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Slowly We Rot - Obituary (1989)

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Du premier album d'Obituary, le préposé se souvient de cette introduction lugubre, de ce soupir malsain plongeant immédiatement l'auditeur dans l'univers sonore d'un film gore eighties ; avant ce choc, cette voix unique et écorchée sortie d'outre tombe. Découvert en retard, soit cinq années après sa sortie en 1989, ce disque au titre fleurant bon la décomposition, Slowly We Rot, fut le billet d'entrée du préposé pour le death metal, ou l'un des mouvements musicaux les plus bouillonnants que connut la musique underground à la fin des années 80 - début des années 90.

Détail pittoresque pour présenter cette époque turbulente, ce metal mortuaire adolescent trouve son berceau en un lieu précis, terre d'accueil des retraités étasuniens et plus populaire pour son soleil et son climat subtropical que pour sa musique extrême : La Floride. La ville de Tampa fut ainsi de manière surprenante à la fois le point de concentration de nombre de formations de ce mouvement naissant : Death, Obituary, Morbid Angel, Deicide, Nocturnus, Malevolent Creation, Atheist, Massacre (1), et également le point de ralliement de la scène nationale puis internationale avec les studios Morrisound Recording des frères Morris, véritable architecte sonore des premiers enregistrements du genre.

Formé en 1984 sous le patronyme Xecutioners, le groupe enregistre plusieurs démos avant d'être signé quatre ans plus tard par le label Roadrunner Records (à se demander si leur directeur artistique Monte Conner n'a pas signé au tournant des années 90 les trois quart des groupes de death metal du globe...). Désormais nommé Obituary juste avant la sortie du premier album en 1989 (2), leur opus profite de l'engouement suscité par le second disque du Death de Chuck Schuldiner, Leprosy qui fut enregistré par trois membres de Massacre (Rick Rozz, Terry Buttler et Bill Andrews). Mais loin d'être de simples suiveurs, Slowly We Rot marque dès sa publication les esprits tant un nouveau cap semble franchi en matière de brutalité et d'extrémisme musical.

Direct, sans compromis, la musique de nos cinq rednecks se caractérise par une crudité héritée des précurseurs du black metal, Bathory et Celtic Frost, dont Obituary reprendra sur leur second LP leur chanson culte Circle of the tyrants. Lourd, rampant, leur son se démarque aussi du reste de leurs voisins. Proche cousin du sludge metal louisanien en devenir (Crowbar et Eyehategod se sont formés à la même époque), le death metal joué par Obituary, s'il n'est jamais à l'abri d'une accélération propre à déboîter quelques cervicales, se définit en premier par l'aspect poisseux de sa production.

Enregistré au culte Morrisound Recording par le débutant Scott Burns, dont il s'agit du premier effort (3), avant de devenir l'un des premiers producteurs attitrés du genre, Slowly We Rot s'inscrit comme l'un des classiques de l'année 1989, année faste pour le death metal avec Altars of Madness des floridiens Morbid Angel et Consuming Impulse des néerlandais Pestilence. Différence notable, le disque, du moins les huit premières plages, furent enregistrées sur un 8 pistes, conférant à l'ensemble un rendu purement Low-Fi. Nullement handicapé par cette économie de moyen, l'album peut au contraire se prévaloir d'une réelle âpreté et rugosité, qu'incarne parfaitement la voix unique de John Tardy. Passé définitivement de l'autre côté du Styx, son style si particulier et sa tessiture si inhumaine (loin des growls basiques de ses pairs) font de sa voix littéralement un cinquième instrument (de torture) au service des histoires macabres et sanguinolentes contés par ces cinq croquemitaines.

Si le disque se tasse vers la fin (4), Slowly We Rot n'en reste pas moins un concentré de rage morbide à l'image des Internal Bleeding, 'Til Death, Suffocation ou la terrible chanson éponyme.

Primaire, urgente, agressive, leur musique, bande son imaginaire d'un film gore synthétisait au mieux l'abécédaire du jeune death metal. Culte.



Titres
01. Internal Bleeding / 02. Godly Beings / 03. 'Til Death / 04. Slowly We Rot / 05. Immortal Visions / 06. Gates to Hell / 07. Words of Evil / 08. Suffocation / 09. Intoxicated / 10. Deadly Intentions / 11. Bloodsoaked / 12. Stinkupuss



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(1) Ancien groupe du soliste d'Obituary, Allen West.

(2) Le changement de patronyme se fait d'ailleurs quasiment dans la précipitation, la pochette de l'album avec l'ancien nom Xecutioners était déjà réalisée.

(3) Avant de produire dans la foulée l'autre succès de Roadrunner de l'année 1989, Beneath the Remains de Sepultura.

(4) Les quatre derniers titres ont été enregistrés lors d'une seconde session (sur un 24 pistes cette fois-ci), Monte Conner trouvant le disque originel un peu court : 22 minutes !


Jodorowsky's Dune - Frank Pavich (2013)

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Présenté à La Quinzaine des réalisateurs, le documentaire de Frank Pavich, Jodorowsky's Dune, fut l'un des événements de l'avant dernier Festival de Cannes. Gravé dans l'inconscient collectif comme un chef d'oeuvre inachevé, resté à l'état d'embryon faute de financement supplémentaire, l'adaptation du roman culte de Frank Herbert par Alejandro Jodorowsky aura suscité et nourri nombre de fantasmes depuis quatre décennies. Pouvait-il en être autrement compte tenu de l'ambition démesurée du chilien, du casting retenu et des personnes impliquées dans ce projet bigger than life pour reprendre l'expression anglophone ? A charge pour Frank Pavich, déjà auteur à l'âge de 22 ans du documentaire N.Y.H.C retraçant l'histoire du hardcore new-yorkais, de nous conter à partir des interviews des protagonistes de l'époque, cette aventure humaine commencée en 1973.

« Je voulais faire un film qui donnerait aux personnes les hallucinations du LSD sans en prendre. [...] je voulais fabriquer les effets de la drogue. [...] Ce que je voulais c'était créer un prophète ».

Une introduction qui en dit long sur la vision de Jodorowsky. Dune devait lui permettre d'aller encore plus loin que ces précédents longs métrages. Désireux à la fois d'ouvrir de nouvelles perspectives, et de toucher au sacré par la venue de ce dieu artistique, la tâche du réalisateur d'El Topo s'avérait ardue et allait prendre la forme d'un combat.


Distributeur en France de La montagne sacrée, Michel Seydoux décida, suite au succès inattendu de ce dernier, de produire le prochain film de Jodorowsky, et cela quelque soit le sujet. La légende veut que le chilien choisisse au hasard le livre d'Herbert sans en avoir lu auparavant une seule ligne. Une fois rachetés les droits à Hollywood, Seydoux s'attelle à louer un château pour Jodo, à lui de trouver son équipe, ses « guerriers spirituels ». 

Le documentaire décrit chronologiquement ainsi les diverses rencontres qui vont permettre à Jodo de réaliser son rêve. Se joindront successivement Jean "Moebius" Giraud, qui mettra en forme un titanesque storyboard, bible de 3000 dessins où l'auteur de Blueberry fera autant office de chef opérateur que de responsable des costumes, et un inconnu prénommé Dan O'Bannon (1), dont le seul fait d'arme à l'époque (en 1974) fut d'être le scénariste et responsable des effets visuels de la comédie science-fictionnelle Dark Star du non moins méconnu John Carpenter. Premiers bras armés de Jodo, Moebius et O'Bannon furent rapidement rejoint par l'illustrateur Chris Foss et l'artiste plasticien suisse H.R. Giger.

Pour le casting, Jodorowsky voit grand, très grand, rien ne saurait freiner son aspiration : Salvador Dali dans le rôle de l'Empereur Padishah Shaddam IV, David Carradine dans celui du Duc Leto Atreides, Orson Welles et Mick Jagger pour incarner le Baron Vladimir Harkonnen et son neveu Feyd Rautha ou encore Udo Kier, acteur Warholien dans le rôle du mentat au service de la maison Harkonnen. Non sans humour, le réalisateur décrit ainsi à chaque fois les circonstances de ses diverses rencontres, et comment il réussit par chance, ou par malice, à obtenir l'accord de ces personnages haut en couleur : Dali devenant l'acteur le plus payé au monde à 100 000 $ la minute. Mais le plus incroyablement surréaliste est sans doute le traitement quasi spartiate auquel sera soumis Brontis, le fils de Jodo, et interprète de Paul Atreides (2) : un entrainement intensif d'arts martiaux, six heures par jour, sept jours par semaine pendant deux ans afin d'en faire symboliquement un kwisatz haderach.


Ajoutons Pink Floyd, ou l'un des plus grands groupes de rock du monde (les anglais venant tout juste de sortir Dark Side of the Moon), pour la musique (3), le projet, non content de devenir de plus en plus énorme, demandait l'aide financière conséquente d'un studio hollywoodien (le budget estimé était de 15 millions, soit une somme loin d'être négligeable en 1975). La suite fait désormais partie de l'histoire. Face aux refus polis des différentes majors, celles-ci remettant en cause à la fois le budget demandé pour ce genre de film, et le choix de ce réalisateur borderline étranger à leurs impératifs commerciaux, la vision mystique cinématographique de Jodorowsky n'avait plus lieu d'exister ; il ne restait plus qu'à son groupe de guerriers d'être récupéré, au même titre que certains idées du storyboard, par Hollywood (chaque studio ayant reçu la précieuse bible).

Illustré par de nombreux extraits du fameux storyboard de Moebius, le documentaire en fait revivre via l'animation quelques scènes marquantes : l'ouverture du film, qui se voulait être le plus long plan séquence du cinéma, dans la lignée de celui de La soif du mal d'Orson Welles, ou bien la scène finale et la mort de Paul (le scénario de Jodo prenant par moment de grandes libertés par rapport au roman originel). Enrichi des regards extérieurs de Gary Kurtz, producteur de Star Wars et de L'empire contre-attaque, et de Richard Stanley (4), réalisateur de Hardware, Jodorowsky's Dune aurait néanmoins gagné à être complété par d'autres avis plus constructifs et moins anecdotiques, voire critiques.

Portrait de Jodorowsky et de son Dune avorté, le documentaire dresse un bilan loin d'être si catastrophique, Pavich préférant, non sans raison, plus retenir l'influence qu'eut la préparation de ce non film dans le cinéma fantastique des années à venir (5), que l'échec d'une entreprise utopiste.

Un incontournable pour tout amateur de SF. 





Jodorowsky's Dune | 2013 | 90 min
Réalisation : Frank Pavich
Avec : Alejandro Jodorowsky, Michel Seydoux, H.R. Giger, Chris Foss, Brontis Jodorowsky, Richard Stanley
Musique : Kurt Stenzel
Directeur de la photographie : David Cavallo
Montage : Paul Docherty / Alex Ricciardi  _____________________________________________________________________________________________________________________________________

(1) Douglas Trumbull, responsable des effets spéciaux de 2001, l'odyssée de l'espace, fut contacté par Jodo, celui-ci fut rapidement congédié par le chilien pour « non compatibilité spirituelle ».

(2) Brontis avait déjà incarné pour El Topo le fils du personnage principal (joué par son propre père). 

(3) Les français de Magma ont été également invités à participer à la bande originale du film, en particulier pour accompagner musicalement l'univers de la Maison Harkonnen, à l'instar de Giger pour l'aspect visuel.

(4) L'avis de l'auteur de Dust Devil apporte peu, mais sans parler de légitimité, le préposé est resté très circonspect par la participation stérile du danois Nicolas Winding Refn.

(5) Le plus bel exemple étant bien évidemment Alien de Ridley Scott qui regroupe les quatre guerriers de Jodo. 

Cronico Ristretto : Ming - David Murray (1980)

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Découvert sur le tard par le préposé lors de la sortie de son excellent album Qwotet, ou une relecture jazz de la musique créole (1), celui-ci garde également un souvenir mémorable de la prestation du monsieur lors de la tournée du dit album : charismatique, inspiré et maitre de son instrument sachant s'entourer de sidemen de qualité dont un jeune guitariste de 20 ans tout bonnement bluffant.

