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Kikobook - Gérard Kikoïne (2016)

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Livre souvenirs d'une époque à jamais révolue, quand la liberté sexuelle post-soixante-huit ouvrit la voie à l'âge d'or du cinéma pornographique français, le Kikobook de Gérard Kikoïne poursuit avec humour, et un brin de nostalgie, la précédente et glorieuse entreprise compilatoire menée par le sémillant Christophe Bier et son Dictionnaire des longs métrages français pornographiques et érotiques en 16 et 35 mm. Petit rappel des faits. Témoin privilégié « des dessus et des dessous » de cette période dorée, Gérard Kikoïne, « Kiko » pour les intimes, lança début mars 2015 via le site de financement participatif Ulule ce projet culte afin de pouvoir payer l'impression des premiers exemplaires. Près d'une année passée, le réalisateur de Parties fines sortait le jour de la Saint Valentin, son tant attendu « livre d'Amour » de ses « films d'Amour » aux Éditions de l'œil.

Livre appelé à devenir, n'en doutons pas, à l'instar du dictionnaire de sieur Bier, une référence sur les débuts hexagonaux du genre, le Kikobook est autant un livre de souvenirs personnels où se croisent nombre de joyeuses anecdotes, qu'un inventaire des secrets de production et de réalisation des films signés Kiko durant sa brève carrière dans le X entre 1977 et 1982. Richement doté d'une collection de photographies de tournage parcourant ces six années, dont plus d'une cinquantaine in-situ inédites, celles-ci apportent, en sus des divers témoignages qui closent le Kikobook, un regard éclairant sur cet artisanat (disparu) de la fesse (rieuse) sur pelloche dont Kikoïne fut l'un des dignes représentants. Culte on vous a dit. Mais n'allons pas trop vite.

Kiko et ses deux comédiennes Aud Lecoq et Brigitte Lahaie dans Parties fines

Cinéphile, venant du cinéma traditionnel, Gérard Kikoïne n'omet pas dans son récit de revenir sur ses jeunes années professionnelles, quand il intégra en 1964 à 18 ans la société de doublage familiale "Léon et Max Kikoïne", société qui gérait aussi bien les grosses productions étrangères (dont 2001, l'odyssée de l'espace que Kiko put découvrir en avant-première), que les versions anglophones de films français ou étrangers. Assistant monteur son sur la troisième version du mythique Napoléon (Bonaparte et la Révolution), et sa rencontre avec son auteur Abel Gance à la fin de la décennie 60, avant de passer sous pavillon CFFP début 70's pour le producteur Robert de Nesle, pour qui il monta de A à Z les pistes audio de nombreux films de Jess Franco dont Le journal intime d'une nymphomane, Kiko se lance dans le grand bain en 1973 avec son premier film L'amour à la bouche. Vierge de toute connaissance en matière de mise en scène, celui-ci marque une étape. Un essai à jamais non transformé, un retour à la case départ ? Non, c'était sans compter sur d'autres rencontres pour le futur réalisateur de La clinique des fantasmes.

1977, fort de sa nouvelle expérience dans le montage image et son des premiers films hard français, dont le culte Sexe qui parle de Claude Mulot en 1975, Kiko commence son aventure pornographique, pardon son premier film d'Amour, avec Parties fines, long métrage qui servira de base à son prochain film, La vitrine du plaisir, faux documentaire sur les tournages de films X (ou la version fictive du vrai documentaire, cette fois-ci, de Jean-François Davy, Exhibition sorti en 1975). Se faisant rapidement un nom dans le métier à la fois en France et à l'exportation (1), Kiko s'entoure d'une équipe de fidèles, la kiko family, composée de techniciens (les assistants Pitof (2) et Pierre B. Reinhard (3), le chef op' Gérard Loubeau ou la monteuse Caroline Gombergh), d'égéries (ses actrices dont la divine Marylin Jess) et de mousquetaires (ses acteurs dont l'impayable Alban Ceray), qui appréciaient tous autant l'homme, que l'ambiance amicale et joviale qui règnaient durant ses tournages (avec des vacances offertes à Saint Tropez ou Ibiza à la clef).

