à l'hiver). Photographié au début par Paul Launay, puis par Pierre-William Glenn (La nuit américaine, Série noire et la majorité des longs métrages de Bertrand Tavernier entre 1974  et 1983), le long métrage est à l'image de cet auteur fasciné par la technologie dont la carrière fut des plus singulières (documentaires, films scientifiques, institutionnels ou d'animation) : ambitieux, poétique et unique en son genre.





Crédits Photos : © Carlotta Films. Tous droits réservés.


Le cousin Jules | 1973 | 91 min
Réalisation : Dominique Benicheti
Scénario : Dominique Benicheti
Avec : Jules Guitteaux, Félicie Guitteaux
Directeur de la photographie : Paul Launay et Pierre-William Glenn
Montage : Marie-Geneviève Ripeau
Son : Jean-René Bouyer, Christian Bourquin, Roger Letellier
Mixage : Jacques Maumont
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(1) A pondérer quarante ans après sa réalisation, car si le film n'avait nulle vocation ethnographique à l'origine, cet aspect n'est plus négligeable d'une certaine manière aujourd'hui.

Cronico Ristretto : Godflesh - La Gaîté lyrique, Paris, 17 avril 2015

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Si les reformations sont par nature sujet à caution, force est d'admettre que celle de Godflesh en 2010 emporta l'enthousiasme tant la disparition de ces pionniers du metal industriel laissa un vide immense à l'orée des années 2000. Certes, son leader Justin Broadrick n'avait jamais réellement disparu, et la création de son projet le plus connu Jesu, en 2004, soulignait que ce dernier n'en avait pas encore fini avec la musique. Mais Jesu n'avait pas vocation à remplacer Godflesh, et l'annonce d'un nouvel album en 2014, A World Lit Only by Fire, précédé de quelques mois d'un E.P., Decline & Fall, augurait le retour en force de ces précurseurs.

Après une tournée étasunienne au printemps 2014, puis un retour sur leurs terres natales en juin et en décembre, via un passage à Clisson au Hellfest, festival qui eut la primeur de leur reformation, le duo Broadrick et Green entamait entre le 9 et 21 avril une dizaine de dates à travers l'Europe du sud (1), et dans le cas qui nous intéresse sur Paris à La Gaîté lyrique.

 

Le contenu de leur septième album, à l'instar des setlists de leurs concerts depuis 2010, avait bien indiqué la volonté de Godflesh de revenir aux sources de leur musique industrielle minimaliste. Exit donc l'apport d'une véritable batterie ou une quelconque influence de musiques actuelles. A World Lit Only by Fire s'inscrivait ainsi naturellement comme la suite du culte et séminal Streetcleaner. Seul écart et concession aux années 2000, Broadrick au sein de Godflesh joue avec une guitare huit cordes héritée de Jesu.

Axés entre nouveautés et classiques, les soixante-quinze minutes du concert révélèrent, si besoin est, l'étonnante cohésion entre l'ancien répertoire et celui de 2014 : soit une première moitié du set issue d'AWLOBF en parfait accord avec les trois extraits de Streetcleaner, Spite de Pure et le « tube » Crush My Soul.

Culte.

 


 

Godflesh
Justin Broadrick (guitare, machine et chant)
B.C. Green (Basse)

Plus de photos sur notretumblr.


Setlist :
01. New Dark Ages / 02. Deadend / 03. Shut Me Down / 04. Life Giver Life Taker / 05. Carrion / 06. Towers of Emptiness / 07. Christbait Rising / 08. Streetcleaner / 09. Spite / 10. Crush My Soul / Rappel : 11. Like Rats.
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(1) Soit l'Italie, la Belgique, la France, la Suisse et l'Espagne.