Jeune musicien précoce, David Murray le fut aussi. Débarquant à New-York à tout juste 20 ans, le saxophoniste fait rapidement parler de lui, aidé par l'agent de l'écrivain Stanley Crouch, son colocataire. Dans le sillage de ces illustres aînés, Archie Shepp et Albert Ayler, le jeune Murray évoque les mêmes qualités expressionnistes et le même pouvoir d'abstraction. A 21 ans, il enregistre ses deux premiers disques, Flowers for Albert (Ayler of course) et Low Class Conspiracy. De plus en plus prothéiforme, il intègre le prestigieux World Saxophone Quartet de Julius Hemphill, puis diverses formations à géométrie variable, du big-band à l'octet jusqu'au trio.

En 1980, signé sur le label italien Black Saint, Murray enregistre avec son octet l'album Ming. La première chose qui frappe c'est le travail sur la rythmique. Tout comme son aîné Archie Shepp dans les années 60, à l'instar de son album Fire Music, la musique de Murray se distingue par des cuivres des plus incandescentes. Autre référence, en digne héritier de Cecil Taylor, le pianiste Anthony Davis n'est pas en reste sur le morceau Fast Life. Enfin bien que le cadre de Ming s'écarte peu du jazz libertaire, le jeune Murray prouve que le free n'est pas foncièrement antagoniste du swing, comme le confirmeront ces futurs essais, l'esprit bop d'un Ben Webster ou d'un Coleman Hawkins n'est en effet jamais loin.

Un disque dont le contenu est à l'image de sa pochette : remarquable.


Titres
01. The Fast Life / 02. The Hill / 03. Ming / 04. Jasvan / 05. Dewey's Circle.


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(1) Créole et pas zouk vous dit il !

The Omen (La malédiction) - Richard Donner (1976)

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Sorti dans les salles obscures au Royaume-Uni le 6 juin 1976 (les amateurs apprécieront l'opportunisme), La malédiction de Richard Donner est un classique du cinéma d'horreur des années 70. Premier volet d'une trilogie (1) cinématographique narrant l'ascension et la chute du fils du diable, ce long métrage n'avait d'autre prétention que d'offrir à la fois au public chrétien sa dose de peur apocalyptique, et à la Fox productrice du métrage de profiter du précédent succès signé par la Warner trois années plus tôt : L'exorciste de William Friedkin. Mis en scène par un « jeune » cinéaste de 46 ans, ayant davantage fait ses armes à la télévision (2), et d'après le scénario d'un quasi débutant en matière de fiction (3), The Omen et son casting hollywoodien pré-gériatrique reflétaient le classicisme intentionnel de cette production. De quoi faire naître une frustration chez le déviant lambda ? Mais n'allons pas trop vite...

Rome, un 6 juin à 6h du matin, meurt à la naissance le fils de l'ambassadeur étasunien Robert Thorn (Gregory Peck). Le père Spiletto le convint d'adopter secrètement à l'insu de sa propre femme un orphelin dont la mère vient de mourir en couche. Robert et Katherine Thorn (Lee Remick) prénomment leur fils Damien. Tandis que l'enfant grandit sans souci, d'étranges phénomènes gravitent autour de l'enfant âgé désormais de cinq ans, tel le suicide inexpliqué de sa gouvernante le jour de l'anniversaire du jeune garçon. Mis en garde par le père Brennan (Patrick Troughton) à propos de l'origine mystérieuse de son fils adoptif, puis par le photographe Keith Jennings (David Warner), Robert Thorn va découvrir peu à peu prendre conscience de l'effroyable vérité : Damien n'est autre que l'Antéchrist...

 

Rompu à l'exercice de la réalisation, Richard Donner s'applique tel un honnête artisan à mettre en scène ce thriller religieux. Pour la subversion, vous serez suffisamment poli pour ne pas trop en demander et d'aller voir ailleurs s'il vous plait, merci. Dommage car il y avait sans conteste matière à proposer autres choses tout en restant dans le cadre d'un divertissement made in Hollywood. Voici la limite supposée pour l'amateur de déviance, ou au contraire la raison de la part de la major d'avoir donner les rênes de La malédictionà un cinéaste « normatif » (4).

A la décharge du cinéaste, le scénario de David Seltzer offrait peu de possibilités tant celui-ci se caractérisait d'éléments conventionnels. Or rien n'empêchait non plus Donner de s'en affranchir tel Roman Polanski avec le roman d'Ira Levin. Ainsi le postulat et l'existence avérée du diable lèvent toute ambiguïté, contrairement à Rosemary's Baby. Le doute n'est plus de mise, la paranoïa réduite à peau de chagrin, et l'humour aux abonnés absents. Le public visé veut du bouc aseptisé sans odeur de soufre. Dont acte. Les desseins du véritable père de Damien s'apparentent alors à un jeu de morts violentes, où il ne fait pas bon de s'approcher de trop près de son fiston casse-bonbon. Car le garçonnet, non content d'être également (et surtout ?) l'incarnation parfaite de la tête à claques, est un véritable oiseau de mauvaises augures, destiné à porter malheur à son entourage. Sous la protection d'une femme à poigne, la dévouée miss Baylock (Billie Whitelaw) et de ses deux molosses, Damien peut dormir tranquille, et nos derniers vœux de lubricité s'évanouir compte tenu de l'âge avancée de la maîtresse femme (soupir). La décence ne pouvait effectivement pas faire apparaître un enfant lubrique à l'écran (5), cependant une aguichante gouvernante usant de ses charmes aurait pu être la bienvenue, à l'instar de The Guardian (La nurse) de Friedkin (6), mais il aurait sans doute fallu alors changer entièrement le casting, et donc la nature de ce film désérotisé. Las.

 

Désavantager par un certain manque d'audace, La malédiction se caractérise toutefois par son efficacité à défaut d'originalité ou prises de risque, avec une décapitation en sus pour David Warner afin d'égayer nos cœurs en mal de sensations fortes. Ne boudons pas notre plaisir, si la mise en scène pèche passée la première heure, Jerry Goldsmith y compose une remarquable bande originale, saluée par un Oscar de la meilleur musique l'année suivante. Doté d'un casting solide, le trio Peck, Remick & Warner, et du soutien financier d'une major, The Omen reste dans sa globalité un bon divertissement made in Hollywood dont le succès au box-office permit à son metteur en scène d'entamer le début d'une vraie carrière en se voyant confier par la suite la réalisation de Superman. Enfin pour l'amateur de Bisserie, l'italien Alberto De Martino (L'incroyable Homme-Puma) s'inspira l'année suivante du métrage américain, dans la grande tradition transalpine, pour en proposer une relecture écologique nommée Holocaust 2000, avec en prime Kirk Douglas courant nu sur une plage.



The Omen (La malédiction) | 1976 | 96 min
Réalisation : Richard Donner
Scénario : David Seltzer
Avec : Gregory Peck, Lee Remick, David Warner, Billie Whitelaw, Harvey Stephens, Patrick Troughton
Musique : Jerry Goldsmith
Directeur de la photographie : Gilbert Taylor
Montage : Stuart Baird
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(1) Dont l'intérêt s'arrête finalement à ce premier volet. Quant au remake des années 2000, pas vu, pas pris !

(2) Donner a quasiment réalisé des épisodes pour toutes les séries à succès des années 60 et 70 : La Quatrième dimension, Des agents très spéciaux, Perry Mason, Max la menace, Le fugitif, Les mystères de l'Ouest, L'homme de fer, Cannon ou Kojak.

(3) David Seltzer réalisa surtout plusieurs documentaires pour la télévision et signa quelques scénarios pour le petit écran, en plus de seconder Roald Dahl pour l'adaptation de son roman Charlie et la chocolaterie en 1971.

(4) On n'a(ura) pourtant connu la Fox plus aventureuse en matière de jeunes cinéastes avec William Friedkin ou Brian de Palma pour French Connection et Phantom of the Paradise.

(5) Ceci n'est pas un Hentai !

(6) Troisième référence au réalisateur de Cruising... cela ne cacherait-il pas une prochaine chronique ?

Cronico Ristretto : Spaces - Larry Coryell (1970)

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Guitariste reconnu par ses pairs comme un des plus influents de sa génération, Larry Coryell n'en reste pas moins peu familier du grand public. Pionnier du jazz rock avec son groupe The Eleventh House, il serait pourtant dommage de cantonner l'homme à son passé seventies tant sa grande versatilité lui permit de côtoyer nombre de musiciens prestigieux dans des styles très différents. De ses débuts avec le quintet de Chico Hamilton au milieu des années 60, Coryell s'émancipe rapidement et signe un premier disque solo en 1968 intitulé Lady Coryell. L'année suivante, le guitariste rencontre la future crème du jazz électrique.

Pour ce nouveau album nommé Spaces, Larry Coryell s'adjoint en effet les services de sidemen dont les CV ont de quoi faire pâlir aujourd'hui : deux membres de la formation de Miles Davis, le guitariste John McLaughlin et le pianiste Chick Corea, plus un batteur prochainement recruté par l'ombrageux trompettiste, Billy Cobham, et enfin le bassiste prodige Miroslav Vitous (1). Une dream team pour un jazz électrique de première qualité ? La réponse est foncièrement affirmative.

Enregistré en 1969, Spaces est le précieux témoin d'une époque charnière. Moderne sans céder (pour l'instant) aux sirènes du rock (2), l'influence de ce dernier est ainsi quasi absente hormis quelques rythmiques empruntées sur le titre éponyme, ce troisième disque solo de Coryell n'annonce pas encore les prémices du jazz rock des années 70, ou la musique de son prochain groupe The Eleventh House. Loin des envolées démonstratives qui polluèrent le genre la décennie suivante, Coryell et consorts jouent ici un jazz fluide et mélodique. Publié en catimini en 1970, avant de connaitre une nouvelle édition en 1974 (afin de profiter de la notoriété des sidemen et de leurs formations respectives, le Mahavishnu Orchestra pour McLaughlin et Cobham, A return to forever pour Corea et Weather Report pour Vitous ?), Spaces n'est pas le disque attendu qu'aurait pu présager la présence de ce all-star band. Qu'importe et au contraire.

Tout à la fois énergique et lyrique, la musique proposée par ces jeunes protagonistes dévoile instantanément leur cohésion et leur maîtrise. Entre les joutes du duo de guitaristes, la virtuosité de son (contre)bassiste, le touché gracieux de son pianiste sur le titre Chris et son batteur minimaliste (3), Spaces est sans doute un des disques les plus attachants de son auteur. Comptant également un hommage au guitariste belge René Thomas (René's Theme) et une relecture d'une composition de Scott LaFaro (Gloria's Step), Spaces peut à juste titre être considéré comme un bon début pour (re)découvrir une des nombreuses facettes de cet artiste protéiforme.


Titres
01. Spaces (Infinite) / 02. René's Theme / 03. Gloria's Theme / 04. Wrong Is Right / 05. Chris / 06. New Year's Day In Los Angeles - 1968.

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(1) Vitous signant la même année l'excellent Infinite Search entouré de John McLaughlin, Herbie Hancock, Joe Henderson et Jack DeJohnette.

(2) Contrairement à son disque suivant le très Hendrixien Live at the Village Gate.

(3) Difficile de reconnaitre Cobham tant son jeu est ici diamétralement opposé à la puissance qui le caractérise habituellement.

Sacco et Vanzetti - Giuliano Montaldo (1971)

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Ancien assistant de l'engagé Gillo Pontecorvo pour Kapò et La bataille d'Alger, le cinéaste et scénariste italien Giuliano Montaldo s'attela à mettre en scène pour son sixième long métrage un sujet controversé, en échos aux sinistres « années de plomb » que traversèrent la péninsule italienne à l'orée des années 70 : la controverse judiciaire qui vit condamner à mort pour meurtres et vol à mains armées, cinq décennies plus tôt, deux anarchistes italiens en raison de leurs convictions politiques. Incarnés par Riccardo Cucciolla, qui remporta le prix d'interprétation au Festival de Cannes en 1971, et par la figure du cinéma politique italien des années 70, Gian Maria Volonté (1), Sacco et Vanzetti retrace le destin tragique de ces deux hommes. A redécouvrir en salle ce mercredi en copie restaurée. 