 
Loin d'être un témoignage hagiographique, le Kikobook atteste au contraire la singularité de son auteur. Réalisés par un pornocrate amoureux, les films X de Gérard Kikoïne se distinguaient déjà à l'époque de la masse, tant par leur esthétique que par leurs propos qui les faisaient s'éloigner du simple étalage de viande (tout en respectant comme il se doit le cahier des (dé)charges), pour mieux tendre vers un comique ou des situations les plus décalées (avec mention au regretté acteur Jack Gatteau, un spécialiste du genre). Livre situé chronologiquement vers la fin d'une parenthèse enchantée, celle précédant les années sida, et professionnellement l'ère industrielle de la VHS, le Kikobook raconte et dévoile avec malice ce que fut la pornographie ludique par un de ses maîtres.
   
Post-Coïtum : Après quelques films érotiques vers le mitan des années 80, dont Lady Libertine (1983) avec Sophie Favier, coproduit par Harry Alan Towers (producteur de plusieurs longs métrages signés Jess Franco dont l'adaptation Sadienne Les inassouvis), le britannique lui propose de tourner plusieurs films de genre, lui permettant à la fois de côtoyer et de diriger des acteurs tels que Oliver Reed (Dragonard et sa séquelle Le Maître de Dragonard Hill), Anthony Perkins (Docteur Jekyll et M. Hyde) ou Donald Pleasence (Buried Alive).

Crédits Photo : © Gérard Kikoïne.


Interview d'Alban Ceray pour la souscription du Kikobook

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(1) Ce qui lui valut d'être produit par les allemands et de tourner à New-York Dolly l'inititiatrice (The Tale of Tiffany Lust) avec la star Désirée Cousteau.

(2) Reinhard qui réalisa par la suite nombre de films X (la moitié signé par le pseudo Mike Strong), ainsi que le film d'horreur pouet pouet La revanche des mortes vivantes.

(3) Oui le même Pitof de Vidocq et Catwoman !


Post Pop Depression - Iggy Pop (2016)

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Autofinancé et enregistré dans le secret, Post Pop Depression, sorti le 18 mars dernier, serait selon les dires de son auteur son album final. Dont acte. L'avenir nous dira s'il s'agit d'une nouvelle pirouette de la part de cet iguane, grand habitué des retournements de situation (opportuniste ou non). Présenté dans la presse comme l'un, sinon le dernier des mohicans rock (sic), depuis la disparition quasi concomitante de Lemmy Kilmister et de David Bowie (dixit les propos de Josh Homme), Iggy Pop a décidé avec le leader des Queens of the Stone Age de rendre un hommage appuyé à ses années berlinoises. Un coup dans le rétroviseur loin d'être inattendu, dans le prolongement d'une trajectoire prise par le chanteur des Stooges depuis plus d'une décennie. Mais n'allons pas trop vite.

Rappel des faits et retour vers l'année 2003. Sympathique, quoique survendu, Skull Ring est paradoxalement un album charnière derrière ses divers oripeaux tapageurs (et ses nombreuses collaborations plus ou moins prestigieuses ou bankables, de son actuel backing band The Trolls, à Green Day en passant par Peaches et Sum 41). Plus intriguant, le disque fait suite à ses divers échecs commerciaux, après le très moyen mais lucratif Brick by Brick (1990) et le solide American Caesar (1993) qui lui ouvre les portes de l'auditoire grunge (1). Plan calculé par son label ou par lui-même, qu'importe, le fourre-tout Skull Ring permet à Pop une nouvelle couverture médiatique idéale pour le retour inespéré des Stooges et de la fratrie Asheton (quatre chansons dont le titre éponyme leur sont créditées).
   