Les gladiateurs de l'an 3000 (Deathsport) - Allan Arkush|Nicholas Niciphor (1978)

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1975. Non sans talent et opportunisme, Roger Corman devance de quelques mois le Rollerball de Norman Jewison pour sortir Death Race 2000, série B d'anticipation inspiré par le thème du sport futuriste ultraviolent. Avec à l'affiche David Carradine, tout droit sorti de la série à succès Kung Fu, et accompagné d'un dénommé Sylvester Stallone, cette Course à la mort de l'an 2000 avait le précieux avantage de gagner en transgression et en satire, là où Rollerball se perdait en conjecture prétentieuse. Fort de ce succès et de celui d'un blockbuster sorti en 1977 (mais n'allons pas trop vite), le fameux producteur remet le couvert trois ans plus tard. De par son titre, Deathsport, et la présence de sa vedette télévisuelle (1), celui-ci pourrait résolument se présenter comme une séquelle du précédent, or il n'en est rien. De cette classique méthode de margoulin, qui revient à semer la confusion dans l'esprit quelque peu embrumé des amateurs de bisseries, faisons abstraction, et soulignons au contraire la perspicacité du roi de la série B. Ébauche de ce qui constituera au début de la décennie suivante un genre à part entière, repris à la chaîne par bon nombre de sympathiques tâcherons transalpins, Les gladiateurs de l'an 3000 (2) annonce avec quatre ans d'avance le raz-de-marée post-apocalyptique eighties. De quoi nous faire oublier les nombreuses défauts de Deathsport ? Faut voir...

Mille années après la grande guerre nucléaire, le monde connu se résume à de vastes étendus sauvages semi-désertiques d'où submergent de grandes cités, derniers vestiges de l'ancienne civilisation disparue. Le sort de l'humanité se divise entre s'entasser dans des cités surpeuplées, telle Helix City dirigée par le dictateur Lord Zirpola (David Mclean), ou bien errer sur cette terre, inhospitalière et contaminée, peuplée de mutants anthropophages. Devenu fou, le maléfique Zirpola demande à son bras droit, et âme damnée, Ankar Moor (Richard Lynch) de capturer les guides mystiques Kaz Oshay (David Carradine) et Deneer (Claudia Jennings) qu'ils considèrent comme une menace. Emprisonnés et torturés dans un premier temps, les deux rebelles sont condamnés à participer au Deathsport : dans une arène, ils devront combattre jusqu'à la mort les redoutables Death machines.

 Pour voir les yeux de David, tentez la contre-plongée

Mis en scène par la paire débutante Arkush (3) et Niciphor, ce dernier étant également coresponsable du scénario, Deathsport s'inscrit rapidement, au-delà de son verni craquelé post-nuke, comme un énième avatar du Star Wars de Lucas. Hybride mal dégrossi, mixant allègrement prétexte sport mécanique, logorrhées mystico-pouet pouet et effets spéciaux tiers-mondistes, ce long métrage est aussi le premier (d'une longue liste) nanar certifié de la non moins dense filmographie de l'aîné de la fratrie Carradine. Si l'homme sut après Kung-Fu mener de front films de divertissement et productions de haut rang (4), force est de constater que son détachement et son je-m'en-foutisme légendaire prirent rapidement le dessus, enquillant sans discontinuer, à quelques exceptions près (5), films alimentaires et autres cachetonnages télévisuels. Professionnel, Carradine incarne ici un guerrier hippie en pagne, avec cape et capuche en fourrure, et sabre en plexiglas en sus, accumulant dès les premières minutes les handicaps sans sourciller. Respect.

 Tant que les gentils portant des costumes ridicules riront, les méchants seront en colère

Difficile au contraire d'avoir autant de mansuétude pour le scénario signé Nicholas Niciphor et Donald Stewart. Ordonnateur du scénario multi-couche, le duo, non content de calquer sans discernement les grandes lignes de Star Wars (Richard Lynch interprète un ancien guide désormais au service du mal qui a tué la mère de Carradine, des rebelles mystiques aux pouvoirs magiques portant des sabres, les transitions entre deux scènes qui étaient déjà signées Kurosawa), accumule les pistes non développées et confuses, la palme revenant au kidnapping de la fille de Deneer par des mutants troglodytes, aussi dangereux que des figurants dont on aurait dissimulé les yeux par des balles de ping-pong. Quant aux bourrins qui espéraient un métrage centré sur des jeux du cirque motorisés, ils en seront également pour leur frais : les séquences estampillées Deathsport durent approximativement moins de dix minutes, et les dites death machines sont des motos customisées argentées qui ont tendance à exploser facilement au moindre contact.
   