Avril 1920, Massachusetts. Deux employés d'une manufacture de chaussures située à South Braintree perdent la vie suite à un braquage. La police trouve rapidement une piste du côté d'un réseau d'anarchistes italiens. Nicola Sacco (Riccardo Cucciolla) et Bartolomeo Vanzetti (Gian Maria Volonté), respectivement cordonnier et marchand de poissons ambulant, deviennent les principaux suspects de ce double meurtre. Soupçonnés sans aucune preuve de leur implication directe, les deux hommes assistent impuissants à leur procès. Il sont condamnés à la peine capitale. Or les nouvelles de preuves et les approximations des témoins découvertes par leurs avocats pourraient basculer leur prochain appel en leur faveur...

 

Drame pointant les dysfonctionnements flagrants et l'injustice dont furent victimes ces deux immigrés italiens (et néanmoins naturalisés américains en 1917), Giuliano Montaldo décrit minutieusement le climat hystérique et réactionnaire dans lequel baignaient les Etats-Unis de cette époque contre les nouveaux immigrants (2). Trois décennies avant le maccarthysme, le pays était déjà en proie à une crise de paranoïa aiguë en vers quiconque remettait en cause le courant de pensée WASP. De ce procès, miroir des tensions sociétales et de la politique conservatrice et xénophobe de ces White Anglo-Saxon Protestants, la destinée de ces deux anarchistes était terminée, et ceci en dépit des nombreuses manifestations de soutien à travers le monde.

Entre flash-backs et documents d'archive (coupures de journaux, actualités d’époque), le cinéaste transalpin dénonce le manque d'équité et l'entreprise de diabolisation mise en oeuvre par le juge Thayer et le procureur Frederick Katzmann, sans omettre l'humanisme et l'empathie qui se dégagèrent autour de cette affaire. Quant à l'interprétation de ses deux acteurs principaux, celle-ci est sans faille et complémentaire à l'instar du duo qu'ils incarnent : Cucciolla y joue un Sacco résigné, tandis que Volonté est un Vanzetti combatif, réalisant la portée symbolique de son combat pour la liberté : " Jamais de la vie nous n'aurions pu espérer de faire autant en faveur de la tolérance, de la justice, de l'entente entre les hommes. Vous avez donné un sens à la vie de deux pauvres exploités". Les deux derniers discours de Vanzetti, avant sa condamnation à mort puis devant le gouverneur Fuller (3) sont à ce titre d'une cruelle modernité encore de nos jours.

 

Porté davantage par son sujet, que par la réalisation plutôt terne de Montaldo (4), Sacco et Vanzetti fut mis en musique, par une autre figure incontournable du cinéma transalpin, le compositeur Ennio Morricone, et en chanson par l'artiste folk Joan Baez, dont le succès planétaire de la chanson Here's to You, permit de faire connaitre aux nouvelles générations cette triste page d'histoire.

Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti furent réhabilités, cinquante ans après leur exécution, par le gouverneur  démocrate du Massachusetts, Michael Dukakis. 

Crédits photographiques © 1971 UNIDIS. © 2004 UNIDIS JOLLY FILM Srl. Tous droits réservés.





Sacco e Vanzetti (Sacco et Vanzetti) | 1971 | 124 min
Réalisation : Giuliano Montaldo
Production : Arrigo Colombo & Giorgio Papi
Scénario : Giuliano Montaldo, Fabrizio Onofri, Mino Roli, Ottavio Jemma
Avec : Gian Maria Volonté, Riccardo Cucciolla, Cyril Cusack, Rosanna Fratello, Geoffrey Keen, Milo O'Shea
Musique : Ennio Morricone
Directeur de la photographie : Silvano Ippoliti
Montage : Nino Baragli
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(1) Le second film de Volonté sorti en 1971 étant La classe ouvrière va au paradis (1971) d'Elio Petri, Palme d'or à Cannes l'année suivante.

(2) Le sujet du film évoque également le racisme d'état dont furent victimes les immigrants à la fin du XIXème siècle dans La porte du Paradis de Michael Cimino.

(3) " Cette société dans laquelle on nous oblige à vivre et que nous voulons détruire est entièrement bâtie sur la violence. Mendier un peu de pain pour survivre est violence. La misère, la faim que subissent des millions d'homme est violence. L'argent est violence. La guerre. La peur de mourir aussi que nous avons tous, chaque jour. C'est aussi de la violence. "

(4) C'est également le défaut de son film suivant, de nouveau avec Gian Maria Volonté et Ennio Morricone, un sujet fort, bien écrit, limité par une morne réalisation : Giordano Bruno (1973).

Cause of Death - Obituary (1990)

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Auréolé du succès de leur remarqué premier album sorti une année plus tôt, Slowly we rot, le nouveau disque d'Obituary était sans conteste un des plus attendus par le petit, et néanmoins turbulent, monde du death metal. Pouvait-il en être autrement ? Propulsés nouveaux hérauts du genre en cette fin de la décennie 80, nos cinq rednecks en provenance de Tampa avaient, à forte raison, marqué les esprits. En poussant d'un cran l'extrémisme metal (1), les floridiens devinrent dès leur premier opus l'un des leaders naturels de cet émergent et bruyant genre musical, Cause of Death devant dès lors confirmer les espoirs nécrologiques portés en eux.

Or la tâche pouvait s'avérer sinon ardue, du moins apparaître compliquée, le groupe perdant coup sur coup deux de ses membres avant l'enregistrement de ce deuxième album : leur bassiste Daniel Tucker parti on ne sait où, et plus grave, leur guitariste soliste Allen West. Pour les remplacer, le trio central du groupe, formé par les frères Tardy et Tevor Peres, jette leur dévolu sur le bassiste Frank Watkins et sur le guitariste James Murphy, à savoir l'étoile filante du death, tout juste remercié par le parrain Chuck Schuldiner après Spiritual Healing.

A l'image de la pochette signée par l'illustrateur Michael Whelan (2), la production de Cause of Death se veut plus professionnelle. Enregistré (comme il se doit) au Morrisound Recordings par Scott Burns, l'album se distingue en premier lieu par le soin apporté au son et en particulier à l'atmosphère qui s'en dégage. Exit le Lo-Fi. Comme le soulignait le leader du groupe, Trevor Peres, principal compositeur de la formation, Cause of Death  peut être décrit comme de la « musique d'ambiance », comprendre la bande son imaginaire d'un film gore. Les chansons s'enchaînent sans temps mort, supportées par quelques effets sonores en guise d'intertitres. De ce traitement, l'influence de Murphy est manifeste. Quand bien même l'ancien guitariste de Death n'a composé aucun titre, ceci étant du ressort de la paire Peres / Tardy (Donald) (3), son style plus mélodique et technique répond idéalement à l'ambition affichée : proposer des chansons plus construites avec nombre de changement de rythmes (certaines dépassant même les cinq minutes) à l'instar de Dying ou l'éponyme Cause of Death. Enfin autre symbole de cette évolution, la reprise bestiale d'une de leur influence affichée : Celtic Frost, et leur culte Circle of the Tyrants qui s'insère parfaitement à l'ensemble.

Album à part dans la discographie d'Obituary, le prochain The End Complete coïncidant avec le retour d'Allen West et à celui d'un style plus directe, Cause of Death n'en demeure pas moins un classique du groupe. Disque d'une rare cohésion, les floridiens assènent ce qu'ils savent faire de mieux. Les vocaux de John Tardy n'ont ainsi nullement perdu de leur toxicité. Devenu maître de son art vocal putride, Tardy est l'un des chefs d'orchestre de cette monstruosité mortuaire, au même titre que Trevor Peres et sa Stratocaster, cette dernière lui conférant un groove unique dans l'univers du death metal.

Un classique du genre qui permettra au groupe de prêcher la bonne parole à travers le monde avec en point d'orgue leur prestation au Dynamo Open Air à Eindhoven en 1991 (4).


Titres
01. Infected / 02. Body Bag / 03. Chopped in Half / 04. Circle of the Tyrants / 05. Dying / 06. Find the Arise / 07. Cause of Death / 08. Memories Remain / 09. Turned Inside Out


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(1Sans verser dans une surenchère stérile, ce qui deviendra rapidement la limite du genre dans les années à venir dans le sillage du Brutal death initié par les new-yorkais Suffocation.

(2) D'après Lovecraft's Nightmare B (1981) qui fut utilisé comme couverture pour des rééditions de l'oeuvre de l'auteur de L'Appel de Cthulhu.

(3) A l'exception de Cause of Death signé Allen West et Trevor Peres.

(4) Prestation disponible sur le bootleg Godly Beings.

Shakti - Shakti with John McLaughlin (1976)

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1975, le Mahavishnu Orchestra est à bout de souffle. Depuis 1971 et sa création par John McLaughlin avec Billy Cobham, Jerry Goodman, Jan Hammer et Rick Laird, ne reste plus que son leader guitariste. Si la seconde formation du groupe n'a pas sorti de disques foncièrement mauvais, la troisième et ultime expression, responsable de l'album Inner Worlds, affiche désormais un groupe fatigué, à l'instar du genre jazz-rock / fusion dont ils furent les grands initiateurs, soit quatre années seulement après le séminal The Inner Mounting Flame. En attendant la sortie officielle de ce dernier enregistrement début de l'année suivante, McLaughlin s'attelle déjà en 1975 à un nouveau projet, quitte à surprendre et dérouter les amateurs de jazz électrique pompier : Shakti.

Accompagné à présent de musiciens indiens, Zakir Hussain au tabla, L. Shankar (neveu de Ravi) au violon, R. Raghavan au mridangam et T.S. Vinayakaram au ghatam et mridangam, McLaughlin souhaite rendre hommage à la musique traditionnelle indienne. Délaissant sa célèbre guitare électrique à double manche, les préceptes du gourou Sri Chinmoy et son patronyme Mahavishnu, le gentleman anglais n'aura jamais été aussi proche de l'Orient.

Point de rencontre entre le râga et la musique occidentale, Shakti s'inscrit finalement dans la démarche initiée quelques années plus tôt par McLaughlin sur My Goal's Beyond (1970), ou celle de ses glorieux aînés Miles Davis et John Coltrane. Inspiré par la musique orientale, le jazz modal du divin Kind of Blue fut ainsi l'un des premiers à s'intéresser à ses structures harmoniques, au même titre que les nombreuses compositions signées par le quartet de Trane, dont l'indubitable India enregistré au Village Vanguard en novembre 1961 (sa mort prématurée en 1967 écartant froidement l'un de ses souhaits, celui de jouer avec Ravi Shankar). Mais différence notable cette fois-ci avec Shakti, la musique proposée dépasse le « simple » cadre de l'intégration ou de l'inspiration. Et à l'image de la nouvelle guitare acoustique customisée de McLaughlin (1) (voir la pochette), Shakti incarne un nouveau lien entre le l'Est et l'Ouest (2).

Enregistré le 5 juillet 1975, Shakti with John McLaughlin est un témoignage du concert donné au South Hampton College par le guitariste et son quintet oriental. Et quel concert ! Dans l'hindouisme, Shakti désigne à la fois la puissance, la force et l'énergie. Or à l'écoute du premier titre Joy,on retrouve effectivement tout ceci. Dix huit minutes au cours duquel le duel entre le guitariste et le violoniste prend la forme d'un combat homérique. Rapide, intense, expressif, McLaughlin y signe sans doute dans l'esprit son titre le plus coltranien. A l'opposé, le second titre, Lotus Feet, fait office d'interlude méditative en attendant la dernière plage qui occupait à l'époque l'intégralité de la face B du vinyle. Plus intime, plus proche du râga dans sa volonté d'étirer les variations et les textures, All Is Bliss combine d'une certaine manière plusieurs composantes que l'on retrouvera dans les deux prochains albums de Shakti publiés quasiment dans la foulée (avant que McLaughlin ne rebranche de nouveau son ampli) : A Handful of Beauty (1976) et Natural Elements (1977).


Titres
01. Joy / 02. Lotus Feet / 03. What Need Have I for This – What Need Have I for That – I Am Dancing at the Feet of My Lord – All Is Bliss – All Is Bliss



Extrait du concert joué au Festival de Montreux en 1976
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(1) Le son de cette nouvelle guitare et ses cordes supplémentaires se rapproche dans l'esprit de l'instrument à cordes traditionnel indien, la vînâ.

(2) Et dans une moindre mesure, entre le nord et le sud de l'Inde, entre la musique hindoustanie et la musique carnatique, Hussain étant originaire du nord du pays contrairement à ses deux autres compatriotes.