La machine est lancée et débute un premier cycle : tournée mondiale quasi non-stop entre 2003 et 2008, enregistrement d'un nouvel album studio, The Weirdness (2007), et ceci jusqu'à l'arrêt (momentané) après le décès de Ron Asheton. Pause. Iggy enregistre un disque solo Préliminaires, avant de relancer The Stooges avec cette fois-ci le guitariste James Williamson en guise de revival Stooges période Raw Power. Second cycle : nouvelle tournée mondiale, légère pause avec l'enregistrement d'un autre album solo francophile, Après (2012), puis disque des Stooges avec Williamson,  Ready to Die (2013), et décès (après la tournée) du dernier Asheton, Scott, en mars 2014 (suivi en octobre 2015 du saxophoniste Steve Mackay). En attendant de faire revivre les morts et le lancement d'un dernier cycle post mortem stoogien, la sortie d'un nouvel album solo n'avait donc rien d'étonnant. La seule surprise fut finalement de vouloir payer un tribut à son ami Bowie avant la disparition de ce dernier. Quand le cynisme se drape de clairvoyance morbide.

Entouré de Dean Fertita, des QOTSA et de the Dead Weather, et de Matt Helders, des Arctic Monkeys, la paire Osterberg/Homme s'est donc réunie en secret de janvier à mars 2015 dans les studios californiens de Rancho De La Luna et de Pink Duck Studios pour enregistrer un disque qui évoquerait les deux premiers albums solo d'Iggy, The Idiot et Lust for Life. A l'écoute de la première chanson, Break into Your Heart, le groove hommien et la voix madré de Pop font merveille, les chœurs du leader des QOTSA poussant la ressemblance avec ceux du Bowie '77 de manière surprenante. Sans verser dans le plagiat ou la copie facile, l'album s'éloigne rapidement d'une éventuelle suite des deux glorieux disques précités : point de proto-new wave. Homme n'est pas Bowie, et ne cherche nullement à s'en rapprocher, à l'instar de son écriture et de ses riffs (trop ?) reconnaissables. De la à dire que l'hommage annoncé ressemble davantage à un effet d'annonce relayé par la chanson German Days...

A l'exception du funky et raté Sunday, et du lourdingue Vulture (coïncidence, ces deux chansons se suivent), les sept chansons restantes offrent à Pop un album tour à tour atypique, et un idéal espace récréatif, loin des dernières escapades solo taillées dans un caricatural costume de crooner pataud. Mieux le sexagénaire trouve en Homme un partenaire de jeu étonnamment complémentaire. Seul problème de poids et de taille, Post Pop Depression s'apparente davantage à un side-project du géant roux qu'à un véritable album solo de l'iguane (contrairement à Them Crooked Vultures). Certes, en comparaison avec 1977, l'emprise de Bowie sur les deux albums était également des plus audibles (The Idiot n'est-il pas le frère mal embouché de Low ?). Toutefois en 2016, beaucoup de chansons reprennent de nombreux plans typiquement hommien, efficaces, mais globalement prévisibles. On pourra toujours rétorquer qu'un Josh Homme en pilotage automatique reste toujours appréciable, ce qui n'est pas totalement faux, surtout quand celui-ci se débarrasse de ses élans pop.

Un side-project de qualité.



Titres :
1. Break into Your Heart / 2. Gardenia / 3. American Valhalla / 4. In the Lobby / 5. Sunday / 6. Vulture / 7. German Days / 8. Chocolate Drops / 9. Paraguay

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(1) Qu'on ne se méprenne pas. AC n'est en rien le disque grunge d'un quadragénaire qui souhaiterait faire revivre un passé sinon glorieux du moins « réhabilité ». Mais force est de constater que le retour en forme de l'iguane électrique ne pouvait que lui ouvrir les portes d'une nouvelle génération d'auditeurs après le très calibré FM Brick by Brick.