 Des matte paintings à la pointe

Seule et maigre compensation : Richard Lynch nous gratifie de sa présence dans son habituel rôle de méchant, en dépit d'un personnage darkvadorien des plus ridicules et d'un duel final avec Carradine méritant amplement d'être érigé au panthéon du portnawak bis (tout en saluant la performance du monteur Larry Bock, grand artisan de cet imbroglio combatif). Plus inattendu, comprendre que l'argument qui justifie ces scènes est atypique, les attributs sexués de la gent féminine incarné par les playmates, Claudia Jennings (6) (qui aura droit à une séance de stroboscope en supplément) puis Valerie Rae Clark, sont dévoilés lors de séances de tortures (?!) : placée chacune nue dans une pièce ornée de barreaux suspendus, Zirpola semble ainsi plus intéressé par les décharges d'électricité dont elles sont les victimes malheureuses, que par leurs déhanchés et autres numéros d'acrobaties topless. Cependant, la morale voyeuriste restera sauve, le vilain périra par là où il avait péché, et le dénommé Kaz Oshay pourra à loisir apprécier après leur évasion l'anatomie de madame Deener.
   
 Séance de torture stroboscopique fluorescentepour Oshay et Deener

Doté d'une bande sonore particulièrement infecte (7), du synthétiseur toxique au bruitage suramplifié des terribles Death machines, le souvenir laissé par ces Gladiateurs de l'an 3000 pourrait apparaitre mitigé, voire pire. Mais ce serait vite oublier les critères déviants qui définissent notre Nanarotron. Loin d'atteindre les sommets du mauvais film sympathique, ce David Carradine en pagne (bondissant tel un cabri à travers les rochers sabre en plexi à la main) mérite tout de même les encouragements du public, du moins la reconnaissance du RHCS.

En attendant Épouvante sur New-York ou Kaine le mercenaire.

En bonus : quelques gifs du film sur notre tumblr.
  
 Un duel au sommet

Verdict du Nanarotron :





Deathsport (Les gladiateurs de l'an 3000) | 1978 | 82 min
Réalisation : Allan Arkush, Nicholas Niciphor
Production : Roger Corman
Scénario : Nicholas Niciphor, Donald Stewart d'après une histoire de Frances Doel
Avec : David Carradine, Claudia Jennings, Richard Lynch, William Smithers, Will Walker, David McLean, Jesse Vint, H.B. Haggerty
Musique : Andy Stein
Directeur de la photographie : Gary Graver
Montage : Larry Bock
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(1) Mais sans Sylvester Stallone désormais indisponible. Étonnant, non ? A la lecture de ce qui va suivre, pas tant que ça...

(2) Titre français prémonitoire avant 2072, les mercenairesdu futur de Lucio Fulci2020 Texas Gladiators du crapoteux Joe D'Amato ou encore le supra-portnawak Les prédateurs du futur de Ruggero Deodato.

(3) Avant d'entamer une carrière de producteur et réalisateur à succès pour la télévision (Heroes, Preuve à l'appui), Allan Arkush cosigna pour l'écurie Corman, avec un autre débutant nommé Joe Dante, Hollywood Boulevard (1976) et Rock 'n' Roll High School (1979).

(4) Un biopic sur le chanteur folk Woody Guthrie, En route pour la gloire (1976), ou encore l'année suivante L'œuf du serpent (Bound For Glory) d'Ingmar Bergman. Tout de même.

(5) A l'instar de Long Riders (1980) de Walter Hill où il retrouve ses frères Keith et Robert. Une indifférence pour la chose filmique à néanmoins pondérer dans les années 70 et début 80, Carradine tournant en effet dans nombres de films alimentaires pour financer la post-production de son film Americana, qui fut présenté à la Quinzaine des réalisateursà Cannes en 1981, avant de sortir deux ans plus tard sur les écrans.

(6Claudia Jennings dont le dernier rôle au cinéma est Fast Compagny de David Cronenberg, cette dernière disparaissant en octobre 1979 dans un (prémonitoire ?) accident de voiture.

(7) A noter que parmi les crédits, la présence d'un certain Jerry Garcia à la guitare est mentionnée. Homonyme ou le leader du Grateful Dead était en mal de liquidité ?

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