Joë Caligula - Du suif chez les dabes - José Bénazéraf

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Cinéaste atypique, José Bénazéraf n'aura pas attendu la décennie 70, et son glissement progressif vers la pornographie, pour connaitre les affres de la censure. Tourné en 1966, Joë Caligula, sous-titré Du suif chez les dabes, fut interdit (1) par la Commission de contrôle des films cinématographiques en date du 22 juin 1966, celle-ci goûtant peu sa violence, ses tortures et son érotisme. Ressortie toutefois dans l'hexagone en janvier 1969 dans une version expurgée de ses scènes les plus « immorales », le long métrage originel s'inscrit idéalement dans le style anticonformiste des jeunes années de son auteur où se croisent truands et marginaux.

Joë Silverstein surnommé Caligula (Gérard Blain) et sa bande ont quitté Marseille pour semer le trouble sur Paris. Décidés à mettre sous leur coupe la Capitale, leurs méthodes expéditives mettent à mal les affaires de la pègre locale. Entre jeunes branchés sans foi ni loi et vieux caïds rangés, la guerre est rapidement déclarée.

 

De la première scène du film qui voit une jeune prostituée vanter les mérites de Jean-Luc Godard ou Claude Chabrol à un niaiseux clerc de notaire croisé sur le trottoir d'en face, à l'argument narratif reposant sur la confrontation entre la jeune et la vieille garde, Bénazéraf s'amuse à faire de multiples références à la Nouvelle Vague. Sur la forme, l'économie de moyen, l'improvisation visible, ou le premier rôle tenu par une ex-figure emblématique du mouvement (2) dans le rôle d'un petit malfrat font effectivement penser à une version alternative, excessive voire parodique des premiers films de Godard, Truffaut et consorts. Provocateur dans l'âme, le réalisateur n'hésite pas ainsi à recourir à une violence des plus crues (du moins dans le paysage français 60's), avec en prime torture et immolation en sus des assassinats signés par Caligula et ses compagnons de dérive. Sur le fond, difficile de ne pas faire un parallèle entre ces jeunes truands et la bande des « jeunes turcs » des Cahiers du cinéma et leur plume assassine envers le cinéma traditionnel français.

Dans l'esprit proche de la Série B étasunienne et des codes du film noir, Joë Caligula se démarque par la violence et le caractère autodestructeur du personnage principal qui nourrissent naturellement le discours anarchiste et nihiliste du metteur en scène. Du moins en partie (n'allons pas trop vite). Quant au dernier grief de messieurs les censeurs, Bénazéraf effeuille, comme il se doit, la gent féminine laissant apparaître une nudité que la morale voulait à jamais cacher. De ce constat, le réalisateur de L'éternité pour nous offre aux voyeurs de l'époque une scène à l'esthétisme redoutable, le numéro de deux blondes strip-teaseuses au rythme des fameux I'm Evil et Trouble de Vince Taylor. Brillant.


Cependant Joë Caligula, en dépit de ses qualités et ses références (3), dépasse difficilement dans son ensemble le cadre de l'anecdotique. Si quelques pudibonds peuvent encore aujourd'hui s'émouvoir de la violence gratuite du métrage, les autres plus sérieusement pourront émettre des doutes quant à la cohésion de l'ensemble. Bénazéraf filme certes sans concession, mais se perd en chemin, à l'image du personnage de Brigitte (4). Handicapé par un scénario minimaliste, le métrage devient à mesure plus prétexte à choquer le bien pensant, qu'à suivre une vraie ligne de conduite. Joë Caligula n'est pas le film « coup de poing » attendu que promettait son début sec et nerveux, plutôt un patchwork de séquences désordonnées plus ou moins réussies. Dommage car les ingrédients étaient bien présents. Pire, Blain n'incarne pas, ou mal, le personnage amoral que laissait présager son sobriquet, et la supposée relation incestueuse entre Joë et sa sœur, à l'instar de celle de l'empereur romain, est quasiment éludée. 

A découvrir néanmoins pour les plus curieux.




Scène d'ouverture de Joë Caligula


Joë Caligula - Du suif chez les dabes | 1966 | 88 min
Réalisation : José Bénazéraf
Scénario : Gérard de Niort - adaptation et dialogues : José Bénazéraf
Avec : Gérard Blain, Jeanne Valérie, Ginette Leclerc, Junie Astor, Maria Vincent
Musique : Ronnie Bird, Jacques Loussier, Eddy Mitchell, Vince Taylor
Directeur de la photographie : Étienne Becker
Montage : Francine Grubert
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(1) En pré-écho à ce scandale, l'un des personnages secondaires du film lit un exemplaire de l'hebdomadaire conservateur Le Nouveau Candide, avec en couvertureLa Religieuse(1966) de Jacques Rivette qui fut interdit au moins de 18 ans, avant d'être interdit de distribution par le secrétaire d'État à l'Information.

(2) Pour rappel, Gérard Blain tenait le premier rôle dans le premier film de Claude Chabrol, Le beau Serge.

(3) Dont une citation issue de la pièce d'Albert Camus, Caligula.

(4) Sans doute une des plus belles scènes du film évoquant l'errance nocturne parisienne de Jeanne Moreau dans Ascenseur pour l'échafaud de Louis Malle.

El siniestro doctor Orloff - Jess Franco (1982)

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Cinéaste de l'obsession, Jess Franco œuvra toute sa vie à la perpétuelle relecture de sa filmographie. L'horrible docteur Orlof qui était déjà lui même une réappropriation des Yeux sans visage de George Franju, fut ainsi l'acte premier de cet immuable mouvement récréatif dès 1961. Loin d'être synonyme de facilité, ces révisions attestèrent au contraire, dans leur grande majorité, de la vitalité d'un réalisateur à la recherche d'une nouvelle forme, entre abstraction et frénésie érotomane, à l'image du Portrait de Doriana Gray, relecture contemplative et hallucinée de La comtesse noire mise en scène deux années plus tôt en 1973.

Nouvelle décennie, nouvelle donne, les années 80 sonnèrent le retour de Jess Franco sur ses terres natales. Affranchie du poids de la censure, l'Espagne lui offrait désormais un espace de liberté qui l'incita à revisiter quelques uns de ses films fondateurs. En 1981, il mettait ainsi en scène l'hallucinatoire et hypnotique Macumba Sexual, relecture de son culte Vampyros Lesbos, avec Lina Romay et Ajita Wilson.L'année suivante, entre deux films érotiques et autres bisseries, le madrilène sortait de sa retraite son torturé docteur (1), accompagné cette fois-ci de son fils tout aussi tourmenté, interprété respectivement par Howard Vernon et Antonio Mayans.

 
  
Alicante, dans l'imposante demeure familiale et à l'abri des regards indiscrets, Alfred Orloff (Antonio Mayans), fils du docteur (Howard Vernon), a décidé de reprendre les travaux controversés de son père. L'amour incestueux qu'il porte à sa défunte mère Melissa (Rocío Freixas) le pousse à errer la nuit, à la recherche de cobayes humains susceptibles de redonner vie à sa mère, brûlée entièrement et plongée dans le coma depuis un incendie lorsqu'il n'était encore qu'un enfant. Mais ses échecs répétés le contraignent à chercher continuellement de nouvelles victimes malgré la stricte désapprobation de son père. Un soir, il aperçoit dans une discothèque Muriel, sosie vivant de sa mère et épouse de l'inspecteur Tanner (Antonio Rebollo), policier en charge de l'enquête sur les jeunes femmes récemment disparues.

Fidèle dans les grandes lignes au scénario originel, El siniestro doctor Orloff  se démarque de son aîné par son climat malsain. Exit les ambiances gothiques et le post-expressionnisme du séminal Orloff, Franco inscrit son nouveau métrage dans une vision proprement crue et désenchantée. La ville déshumanisée et sa faune nocturne nourrissent désormais l'obsession d'Alfred. Entre les errances paranoïaques d'un Travis Bickle (Taxi Driver) et les traques sanglantes d'un Frank Zito (Maniac), le fils Orloff devient l'instrument et l'otage de sa monstruosité. Le scénario joue ainsi habillement entre le passé paternel et l'héritage (ou plutôt les divers héritages) laissé à son fils. Et malgré les interdictions répétées de son père, qui connut en son temps ces mêmes dérives meurtrières, Alfred ne peut se résoudre à abandonner Melissa. Au contraire, la rencontre avec Muriel lui offre un dernier salut.

 

Soutenue par des synthétiseurs hantés et une musique oppressante signée par le cinéaste lui-même, cette deuxième séquelle du mythe Orloffien par Franco nous plonge dans l'esprit perturbé du fils magistralement joué par Antonio Mayans. L'acteur espagnol y trouve sans doute un de ses meilleurs rôles sous la direction de son compatriote, loin des nombreuses productions ultra fauchées et alimentaires que le duo tourna la même décennie (Les diamants du Kilimanjaro au hasard, tourné la même année, sous le haut patronage bisseux de Lesoeur père et fils pour Eurociné). Et face à Mayans, Howard Vernon incarne au mieux un Orloff fatigué, témoin impuissant et responsable de cette folie filiale. Visuellement soigné (un détail qui ne trompe pas chez le madrilène), El siniestro doctor Orloff prouve une fois encore que, lorsqu'il veut s'en donner la peine, le réalisateur de La comtesse perverse maitrise son sujet en matière de cadrages et d'effets visuels (le reflet d'une victime dans les lunettes de soleil d'Andros ou le visage de Mayans).

 

Entre cauchemar et irréel (le laboratoire minimaliste des Orloff évoque avec dix ans d'avance la Red Room de Twin Peaks), El siniestro doctor Orloff distille une atmosphère perverse des plus réussies. Les scènes érotiques (ou supposées) flatteront le voyeurisme de certains, sans apporter une quelconque contre-partie émoustillante aux autres. Enfin contrairement aux anciens films de Franco où l'enquête policière ne servait finalement que de fil conducteur, voire prétexte à un comique décalé (2), les habitués noteront que celle-ci conforte à présent l'impression de perdition et d'impuissance qui plane au-dessus du récit.

Sombre et étrange, ce sinistre docteur Orloff mériterait amplement une ressortie en DVD.

A découvrir


El siniestro doctor Orloff (Le sinistre docteur Orloff) | 1984 | 77 min
Réalisation : Jesús Franco
Scénario : Jesús Franco
Avec : Howard Vernon, Antonio Mayans, Rocío Freixas, Antonio Rebollo, Rafael Cayetano et Jesús Franco
Musique : Jesús Franco
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(1) Sans compter les relectures non officielles (Les maîtresses du docteur Jekyll), comprendre celle où l'histoire reprend les grandes lignes d'Orlof(f) sans y faire apparaître véritablement le dit docteur, Franco ne réalisa finalement que deux séquelles par décennie : Los ojos siniestros del doctor Orloff en 1973 avec William Berger et ce El siniestro doctor Orloff.

(2) L'humour y est quasi absent. A retenir tout de même Jess Franco de nouveau dans une prestation décalée (remember le réceptionniste de Macumba) en interprétant un gay plus folle que nature, témoin du premier enlèvement perpétré par Andros.

Third - Portishead (2008)

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Onze années séparaient la sortie de leur éponyme deuxième album et Third. Premier constat, le trio Beth Gibbons / Geoff Barrow / Adrian Utley aura pris son temps (1). Une décennie synonyme de pause ou de mis en suspens qui pouvait laisser planer le doute sur les intentions de Portishead, eut égard aux différents précédents qu'offrit la musique populaire ces quarante dernières années (2).

Or à l'instar de la pochette, le titre de l'album souligne un minimalisme bienvenu, et une sobriété finalement en accord avec la ligne de conduite à laquelle s'est toujours tenue la formation de Bristol. Enfin remarque annexe en guise de préambule, le titre Third fait irrémédiablement penser à un autre album, celui de Soft Machine. Et à défaut d'y voir une coïncidence, force est de constater dès à présent que ces deux disques s'ils n'ont que peu de points communs formels, se rejoignent sur le fond : l'intégrité des protagonistes et la remarquable qualité du dit album. Mais n'allons pas trop vite.