Death Spa - Michael Fischa (1989)

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Dans la série film d'horreur 80's oublié, dont on ne sait pour quelles raisons un éditeur fou (MPI / Gorgon Video pour ne pas le nommer) a décidé un jour de 2014 de sortir la chose en DVD et Blu-Ray (1), Death Spa s'impose de nos jours comme un modèle du genre à (re)découvrir. Rare long métrage dont l'action se déroule dans un club de remise en forme, Death Spa s'éloigne de son glorieux (?) aîné Perfect (1985), avec John Travolta et Jamie Lee Curtis, jadis flingué par la critique et boudé par le public, pour mieux aborder comme il se doit, un autre thème à la mode durant les années 80, celui du mystérieux tueur psychotique, ou l'union audacieuse du sang et de la sueur dans un lieu propice à toutes les promiscuités (hum...), à l'instar de son proche cousin Killer Workout (a.k.a Aerobicide) de feu David A. Prior (Ultime combat) qui mettait en scène la vengeance meurtrière d'une dénommée Rhonda dans un salon de bronzage, suite à la mort par brulure de sa chère jumelle. Mais différence notable, le récit de Death Spa lorgne davantage vers le fantastique...

Le Starbody Health Spa, géré par Michael Evans (William Bumiller), est le lieu depuis peu d'étranges accidents dont sont victimes les clientes de ce club de remise en forme high-tech, la première d'une longue liste étant son actuelle petite amie, Laura Danders (Brenda Bakke), brûlée par des vapeurs toxiques dans le spa. Club entièrement informatisé par le beau-frère de Michael, David Avery (Merritt Butrick) est vite suspecté par la police comme le présumé coupable de ce supposé accident, qui sera lui-même rapidement suivi par le sabotage du plongeoir de la piscine. Car David a en effet un mobile, il ne s'est jamais remis du suicide de sa sœur, alors mariée à Michael. Or le soir du premier incident, David soutient aux enquêteurs qu'il était chez lui...


Mis en scène par le réalisateur d'origine autrichienne Michael Fischa, la ressortie de ce film n'a finalement rien d'anodine tant Death Spa fut, lors de son exploitation en VHS aux Etats-Unis au début des années 90 sous le nom délicieusement racoleur de Witch Bitch, auréolé d'un statut culte. Nanti d'une affiche au potentiel intact (2), il est d'autant plus regrettable d'apprendre que la déviance de ce mauvais film sympathique ait pâti de problèmes de distribution à l'époque de sa sortie. Initialement bouclé en 1987, le premier long métrage de Fischa dût ainsi attendre deux années supplémentaires pour sortir dans les salles, et seulement de manière limitée. A la décharge du jeune cinéaste, l'année 1989 fut des plus riches avec la sortie de ses deux « premiers films » : la comédie horrifique My Mom's a Werewolf avec John Saxon, et Cracked House avec Jim Brown, il était dès lors écrit que Death Spa devait connaître une second vie en vidéo.

  
Or les amateurs de films crapoteux seront ravis d'apprendre que Death Spa contient de nombreux ingrédients propres à satisfaire leurs pulsions, même les plus inavouables, en sus de leur passion fétichiste pour les bodies échancrés à couleur pastel. Le film explore ainsi une veine documentaire en s'appuyant sur le témoignage de la clientèle féminine du club. En d'autres termes, ceux qui espéraient et attendaient un festival de « plan nichon» seront ravis d'apprendre que le cahier des charges est plus que respecté avec ses nombreuses scènes de vestiaires et de douches. Et la tendresse bordel ?! N'ayez aucune crainte. Monsieur Fischa ne flatte pas que les plus bas instincts de son public mâle, son héros Michael Evans est un romantique légumier sachant manier de main de maître sa molle asperge pour le plus grand plaisir de sa moitié Laura, et du public féminin (n'en doutons pas) qui s'émerveillera devant tant d'adresse et d'attention. Quant aux autres (ou les mêmes) qui étaient venus pour assister à un florilège de meurtres, cette fois-ci également, Death Spa saura en contenter plus d'un, tant celui-ci offre un panel varié de morts violentes, avec une mention toute particulière pour l'attaque portnawak d'un poisson surgelé. Et le suspense me direz-vous ? N'ayez (toujours) aucune crainte. Monsieur Fischa et son duo de scénaristes James Bartruff / Mitch Paradise sont suffisamment aguerris pour proposer un suspense éventé et son cortège de lieux communs, quitte à faire ressembler le récit a une pièce-montée (non content d'avoir affaire à un fantôme sanguinaire, notre cher Michael qui fera appel au parapsychologue, le Dr. Lido Moray, doit gérer également les coups bas de ses cupides partenaires).


Absurde par tant de situations grotesques (et une autre mention spéciale à la paire policière dont l'incompétence n'a d'égale que le charisme atrophié du personnage principal), le rythme du film pêche néanmoins durant les deux premiers tiers du métrage, le spectateur suivant bon an mal an la série de meurtres accidento-surnaturels, en attendant un dénouement final rédempteur. Croisement délirant entre le Carrie de Brian De Palma et Mrs 45 d'Abel Ferrara, la fête du Mardi Gras au Starbody Health Spa, et la confrontation finale avec le fantôme de feu madame Evans, font nettement relever le portnawak à un niveau appréciable par sa violence cartoonesque. 

Avec dans les rôles secondaires la participation de Ken Foree, alias Peter dans le culte Dawn of the Dead de George Romero, et celle de Merritt Butrick (fils du Captain Kirk dans Star Trek II et III) (3), Death Spa ravira enfin les amateurs de Hard FM, le film offrant le meilleur du pire de cette musique so 80's.


Avant un retour au mitan des années 2000, Michael Fischa réalisa en 1992 son quatrième film,Delta Heat, avec Anthony Edwards et Lance Henriksen, ce dernier interprétant  un ex-flic manchot portant un crochet en guise de main. Tout un programme.
  
Verdict du Nanarotron :



En bonus : Quelques gifs du film sur notre tumblr.

 
 
Death Spa | 1989 | 87 min
Réalisation : Michael Fischa
Scénario : James Bartruff & Mitch Paradise 
Avec : William Bumiller, Brenda Bakke, Merritt Butrick, Robert Lipton, Alexa Hamilton, Ken Foree
Musique : Peter D. Kaye
Directeur de la photographie : Arledge Armenaki
Montage : Michael Kewley
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(1) Saluons au contraire cette initiative salutaire dont les dites raisons obscures seront explicitées plus loin.

(2) Qui n'est pas sans rappeler involontairement le film français La revanche des mortes vivantes de Pierre B. Reinhard.

(3) Ajoutons Karyn Parsons (Hilary dans Le Prince de Bel Air) et Tane McClure, fille de Troy.

Live report : Overkill - Trabendo, Paris, 3 avril 2016

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Deux jours après leur venue en territoire lyonnais, ouvrant le début de leur mini-tournée européenne printanière (1), le groupe de thrash culte du New Jersey, Overkill, débarquait au Trabendo ce dimanche 3 avril. En attendant la sortie de leur dix-huitième album en octobre prochain (acté au 28 sur le label Nuclear Blast), le groupe profite de ces quatorze dates pour faire le plein de vibrations scéniques avant d'entrer en studio le mois suivant.