Un retour inattendu pour les uns, voire inespéré pour les autres (quand bien même le trio n'ait jamais indiqué de séparation au cours de celong hiatus), voici les premières impressions ressenties lors de l'annonce du successeur de Portishead. Une pause d'une décennie (3) où chacun des membres vaqua ainsi à ses occupations (extra-)musicales (dont l'excellent Out of Season signé Beth Gibbons et Rustin Man alias Paul Webb, ex-bassiste de Talk Talk), et temps au cours duquel finalement nulle révolution ou véritable soubresaut musical n'est apparu. Car s'il est mensonger et exagéré d'écrire qu'un boulevard s'ouvrait aux trois musiciens, admettons néanmoins qu'ils avaient les moyens de marquer durablement une décennie qui fut plus synonyme de repli sur soi que de prise de risque (4).

Trois options s'ouvraient dès lors : 1/ le statu-quo, 2/ tendre vers davantage de sophistication (peu probable compte-tenu du niveau atteint lors du précédent opus) au risque de s'autocaricaturer, et 3/ évoluer vers une musique plus brute tout en gardant la profondeur et les atmosphères qui caractérisent Portishead.

Ne pas se répéter. A l'écoute de Third, la phrase prend tout son sens. Et tant pis pour les amateurs de trip-hop classieux. Parmi les grands changements qui correspondent conformément à la troisième option précitée, de nouvelles influences plutôt inattendues émergent dans l'univers grisâtre du trio. La critique avait salué à juste titre les ambiances sombres du précédent disque. Si Portishead garde le même cap, la formation étoffe son répertoire en s'ouvrant désormais au krautrock et au post-punk. Sur bon nombre de chansons (l'introductif Silence par exemple) plane ainsi l'ombre d'une coldwave émancipée entre mélancolie acoustique, riff poisseux et effets électroniques. Évoquant également les directions suivies par les réformateurs de la fin des années 70, Barrow and co s'appliquent enrichir leur panel rythmique : tribal (Nylon Smile), minimaliste (The Rip et son final kraftwerkien) ou lancinant (Threads).

De ce travail, les chansons We Carry OnetMachine Gunsont sans conteste les plus abouties et les plus remarquables. Portishead y est méconnaissable. Hallucinante et hallucinatoire, We Carry On dirige l'auditeur vers la transe de par sa rythmique obsédante et répétitive. Et le temps d'un interlude blues (Deep Water), Machine Gun reflète définitivement le nouveau visage du groupe. Marqué par la musique industrielle et le goût de Barrow pour les bandes originales de John Carpenter (5), ce titre fantomatique au son cru et compressé ne fut rien de moins que le premier single de Portishead. Un coup d'éclat et une mise en bouche en guise d'avertissement. Et finalement avec un traitement aussi radical, la prestation de Beth Gibbons aurait très bien pu en pâtir. Il n'en est rien. Sa voix intacte distille les mêmes émotions fragiles, du dramatique Plastic au nostalgique Small.

Un des albums de 2008 et plus généralement un des disques de la décennie 2000.


Titres
01. Silence / 02. Hunter / 03. Nylon Smile / 04. The Rip / 05. Plastic / 06. We Carry On / 07. Deep Water / 08. Machine Gun / 09. Small / 10. Magic Doors / 11. Threads



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(1) Méthode reprise de nouveau pour le prochain album qui devrait sortir au plus tôt en 2015.

(2) L'histoire de la musique populaire a démontré qu'en général, les très longues attentes équivalent rarement à de grands albums, davantage à un réchauffé plus ou moins digeste, sauf rare exception.

(3) Pause entrecoupée d'une brève participation à une compilation hommage à Gainsbourg et la participation à un album de Tom Jones.

(4) La plupart des grands disques de la décennie 2000 sont le fruit de formations issues des 90's, et le reste s'apparente plus à un recyclage (pour le meilleur ou pour le pire).

(5) Geoff Barrow signa en 2012, en compagnie de Ben Salisbury, l'album Drokk : Music Inspired by Mega-City One, bande originale imaginaire, véritable hommage aux BO signées par Carpenter dans les années 70-80 (en particulier celle d'Escape from New-York).

Dark Side of the Spoon - Ministry (1999)

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A l'image de son leader Al Jourgensen, Ministry aura connu au cours de son existence moult mutations. De la new wave des débuts, à la transition EBM, jusqu'à l'émergence du metal industriel dont la formation fut l'un des fondateurs, l'histoire du groupe peut se définir par cycle. Après le séminal The Land of Rape and Honey (1988), et sa séquelle The Mind Is a Terrible Thing to Taste l'année suivante, Psalm 69: The Way to Succeed & the Way to Suck Eggs(1992) marqua pour Ministry, devenu entre temps entité bicéphale depuis l'arrivée du bassiste Paul Barker en 1986 (1), la fin de leur premier cycle industriel. Disque de platine aux États-Unis, le disque concrétisait la montée en puissance métallique de ces freaks, en leur ouvrant les portes d'une reconnaissance publique paradoxalement opposée aux usages en cours (2). Fort de ce succès et de la récente popularité du genre au milieu des années 90, avec en point d'orgue The Downward Spiral (1994) de Nine Inch Nails, le nouveau disque devait asseoir un peu plus la notoriété du duo. Mais peu enclin à se répéter, la paire prit sinon le contrepied, du moins s'éloigna suffisamment de la formule gagnante de 1992 pour en refroidir plus d'un.

Janvier 1996, Ministry brisait enfin le silence avec Filth Pig. Quatre longues années d'attente et de retard (3) qui permirent finalement au groupe de rabattre les cartes et débuter une nouvelle trilogie, qui se conclura par le départ de Barker en 2003 après l'album Animositisomina et leur Fornicatour. Trois albums qui furent dans leur ensemble mal perçus et conjointement sous-estimés par la critique et le public. Deuxième volet de ce cycle maudit et dernier album studio pour Warner Bros (4), l'ironique Dark Side of the Spoon s'inscrivait dans la lignée de son prédécesseur sorti trois ans plus tôt, un metal industriel organique jouant désormais à élargir la palette de ses influences.

Aux nostalgiques qui espéraient un retour à l'esprit originel, les iconoclastes Jourgensen et Barker répondirent par un demi-écran de fumée nommé Supermanic Soul. Chanson introductive de l'album, si celle-ci confirmait l'abandon des samples cinématographiques qui furent l'une des marques de fabrique des jeunes années industrielles de Ministry (5), son rythme martial martelé ad lib. par la batterie de Rey Washam et ses guitares abrasives pouvaient laisser croire que les dérives de Filth Pig n'étaient qu'une erreur de parcours. Or fausse piste à l'écoute Whip and Chain et ses synthétiseurs hypnotiques. Certes, le single Bad Blood créait encore un temps l'illusiond'une musique portée davantage vers une rare efficacité, sa place dans la bande originale de Matrix pouvant confirmer cela. Toutefois la suite allait contredire cet élan.

Ainsi Dark Side of the Spoon est sans conteste le disque le plus expérimental de la paire étasunienne. 1988 avait posé les fondations et défini durablement les bases du genre ; en 1999, l'album à la cuillère en redéfinit les contours, quitte à en faire exploser certaines limites, le duo signant ici l'architecture sonore idéale pour mettre en forme leur désir d'ouverture. Grand amateur de jazz et de country (Hank Williams et Buck Owens en particulier), Jourgensen fit côtoyer dans son usine électrique : swing bop sur Step, banjo désincarné et saxophone hanté dans Nursing Home, et enfin avant-garde jazz avec un solo de saxophone, emprunté à l'une des créations du grand Charles Mingus (6), sur l'instrumental 10 / 10 qui conclut magistralement ce croisement supposé contre nature. Le contenu hétéroclite d'un tel disque aurait dès lors pu faire craindre un manque d'homogénéité. Crainte vite écartée à l'écoute de la production des deux têtes pensantes, jamais Ministry n'aura proposé un son aussi ample et des chansons aussi profondes.

Dédicacé à la mémoire du guitariste William Tucker, ancien guitariste de la formation durant le Mind Tour, Dark Side of the Spoon mérite amplement une réévaluation. Et accessoirement sans doute l'album de Ministry préféré du préposé.


Titres
01. Supermanic Soul / 02. Whip and Chain / 03. Bad Blood / 04. Eureka Pile / 05. Step / 06. Nursing Home / 07. Kaif / 08. Vex & Siolence / 09. 10 / 10


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(1) Lors de la tournée Twitch Tour (1986-1987).

(2) A noter en effet qu'à la même période et contrairement à Ministry, Metallica et Megadeth avec leur album éponyme (91) et Countdown to extinction (92) gagneront en popularité en rendant volontairement leur musique plus accessible et moins thrash.

(3) Avec en prime une mise à l'épreuve pour Jourgensen du fait de sa consommation de substances illicite.

(4) Sans compter le contractuel « greatest hits » intitulé pour l'occasion Greatest Fits en 2001.

(5) Recette qui fut reprise avec succès par White Zombie et le goût immodéré de Rob Zombie pour les films de série B.

(6) A savoir le solo qui clôt le troisième mouvement Group Dancers de son ballet The Black Saint and the Sinner Ladyédité chez Impulse ! en 1963.

La bête d'amour (Tanya's Island) - Alfred Sole (1980)

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Il est des films, au-delà de leur supposé qualité, qui suscitent plus que d'autres une curiosité, un intérêt qui grandit au fil du temps, voire une frustration inassouvie depuis la découverte de leur titre français et une photo illustrative qui a accompagnée, dans un passé plus ou moins lointain, un court article dans un ancien numéro de Mad Movies. Laissant entrevoir de multiples possibilités, Tanya's Island, longtemps indisponible en DVD (1),s'inscrivait par conséquent dans cette catégorie floue du film fantasmé. Réalisé par l'auteur du remarqué thriller Alice Sweet Alice (1976) avec la débutante Brooke Shields (2), le troisième métrage d'Alfred Sole avait de solides arguments pour assouvir une saine déviance filmique, ou la relecture du mythe de La Belle et la Bête sur une île paradisiaque avec jeune femme fortement dévêtue en sus.

Tanya (Vanity) est une mannequin à la vie sentimentale compliquée. Déchirée entre son métier et sa relation conflictuelle avec son compagnon et peintre Lobo (Richard Sargent), la jeune femme doit faire un choix si elle veut continuer dans le mannequinat, comme lui indique la productrice Kelly (Mariette Lévesque). Après une énième dispute avec son petit ami, Tanya rentre chez elle se coucher. Au matin, elle se réveille sur une île déserte, Lobo à ses côtés. Si les premiers jours apparaissent idylliques, Tanya s'ennuie rapidement, son homme étant davantage intéressé par la peinture. Au cours d'une journée, la belle s'échappe à cheval et découvre un gorille aux yeux bleus (?!) dans une grotte (?!!), qu'elle baptise dans un accès d'originalité Blue. Mais une fois découverte, cette amitié n'est pas du goût du possessif Lobo...

 

Mettons en garde tout de suite les malheureux qui penseraient avoir à faire à un film érotique à caractère gentiment déviant. Ayons une pensée réconfortante, chers lecteurs, pour ces pauvres bougres abusés, cibles de toutes les tromperies, et dûment affriolés par la photo faussement équivoque dont faisait précédemment référence le préposé. Ces tristes victimes s'attendaient sans doute, émus par tant de  bienveillance, à une version exotique de La bête de Walerian Borowczyk sous les latitudes d'un Lagon bleu déniaisée. Grave erreur. Le piège ourdi par Alfred Sole et Pierre Brousseau, producteur et scénariste de Tanya's Island, est un modèle du genre : machiavélique et sous la forme d'un générique portnawak décrit en 3 étapes. 1/ Hypnose de leurs proies par un soleil couchant, puis 2/ les charmer par le corps avenant et dénudé de mademoiselle Winters en surimpression, et enfin 3/ leur asséner le coup de grâce en les faisant succomber à ses « come to me » susurrés par sa bouche sucrée. Imparable. Toutefois le reste l'est beaucoup moins...

Car sous couvert de fantaisie onirique bienvenue (3), le récit s'apparente en effet bien vite à une compilation indigeste de psychologie de bazar, où le personnage féminin fait rapidement les frais d'une basse misogynie. Métaphore grossière, notre héroïne soumise est ainsi tiraillée entre son amour pour son abusif barbouilleur et la douce affection que lui porte son primate préféré. Sic. Nos deux mâles régleront dès lors cette affaire de manière viril, à condition de penser que construire un fort de fortune en bambou et enfermer sa petite-amie comme objet de convoitise est une solution adéquate. Doublé d'une fable enfantine sur la dualité humanité/bestialité, La bête d'amour n'est donc pas le film transgressif plus ou moins attendu, qui précéderait de six années le Max mon amour de Nagisa Oshima. Certes, rares sont ceux qui pouvaient prétendre à voir autre chose qu'un film fauché, avec comme seul argument une jolie fille fraîchement dévêtue batifolant sur une plage de sable fin. Mais tout de même, l'argument surréaliste ou étrange méritait mieux qu'une petite morale réactionnaire.