Leur précédent effort, White Devil Armory (2014), avait confirmé au besoin l'état de forme du groupe, souvent nommé à raison le Motörhead du thrash metal : inusable, infatigable, à l'image de la paire originelle formée du chanteur Bobby "Blitz" Ellsworth et du bassiste D.D. Verni. Fidèle à leurs influences punk/hardcore et heavy metal, la formation n'a ainsi jamais dévié d'un iota de leur ligne thrash initiale, que ce soit au gré des divers changements de guitaristes et batteurs (dont le fracassant départ du guitariste Bobby Gustafson en 1990) ou des diverses modes musicales du moment. Sortant à un rythme régulier un album quasiment tous les deux ans depuis le séminal Feel the Fire en 1985, si Overkill n'a jamais eu sa place auprès des grands noms du Big Four, ces artisans du thrash n'ont cependant jamais démérité au cours des 35 ans d'existence du groupe, signant au passage quelques disques que tout bon thrasher se doit de connaitre et d'apprécier (au hasard la triplette des jeunes années Under the Influence (1988) / The Years of Decay (1989) / Horrorscope (1991)).
          
 

C'est par le titre Armorist, chanson tirée de leur dernier album en date, que la formation décida d'ouvrir les hostilités. De ce concert faisant la part belle à une setlist centrée sur les albums de 1985 et 1991, soit à eux deux, plus des deux tiers des titres joués ce soir là, et en prévision du big gig du 16 avril prochain, le préposé vint rapidement à la conclusion suivante : le thrash conserve, qui plus est quand ses auteurs se rappellent au bon souvenir de son parent punk. Sec, nerveux, sans fioriture, le classique Rotten to the Core donna le ton de la soirée. Parfaitement en place, les cinq musiciens donnèrent à l'assistance un set carré, mais nullement lénifiant. Mieux, chacune de leur réinterprétation hardcore botta gentiment le cul au supposé prétexte passéiste ; l'âge du public indiquant au besoin que le concert ne serait en rien, de toute façon, un rendez-vous de quadras nostalgiques.

 

Au gré de quelques récentes piqûres, Electric Rattlesnake issu de The Electric Age(2012) ou Ironbound du disque éponyme de 2010, ce jubilé thrash fut marqué, comme il était écrit et attendu (2), par les jouissifs enchaînements nommés Coma / Infectious, sans oublier le cauchemardesque Horrorscope suivi de près par l'uppercut Thanx for Nothin'. Une heure et demi plus tard, Overkill quittait un public ravi par un rappel des plus cultes : l'apocalyptique Elimination et leur reprise de The Subhumans, Fuck You. Seul petit bémol, un extrait du prochain album n'aurait sans doute pas fait de mal à nos oreilles.

Plus de photos sur notre tumblr.

 


Setlist :
01. Armorist / 02. Rotten to the Core / 03. Electric Rattlesnake / 04. Hello From the Gutter / 05. Hammerhead / 06. Feel the Fire / 07. Blood and Iron / 08. Coma / 09. Infectious / 10. Blood Money / 11. Bare Bones / 12. Nice Day... For a Funeral / 13. Horrorscope / 14. Thanx for Nothin' / 15. Raise the Dead  / 16. Overkill / 17. Ironbound / Rappel : 18. Elimination / 19. Fuck You

 

Overkill
Bobby "Blitz" Ellsworth – Chant
D.D. Verni – Basse
Dave Linsk – Guitare
Derek "The Skull" Tailer – Guitare
Ron Lipnicki – Batterie
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(1) Dont pas moins de huit dates au Royaume-Uni et celle du 16 avril au Turbinenhalle 2 à Oberhausen en Allemagne où seront joués en intégrale le premier album du groupe, Feel the Fire, ainsi que Horrorscope (concert qui sera enregistré et filmé en vue d'une sortie en DVD et CD).

(2) Ou l'avantage d'être devant la scène et d'avoir accès avant le début du concert à la setlist.

Cronico Ristretto : Hold/Still - Suuns (2016)

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Écrivons-le sans ambages et autres circonlocutions, le troisième album des montréalais Sunns (1), Hold/Still, sorti ce 15 avril, s'inscrit dès à présent comme un des albums de l'année 2016. C'est dit. Et c'est un peu court. Alors développons.