 

Et si le scénario est ridicule, le duo d'acteurs humains n'est pas en reste : le primate passe pour un modèle de sobriété devant la prestation à l'arrache de Richard Sargent, tandis qu'à l'opposé, le choix de la future protégée de Prince semble n'avoir été guidé que par l'agréable transparence de sa personne et son physique de nymphette (4). Connu également des initiés pour la participation de la paire talentueuse Rob Bottin (The Thing) et Rick Baker (Star Wars) pour la confection du singe imaginaire (entre le gorille et le mandrill), il est finalement dommage que le soin apporté à cette création n'est pas plus profité à l'écriture du scénario de Pierre Brousseau.

Pour amateurs du travail de Bottin et Baker. Rien de plus.





Tanya's Island (La bête d'amour) | 1980 | 82 min
Réalisation : Alfred Sole
Scénario : Pierre Brousseau
Production : Fran Rosati, Pierre Brousseau
Avec : Vanity (D.D. Winters), Richard Sargent, Don McCleod, Mariette Lévesque, Donny Burns
Musique : Jean Musy
Directeur de la photographie : Mark Irwin
Montage : Andrew Henderson, Michael MacLaverty
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(1) Tanya's Island reste encore cependant indisponible en Zone 2.

(2) Soit deux ans avant le rôle qui la fit connaitre dans La petite de Louis Malle.

(3) L'idée de départ et la séquence du rêve précédée d'effets sonores et visuels évoquent d'une certaine manière le Mulholland Drive de David Lynch, le visionnage de Mighty Joe Young (1949) au début du film amorçant cette fois-ci le songe de Tanya.

(4) A l'instar de la plupart de ses rôles au cinéma.

Carlos Santana & Buddy Miles! Live! - Carlos Santana and Buddy Miles (1972)

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Le refrain n'a rien d'original et a déjà été évoqué par le passé ici-même : les albums de rock enregistrés en public sont par nature anecdotiques. L'assertion apparaît de prime abord gratuite, et mériterait un billet complet et justifié. Pourtant force est de constater que contrairement au jazz par exemple, le rock s'est initialement construit en studio, profitant souvent des nouveaux apports et autres avantages technologiques que pouvaient lui apporter ce dernier.

Produits à moindre coût (1), ces disques live sont au mieux le témoignage sonore à un instant « t » d'un artiste, au pire un prétexte contractuel entre l'artiste et son label (2) afin de faire patienter le public avant le prochain album studio, et/ou de profiter commercialement de la popularité du dit artiste pour distribuer une compilation déguisée. Certes, de nombreux contre-exemples tendent à infirmer ces propos (au hasard Live at the Fillmore East de The Allman Brothers Band ou In Case You Didn't Feel Like Showing Up de Ministry), mais avouons tout de même que cet arbre, qui peut prendre la forme d'un plaisir coupable, cache en réalité une forêt pétrifiée. Artistiquement stérile, l'album rock live n'a pas vocation à être synonyme avec prise de risque ou nouveauté. Or si le disque Carlos Santana & Buddy Miles! Live! peut difficilement prétendre à être en premier lieu un incontournable dans la discographie du guitariste moustachu, celui-ci a le mérite d'offrir une facette méconnue et une transition avant sa mue nommée Caravanaserai.

Enregistré lors du Sunshine '72 Festivalà Hawaii le 1er janvier 1972 (date à retenir, mais n'allons pas trop vite), ce live comme le préposé l'indiquait précédemment est à classer dans la catégorie des précieux témoignages sonores, ou celui d'une tournée qui rejoignit, de décembre 1971 à avril 1972, Carlos Santana et plusieurs de ses musiciens avec l'ancien batteur et chanteur du Band of Gypsys, soit l'une des dernières formations de Jimi Hendrix. Une association surprenante ? Pas tant que cela, tant Santana comme d'autres groupes ayant consciemment ou non été influencés par la mort du fougueux gaucher en septembre 1970. Leur troisième album sobrement intitulé III sorti l'année suivante pouvait ainsi être considéré à juste titre et à cette date comme leur album le plus hendrixien. Fin d'un cycle et du line-up popularisé par l'épisode « Woodstock », la tournée avec Buddy Miles tombait sinon à point nommé, du moins faisait clairement apparaitre pour Carlos Santana le besoin de s'aventurer vers d'autres contrées musicales.

Loin d'être un facile hommage posthume au défunt Band of Gypsys et à l'opus live homonyme enregistré deux années plus tôt exactement lors du nouvel an 1970, les deux leaders s'appliquent à travers un répertoire commun, dont les hits Changes de Miles et Evil Ways de Santana, à jouer une musique protéiforme à la croisée d'un jazz-rock, l'album s'ouvrant avec Marbles, composition signée John McLaughlin sur son disque Devotion (1970), et d'un funk psychédélique où les ponts entre les deux genres se veulent des plus perméables. Le traitement attribué à Evil Ways symbolise ainsi à lui seul la volonté d'émancipation de Santana, plus proche de la jam session funky que de l'original latino rock de 1969, en attendant le plat de résistance et la synthèse de ces expérimentations formelles : Free From Funkafide Filth. Occupant à lui seul la seule face B du vinyle originel, ce titre de vingt-cinq minutes est comme son nom l'indique une improvisation funk. Riche en cuivres et en percussions (à l'instar de la face A), si cette longue jam session n'annonce pas totalement le futur dessein du guitariste, celle-ci marque durablement son désir de liberté.

Album live inattendu (3) couronné d'un succès commercial, la popularité des deux musiciens à l'époque n'y étant sans doute pas étrangère, Carlos Santana & Buddy Miles! Live! est un disque à part, une parenthèse en quelques sorte dont les chansons offriront les prémices au majeur Caravanaserai qui sortira quatre mois plus tard.




Titres
01. Marbles / 02. Lava / 03. Evil Ways / 04. Faith Interlude / 05. Them Changes / 06. Free From Funkafide Filth.



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(1) En faisant abstraction du coût relatif lié aux overdubs...

(2)Du moins quand il existe un accord bilatéral entre les deux parties...

(3) Les fans de Santana devront attendre la sortie du triple LP Lotus (1974) enregistré au Japon à Osaka pour avoir un vrai disque live de la formation.

Swans - Pharmakon à La Maroquinerie, Paris 28 septembre 2014

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Après son passage acoustique en mars dernier à l'église Saint Merry, Michael Gira accompagné cette fois-ci de son groupe les Swans faisait son annuelle escale parisienne à La Maroquinerie pour deux dates dans le cadre de la tournée mondiale en support à la sortie en mai dernier de l'album To Be Kind.

En guise de mise en bouche, Margaret Chardiet alias Pharmakon et son électro industriel avait la charge de faire patienter le public venu en masse. Responsable de deux albums, Abandon en 2013 et Bestial Burden qui devait sortir quinze jours plus tard (soit le 14 octobre 2014), la jeune femme fit étalage durant un court set de trente minutes de son savoir faire bruitiste, avec en sus promenade dans le public micro à la main. Boucles hypnotiques, rythmiques noisy, chant viscéral, à défaut d'originalité, la musique de Pharmakon marqua sinon les esprits, du moins donnait suffisamment envie au préposé de découvrir l'univers et les disques de cette new-yorkaise.

 


Setlist ramassé pour concert étiré pourrait être l'une des premières leçons de ce concert. A l'instar des deux derniers disques studio des Swans, Michael Gira et consorts proposèrent un set faisant la part belle aux longues et hypnotiques structures assourdissantes, nombre de chansons flirtant la demi-heure (voire bien plus). En un peu moins de trois heures de présence pour six chansons, dont la moitié d'inédites, les Swans confirmèrent si besoin leur sèche primauté dans un paysage rock aseptisé. 

 
Michael Gira et Phil Puleo - Christoph Hahn

Partisans d'une musique sans compromis, Gira et ses cinq musiciens assommèrent ainsi plus d'une fois l'assistance entre dissonance et répétition, à l'image du désormais classique The Apostate. Et si pour le préposé, l'effet de surprise s'est dissipé depuis leur découverte en public lors du passage au Villette Sonique de 2013, l'émotion ressentie devant cette musique crue reste elle intacte, ou l'impression de faire face à un écrasant maelstrom sonore minimaliste.

Terrible.

 
Thor Harris et Phil Puleo

Pour plus de photos, notre tumblr.


Setlist :
01. Frankie M  / 02. A Little God In My Hands / 03. The Apostate / 04. Just a Little Boy / 05. Don't Go / 06. Bring the Sun / Black Hole Man



Bolt Thrower - Morgoth - Vallenfyre au Trabendo, Paris 30 septembre 2014

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Non content d'avoir une affiche sonnant le grand retour des britanniques Bolt Thrower (en attendant un nouvel album studio qui se fait désirer depuis presque une décennie, leur dernier disque Those Once Loyal fêtant bientôt son neuvième anniversaire...), ce concert parisien s'annonçait mémorable, et cela bien avant la venue des trois formations mentionnées plus haut. Annoncé complet peu de temps après la mise en vente des places (dès fin juillet), le concert initialement prévu au Divan du Monde fut rapidement déplacé au Trabendo, soit une salle de plus grande capacité ayant l'avantage supplémentaire d'offrir aux retardataires l'opportunité d'acquérir leurs précieux sésames. Une soirée marquée comme il se doit par le sceau du death metal old school, et son lot de trentenaires et autres quadras venus en masse se rappeler au bon souvenir de leurs premiers émois deathmétalliques.

 
Vallenfyre : Greg Mackintosh (à gauche) et Hamish Glencross (à droite)

Formé autour du guitariste de Paradise Lost, de l'ex-guitariste de My Dying Bride, Hamish Glencross (1), et d'autres membres de Doom et At The Gates, Vallenfyre ouvrait les hostilités, la sortie du récent Splinters offrant dès lors l'occasion aux oublieux de découvrir ce séduisant side-project (2). Délaissant son instrument fétiche au profit du micro, Mackintosh et ses compagnons offrirent une prestation des plus convaincantes, avec en sus quelques saillies typiquement british entre les morceaux. Proposant une setlist homogène composée pour moitié des chansons de leurs deux albums, Vallenfyre confirma en trois-quart d'heures tout le bien et le potentiel que laissait entrevoir, il y a déjà trois ans, la sortie de leur premier opus A Fragile King, les titres provenant de ce dernier apparaissant finalement les plus percutants sur scène à l'instar du final Desecration.


Setlist
01. Scabs / 02. The Divine Have Fled / 03. Odious Bliss / 04. Cathedrals of Dread / 05. Dragged to Gehenna / 06. A Thousand Martyrs / 07. Instinct Slaughter / 08. Humanity Wept / 09. Ravenous Whore / 10. Savages Arise / 11. Cattle / 12. Desecration 


Changement d'ambiance et atmosphère plus virile et velue avec les allemands de Morgoth. Durant soixante minutes, le groupe reformé en 2010 autour du chanteur Marc Grewe et les guitaristes Harold Busse et Sebastian Swart déroula un set compact (monolithique ?) à défaut d'originalité. Avec une setlist centrée sur leurs premiers EPs et l'album Cursed (1991), Morgoth ne présenta pas ce soir là sa face la plus aventureuse à l'image des deux récentes chansons provenant de leur single God is Evil (2014). Certes, qui pouvait véritablement penser entendre des extraits de Feel Sorry for the Fanatic (1996) ? Personne. Par contre, le préposé aurait sans doute aimé entendre davantage de titres du très Death Odium (seulement Under the Surface et Resistance). Dont acte. N'en restait pas moins un groupe solide, ravi de jouer devant un public chauffé à blanc avant l'arrivée de la machine de guerre nommée Bolt Thrower.

 
Morgoth : Marc Grewe

Setlist :
01. Intro / 02. Body Count / 03. Exit to Temptation / 04. Suffer Life / 05. Sold Baptism / 06. God is Evil / 07. Under the Surface / 08. Resistance / 09. White Gallery / 10. Die As Deceiver / 11. Burnt Identity / 12. Isolated / 13. Pits of Utumno


Tête d'affiche de la soirée, la formation de Coventry arrivait donc à Paris en terrain conquis. A charge pour elle de confirmer cette attente du public ? La question, il faut bien l'avouer, est nulle et non avenue. Et à l'instar de la triviale assertion finale du précédent paragraphe, reconnaissons qu'en 2014, Bolt Thrower rime toujours aussi parfaitement, tant sur le fond que sur la forme, avec les thématiques guerrières qui lui sont chères.

 
Bolt Thrower : Karl Willetts (à gauche) et la bassiste Jo Bench (à droite)

Principalement axée sur le dernier disque en date, et quelques redoutables flashbacks (Cenopath, The IVth Crusade, ...For Victory et Mercenary en tête) issus des quatre albums des 90's, le concert confirma, si besoin est, la réputation scénique des britanniques menés par le sympathique vocaliste Karl Willetts. Véritable rouleau-compresseur rythmique, Bolt Thrower laissa peu de répit au cours des soixante-quinze minutes de leur set, quittant victorieusement la scène d'un Trabendo vaincu et retourné (3). 

Culte.

 


Setlist :
01. War - Remembrance / 02. Mercenary / 03. World Eater (short) - Cenopath / 04. Anti-Tank / 05. War Master / 06. Forever Fallen / 07. This Time It's War / 08. The IVth Crusade / 09. Entrenched / 10. ...For Victory / 11. The Killchain - Powder Burns / 12. No Guts, No Glory / 13. When Cannons Fade
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(1) Remercié en juin dernier et remplacé rien de moins par Calvin Robertshaw, guitariste démissionnaire  après l'album 34.788%...Complete.

(2) Il est également amusant de constater que le chanteur de Paradise Lost, Nick Holmes, soit désormais le nouveau frontman du supergroupe Bloodbath. Une information qui fait sourire compte tenu de ses anciennes déclarations au milieu des années 90 quand il tentait de faire oublier et conspuait son passé deathmétallique...

(3) Sans oublier la considération du groupe envers son public à l'image de leur merchandising des plus accessibles : 12 euros le T-Shirt.

Jack l'Éventreur - Jess Franco (1976)

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Quatrième et dernière collaboration entre Klaus Kinski et Jesús Franco, ce Jack l'Éventreur mis en scène au milieu des années 1970 avait de quoi soulever moult interrogations. Réalisé sept années après leurs trois précédentes associations, Venus in Furs, Les nuits de Dracula et enfin Justine de Sade, où l'allemand incarnait le célèbre marquis, cette nouvelle adaptation des sinistres évènements qui ensanglantèrent le quartier londonien de Whitechapel se démarquait en premier lieu des productions franciennes de l'époque signées du suisse Erwin C. Dietrich. A l'orée de leur fructueuse contribution au genre Women In Prison, débutée l'année précédente par Frauengefängnis(Femmes en cage) et plus généralement à la sexploitation, Jack l'Éventreur faisait figure sinon d'élément discordant, du moins d'une volonté manifeste de vouloir toucher un plus large public. Avec dans le rôle principal un acteur aussi célèbre pour ses interprétations habitées que pour son comportement borderline, le réalisateur et le producteur s'offraient les moyens de leurs ambitions. D'une certaine manière, mais n'allons pas trop vite...

Londres, fin du XIXème siècle. Un soir dans le quartier de Whitechapel, Sally Brown (Francine Custer) rejette les avances prononcées d'un client, semble t-il mal intentionné, avant de rejoindre ses pénates. Mais sur le chemin, la jeune prostituée croise la route du sinistre Jack l'éventreur (Klaus Kinski) qui emporte son cadavre dans un lieu tenu secret, un jardin botanique, où l'y attend son assistante Flora (Nikola Weisse). Au petit matin, il la charge de se débarrasser des restes de l'infortunée « poupée » dans la Tamise...


Disposant cette fois-ci d'un budget relativement confortable, ce Jack l'Éventreur signé Jess Franco est sans conteste l'un des films les plus abordables de son auteur. Le réalisateur de Frauengefängnis se serait-il dès lors assagi ? En partie. Car si cette production « conventionnelle » semble avoir quelque peu freiné ses élans jusqu'au-boutistes, le madrilène n'hésita pas à prendre de grandes libertés avec les événements qui ont en réalité terrorisés Whitechapel. Exit l'inspecteur Frederick Abberline et bienvenu à l'inspecteur Selby (Andreas Mannkopff). Mieux, l'éventreur devient prétexte et le double d'un personnage francien par excellence : L'horrible docteur Orlof.

Des nombreuses relectures officielles ou non du mythe Orlof que compte l'abondante filmographie de Franco, ce long métrage de 1976 est sans conteste d'un point de vue narratif et formel le plus fidèle. Abandonnant momentanément l'argument filial hérité de Franju et de ses Yeux sans visage, le personnage principal interprété par Kinski prend désormais l'honnête apparence d'un médecin, bon samaritain la journée, dont la clientèle se résume aux classes défavorisés. Or le soir venu, le docteur est en proie à diverses hallucinations, possédé par l'image d'une mère décédée et femme de mauvaise vie, qui le martyrisa enfant (1). Plus perturbé que véritablement sadique, cet éventreur composé par un Kinski moins excessif qu'à l'accoutumée (ou de l'image qu'il voulait bien donner) tue et mutile plus par nécessité incontrôlable que par envie. 


Tourné à Zurich, dans des lieux évoquant les atmosphères post-expressionnistes des films sixties de Franco (d'Orlof au sadique Baron Von Klaus), le métrage se distingue comme énoncé précédemment par le méticuleux mimétisme de sa mise en scène. Non content de dupliquer les personnages (2) et le scénario original d'Orlof, le cinéaste fait de même avec de nombreuses scènes. Ainsi les habitués reconnaitront sans difficulté plusieurs scènes mémorables de 1962 : l'interrogatoire des témoins avec le portrait robot du meurtrier, le cabaret avec en sus une prestation remarquée de Lina Romay, et bien évidemment celles où la fiancée de l'inspecteur, Cynthia (Josephine Chaplin) sosie de la mère de Jack (3), sert volontairement d'appât afin d'aider son futur conjoint à confondre l'Éventreur. Seule nouveauté (dispensable) au récit, la participation à l'enquête d'un vieil aveugle aux sens aiguisés qui saura dresser une description précise de Jack l'Éventreur : un homme petit, athlétique dont se dégage à la fois une forte odeur d'alcool à pharmacie et celle d'une épice originaire des Indes.

A l'heure du bilan, ce Jack l'Éventreur pourra sans doute difficilement prétendre à devenir un classique aux yeux des « ripperologues ». Qu'importe. Pour les admirateurs de Jess Franco, la donne est différente voire opposée. Le supposé manque d'audace de l'auteur en proposant un quasi copier-coller pourrait faire apparaitre le film comme anecdotique. S'il est vrai que ce dernier déçoit au premier abord, le réalisateur offre toutefois un rôle à la mesure de Klaus Kinski. De même, ce remake colorisée à l'instar de l'original est visuellement loin d'être insignifiant : photographie inspirée, gros plans judicieux (4), Franco contredit une fois encore ses détracteurs. Le film aurait bien sûr gagné à plus de culot ; reste ce goût pour les ambiances malsaines et autres perversions sexuelles.

 
En attendant 1982 et la troisième relecture officielle de L'horrible docteur OrlofLe sinistre docteur Orloff avec Howard Vernon et Antonio Mayans.



Jack the Ripper (Jack l'Éventreur) | 1976 | 92 min
Réalisation : Jesús Franco
Production : Erwin C. Dietrich
Scénario : Jesús Franco
Avec : Klaus Kinski, Joséphine Chaplin, Herbert Fux, Lina Romay, Hans Gaugler, Esther Studer, Andreas Mannkopff
Musique : Walter Baumgartner
Directeur de la photographie : Peter Baumgartner, Peter Spoerri
Montage : Marie-Luise Buschke _____________________________________________________________________________________________________________________________________

(1) Un traumatisme qui n'est pas sans évoquer celui de Frank Zito du Maniacde Lustig quelques années plus tard.

(2) Kinski en Orlof / Jack, Joséphine Chaplin en Wanda / Cynthia, Andreas Mannkopf en Tanner / Selby, Herbert Fux en Jeannot / Charlie et Nikola Weisse en une version féminine et éloignée de Morpho.

(3) Légère différence qui sera reprise pour Le sinistre docteur Orloff en 1982, la fiancée n'est plus le sosie de la fille mais de la mère du meurtrier.

34.788%...Complete - My Dying Bride (1998)

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Cinquième album de My Dying Bride, 34.788%...Complete a une double particularité : celle d'être un album controversé, et dans le cas présent, de faire figure de disque charnière. Exemple type de l'album métallique mésestimé à sa sortie, celui-ci n'aura pas attendu longtemps avant d'être cloué au pilori par la frange la plus conservatrice du public metal (pléonasme). Cependant My Dying Bride n'avait nullement enfreint les deux règles rédhibitoires du jugement metalfreak : ne pas céder aux sirènes du mainstream et ne pas signer sur une major (ce que firent « au hasard » leurs voisins Paradise Lost l'année suivante avec leur album Host, séquelle pop du déjà contesté One Second).

Non, l'accueil mitigé (second pléonasme) que reçut My Dying Bride fut davantage le fruit d'une incompréhension, voire d'une maladresse de la part de la formation des britannique. D'une certaine manière victime de leurs élans progressistes et de cette nouvelle mue (trop) radicale, le groupe délaissa leur image gothique pour un son plus moderne, en adéquation avec le départ du violoniste et claviériste Martin Powell (1). Dénigré à sa sortie, peu soutenu par une presse spécialisée réputée versatile, 34.788%...Complete avait qui plus est la sinistre réputation d'être responsable du départ du guitariste originel Calvin Robertshaw, co-producteur et compositeur principal (2) de l'opus, signant ainsi l'arrêt définitif des expérimentations de MDB.

Flashback. My Dying Bride avait déjà créé la surprise lors de leur précédent disque : Like Gods of The Sun. Volontairement plus compact et heavy metal, le groupe s'était refusé à céder à la facilité et à satisfaire les attentes immédiates de leurs admirateurs en proposant une séquelle à The Angel and the Dark River, ou la quintessence de leur doom romantique. Toutefois, si ce quatrième album marquait une nouvelle évolution, comme chacun de leurs disques, rien n'indiquait ou ne présageait le schisme nommé 34.788%...Complete. Certes, le non remplacement de Powell témoignait un désir certain d'émancipation, tant la prédominance de son violon au fil des années était devenue manifeste. Or premier indice et premier crime de lèse majesté auprès des fans obtus : la pochette réalisée par le chanteur Aaron Stainthorpe. Graphisme abstrait avec araignée (?) imaginaire en sus, celle-ci annonçait clairement un changement de direction, voire de siècle, du gothique romantique du XIXème à l'ère numérique du XXIème. Second point et non des moindres : le contenu de ce 34.788%...Complete...

A défaut de graver un album purement expérimental, les cinq musiciens, dont le fraîchement embarqué Bill Law derrière les fûts, enregistrèrent un album atypique pour le petit monde fermé du doomicus metallicus. Des frontières doom qui furent bousculées à l'orée des années 90, ces derniers, tout en restant fidèles à leur genre musical, en redessinèrent sur 34.788%...Complete une version dépoussiérée et contemporaine. Prise de risque supplémentaire, le groupe abandonnait également les atmosphères sombres pour des ambiances cliniques et torturées, où se glissaient parfois samples et claviers évoquant l'electro. Traîtrise ! Le calice débordait...

Point névralgique de cette petite révolution, le quatrième titre intitulé Heroin Chic est sans conteste celui qui focalisa le plus de rancœurs (3). Las. Long morceau de huit minutes, la chanson détonne tant sur le fond que sur la forme avec sa rythmique empruntée au trip-hop. Si celle-ci déséquilibre un tant soit peu l'homogénéité du disque, elle n'en reste pas moins une tentative osée et réussie. Aux oubliettes la mélancolie romantique et les textes qui vont de pair. Non content de varier sa palette vocale en quittant le seule registre gothique dans lequel il s'était plus ou moins isolé lors des deux précédents LPs, Stainthorpe s'adaptait aux nouvelles ambiances déshumanisées par la crudité de ses paroles (Heroin Chic, The whore, the Cook and the Mother) et une nouvelle expressivité psychotique (l'introduction de The Stance of Evander Sinoue).

Intense, hypnotique, dérangeante, la musique de 34.788%...Complete est déstabilisante, qui plus est pour celui ou celle qui les suivait depuis le début des années 90. Mais contrairement à Paradise Lost et le reniement de leurs racines (4), MDB sut garder son identité et son authenticité en dépit d'une évolution radicale, en attendant la suite et un style plus traditionnel. Le groupe se défend ainsi encore aujourd'hui d'avoir fait machine arrière suite à l'accueil du dit l'album, l'album suivant The Light At The End Of The World (1999) opérant un retour au doom/death originel prévu bien avant la sortie de 34.788%. Soit. Autre aspect à éclaircir, le départ du guitariste Calvin Robertshaw. Peu d'informations furent données à l'époque pour l'expliquer. Or depuis qu'il est revenu en juin de cette année au sein de MDB, en lieu et place de son remplaçant Hamish Glencross remercié pour "irreconcilable differences" (ce dernier pouvant se consacrer à plein temps à Vallenfyre), le compositeur principal de 34.788% s'est livré à quelques confidences lors d'une interview pour Decibel Magazine. Sa démission aurait été davantage le fruit d'une réflexion personnelle débutée après la tournée étasunienne de Like Gods of the Sun, sa contribution au disque suivant prenant dès lors des contours cathartiques.

Unique, étrange, l'album est désormais disponible en vinyle (ici).


Titres
01. The Whore, the Cook and the Mother / 02. The Stance of Evander Sinque / 03. Der Überlebende / 04. Heroin Chic / 05. Apocalypse Woman / 06. Base Level Erotica / 07. Under Your Wings and into Your Arms / 08. Follower (bonus japonais)
 
 
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(1) Si Powell quitta pour incompatibilité musicale MDB, leur batteur Rick Miah le fit pour raisons médicales, la maladie de Crohn lui ayant été diagnostiquée après la tournée du précédent album Like Gods of the Sun.

(2) Le titre capillotracté de l'album fait référence à un de ses rêves : l'humanité aurait déjà utilisé 34,788 % de son temps de présence sur la Terre. Rien de moins. 

(3) Stainthorpe avouant plus tard que le groupe aurait sans doute mieux fait de présenter une autre pochette, un titre d'album plus approprié et enfin le retrait d'Heroin Chic.

(4) Reniement d'autant plus savoureux que le guitariste Greg Mackintosh est depuis 2010 leader d'un side-project death metal nommé Vallenfyre, et que le chanteur Nick Holmes est désormais le chanteur du supergroupe death Bloodbath.

Avenue B - Iggy Pop (1999)

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S'il apparaît simpliste et facile d'écrire que cet iguane a la peau épaisse, force est de constater qu'au gré d'une discographie post-Stoogiennes (1) des plus inégales et dans son ensemble anecdotique à deux trois exceptions , l'animal James Osterberg, plus connu sous le pseudonyme Iggy Pop, aura néanmoins démontré au fil du temps une véritable propension à la conservation ; increvable, inoxydable, sont les premiers mots qui viennent à l'esprit, quitte à endosser à terme le costume alimentaire de l’auto-parodie ? Or sortie de sa double collaboration 70's avec Bowie, The Idiot / Lust For Life, l'homme aura pourtant enregistré dans le meilleur des cas une poignée d'albums attachants, à défaut de marquer durablement un paysage et un public rock des plus versatiles. Loser magnifiquement suicidaire dans le foutraque Zombie Birdhouse (1982) après la purge nommée Party, la plupart des disques d'Iggy Pop, à partir des années 80 jusqu'au début des années 2000, suivent en général la même loi d'action-réaction, où chaque nouvel opus répond au précédent de manière antagoniste.

Après le contractuel Naughty Little Doggie, qui pouvait véritablement guetter un sursaut de la part du chanteur, du moins un dernier soubresaut avant un oubli embarrassant ? Surprise, Avenue B est son disque le plus singulier, voire personnel. Disque automnale (à quelques jours près) et introspectif, Iggy Pop aura finalement attendu la cinquantaine et la fin du millénaire pour opérer une nouvelle mue complète, en marge de ses précédentes productions : celui du crooner. Toutefois le crime était-il prémédité ? En quelque sorte, mais n'allons pas trop vite.

Comme annoncé plus haut, l'iguane multiplia au cours de sa carrière solo les pirouettes : apôtre new wave (Soldier, New Values), chanteur pop calculateur (Blah Blah Blah) ou icône punk (Instinct), pour un succès somme tout relatif. Nouvelle décennie, nouvelle donne. En sus du carton de l'album Brick by Brick en 1990 et du matraque de la chanson Candy sur MTV, Iggy signe la même année ses véritables débuts sur grand écran en interprétant l'oncle de Johnny Depp dans la comédie musicale délirante de John Waters, sélectionnée pour le Festival de Cannes, Cry Baby, et en prêtant également sa voix à l'animateur radio Angry Bob dans le cyberpunk Hardwarede Richard Stanley. Désormais un pied dans le cinéma (2), l'iguane participe à la bande originale trois années plus tard au film d'Emir Kusturica, Arizona Dream. Co-auteur avec le compositeur Goran Bregović de plusieurs chansons, le single In The Deathcar fait découvrir au grand public un registre vocal inédit. Certes, des traces subsistaient dans un passé plus ou moins lointain, à l'instar du décharné Platonic sur Zombie, mais jamais le bel organe de l'iguane n'avait connu un tel traitement. Loin d'être un simple égarement ou récréation, l'écoute de l'acoustique Girls of N.Y. qui conclut le solide American Caesarsorti la même année confirme cette versatilité et cet appel vers plus de sobriété. Alors cette Avenue B si déstabilisante ? Plutôt le prolongement et l'affirmation d'une tendance qui mûrissait depuis quelques temps.

Produit par Don Was (Brick by Brick), le disque indique clairement l'ambition affichée de son auteur sans céder cependant (cette fois-ci) aux sirènes du consensuel. Sous couvert de respectabilité et de sagesse, Iggy n'aura ainsi jamais été aussi impudique, son exhibitionnisme corporel cédant la place à celui du cœur. Textes aux contours autobiographiques, le triptyque No Shit / Afraid to Get Close / She Called Me Daddy (3) devient le fil conducteur d'un album foncièrement cru, l'iguane apparaissant désireux de faire voler en éclat les faux semblants (à l'image du titre final Facade). Intimiste, souvent acoustique, Avenue B détonne sur la durée, quand il ne distille pas une poésie beat sous la baguette du trio jazz funky new-yorkais Medeski, Martin and Wood sur I Felt the Luxury ou un groove électriquement toxique sur Corruption. Seul bémol, la fameuse reprise de Johnny Kid, Shakin' All Over, apporte peu, tant en restant suffisamment convenable contrairement au sous-Santana Español.

Épilogue. Lors de sa sortie Avenue B ne convainquit pas grand monde, la critique française étant l'une des rares à saluer l'effort (4). Nul n'est prophète en son pays dit l'adage. Soit. Dommage car il s'agit au final d'un bien bel album.


Titres
01. No Shit / 02. Nazi Girlfriend / 03. Avenue B / 04. Miss Argentina / 05. Afraid To Get Closer / 06. Shakin' All Over / 07. Long Distance / 08. Corruption / 09. She Called Me Daddy / 10. I Felt the Luxury / 11. Español / 12. Motorcycle / 13. Facade


 
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(1) En faisant donc abstraction poliment de The Weirdness (2007) et autre Ready to Die (2013)...

(2) Après quelques figurations erratiques dans Sid & Nancy et La couleur de l'argent de Scorsese.

(3) Titres dont la musique est tirée d'extraits qu'Iggy Pop a composé pour la bande originale du long métrage réalisé par Johnny Depp, The Brave (1997).

(4) Album du mois Rock&Folk, Manoeuvre déclarait à l'époque, dans son rôle de marchand, à qui voulait l'entendre qu'il s'agissait de son meilleur album post-Stoogien. Rien de moins.

World Demise - Obituary (1994)

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Milieu des années 90, le metal dit extrême est à un tournant de sa brève existence. Face à la surenchère de mise et à l'effet de mode qui commence à se dissiper, l'hégémonie du death metal vacille et connait ses dernières heures. Victime à la fois d'une certaine usure et d'une lassitude du public, le metal mortuaire allait céder sa place lors de la deuxième moitié de la décennie aux velléités black metal en provenance de l'Europe du Nord. Seul choix possible pour nombre de groupes à cette époque : tenir bon la barque, évoluer et/ou disparaître (momentanément) tel Obituary après la sortie de leur quatrième album, World Demise.

Après le succès de leur précédent effort, The End Complete, soit leur disque le plus vendu et un des best-sellers du genre (un peu plus d'un demi-million de copies à travers le monde), la formation de Tampa aurait sans doute gagné à jouer la facilité, le statu-quo et enclencher le pilotage automatique. Grave erreur. C'était sans compter la participation du guitariste Trevor Peres et du batteur Donald Tardy, l'année passée, au side-project de Mitch Harris (Napalm Death) nommé Meathook Seed. Témoins privilégiés des expérimentations d'Harris lors de l'enregistrement d'Embedded, les deux principaux compositeurs d'Obituary furent sans conteste marqués par cette aventure, et désireux de suivre ce même élan qui s'inscrivait également dans la même dynamique que suivaient d'autres formations de leur label, Roadrunner, et de manière plus générale certains groupes de death metal européen, en particulier le death'n'roll d'Entombed sur Wolverine Blues(1993) ou les premières aspirations industrielles de Napalm Death sur Fear, Emptiness, Despair (1994).

Enregistré comme il se doit au Morrisound Recording et produit par l'habituel Scott Burns, World Demise décrit en premier lieu un groupe en mouvement refusant l'ancienne formule gagnante. Enhardi par sa prestation sur Embedded, la position de Donald Tardy devient dès lors plus centrale et stratégique, définissant à elle seule le nouvel éventail rythmique d'Obituary. Au risque de se disperser et de froisser le conservatisme du public, le groupe expérimente, explore d'autres pistes, quitte à se détourner de la sphère metal (samples hip-hop sur Redefine et autres percussions africaines sur Kill For Me). De cette évolution à mettre en parallèle d'une certaine manière au devenir de Sepultura (1), les cinq floridiens proposent sur World Demise une musique (et un concept écologique en prime) suffisamment éloignée de leurs origines gore, ou comment leur death metal désormais certifié hardcore mid-tempo les rapprochent davantage de leur racine sludge (à une ou deux exceptions près, Solid State par exemple).

En sus des qualités intrinsèques d'Obituary, John Tardy et son chant gardent leur caractère unique, la guitare de Peres groove toujours autant et les solos de West vont à l'essentiel, le disque tranche donc avec l'aspect routinier de son prédécesseur. Mais toutes les bonnes intentions ne font pas forcément merveille. Si World Demise démontre à juste titre un désir d'émancipation louable, l'album se voit handicaper de plusieurs titres anecdotiques, plombant un contenu qui manque globalement de concision (2). Dommage cette prise de risque aurait mérité d'être totalement réussie et transformée.

Au final World Demise demeure le dernier album majeur d'Obituary, dont le titre d'ouverture Don't Care ou Final Thought font figure de classiques évidents ; tout cela avant un hiatus de trois ans et, à partir de cette date, une discographie à la fois clairsemée et des plus moribondes.


Titres : 
01. Don't Care / 02. World Demise / 03. Burned In / 04. Redefine / 05. Paralyzing / 06. Lost / 07. Solid State / 08. Splattered / 09. Final Thoughts / 10. Boiling Point / 11. Set in Stone / 12. Kill for Me / 13. Killing Victims Found [Bonus] / 14. Infected - Live [Bonus] / 15. Godly Beings - Live [Bonus] / 16. Body Bag - Live [Bonus]


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(1) Sur Arise (1991) puis Chaos A.D. deux années plus tard.

(2) Sur les cinquante et une minutes originales (sans les bonus), un bon quart d'heure aurait mérité de passer à la trappe, soit trois ou quatre chansons.

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