Formé il y a presque une décennie, en 2007, par la paire originelle, les guitaristes Ben Shemie et Joe Yarmush, avant de s'adjoindre les services d'un batteur Liam O'Neill et d'un bassiste/claviériste Max Henry, Suuns revient aux affaires courantes en 2016, après leur précédente collaboration avec Radwan Ghazi Moumneh alias Jerusalem in My Heart l'année dernière. Et quelles affaires. Sombre. Froid. Dissonant. Mécanique. Présenté avant sa sortie comme le croisement réussi entre le minimalisme pervers des pionniers Throbbing Gristle et la radicalité pop du Kid A de Radiohead, Hold/Still avait de quoi sur le papier attirer l'attention du préposé docteur. Mais n'allons pas trop vite.
  
Après un Zeroes QC (2011) et Images du Futur (2013) enregistrés chez eux, à Montréal, par le producteur et ami Jace Lasek du groupe The Besnard Lakes, Sunns est allé en mai 2015 à Dallas, Texas, sous la houlette de John Congleton, producteur, mixeur, ingénieur du son, et plus si affinités, au CV des plus garnis et long comme le bras (2), en sus de ses activités au sein de son groupe The Paper Chase. Un changement d'air et de conditions en somme des plus profitables à l'écoute de Fall qui ouvre ce Hold/Still : guitares saturées dissonantes, voix fantomatique, rythmique hypnotique, batterie apocalyptique. La dite chute est brutale mais non dénuée de sensualité revêche. Or la suite du disque n'en est que plus redoutable.
 
La filiation avec le classique 20 Jazz Funk Greats de Genesis P-Orridge et consorts est ainsi évidente sur la pièce centrale nommée Careful. Intimiste, électro-industriel, avec son synthétiseur obsédant, Hold/Still l'est.Et plus encore.Disque hanté, par ses guitares torturées, soufflant le chaud et le froid, tour à tour mélodiques et écorchées, et par la voix de Ben Shemie, plus spectrale que jamais, Hold/Still distille le long de ses quarante-sept minutes un parfum vénéneux. Enregistré dans les conditions du live, cet album organique, aux atmosphères anxiogènes et synthétiques, garde ainsi une assise pop rock à l'instar de la comptine broyée Brainwash inspirée par celles écrites jadis par Syd Barrett, ou des lyriques Paralyser ou Translate (3) dans le sillage d'un Thom Yorke.
   
Sunns sera en concert en France, le 21 mai au Grand Mix de Tourcoing, le 30 mai au Cabaret sauvage parisien dans le cadre de l'édition 2016 du festival Villette Sonique, et le 4 juin au Noumatrouff à Mulhouse.

Un grand disque noir.

   



Titres :
01. Fall / 02. Instrument / 03. UN-NO / 04. Resistance / 05. Mortise and Tenon / 06. Translate / 07. Brainwash / 08. Careful / 09. Paralyzer / 10. Nobody Can Save Me Now / 11. Infinity

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(1) A prononcer "soons".

(2) On retiendra ici son travail sur To Be Kind, dernier album en date des Swans, en attendant The Glowing Man qui sort le 17 juin prochain.

(3) Tandis que le clip de Brainwash évoque ceux du Radiohead du début des années 2000, Pyramid Song en tête.
  

La plage sanglante (Blood Beach) - Jeffrey Bloom (1980)

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Continuons notre périlleux voyage vers cette contrée peuplée de films d'horreur oubliés (et fauchés) avec, cette fois-ci, cette Plage sanglante signée par le dénommé Jeffrey Bloom. Sortie en DVD en 2012 aux États-Unis, Blood beach dans sa version originale marche, on l'aura vite deviné, dans le sillage du succès des Dents de la mer de Steven Spielberg au mitan des années 70, et sa cohorte de contrefaçons plus ou moins improbables dont les abracadabrantesques productions italiennes de l'ami Ovidio Assonitis (Tentaculesen 1977, et en attendant Piranha 2 - Les tueurs volants en 1981). Enfin, de cette catégorie de films dont l'affiche promet davantage que son contenu, La plage sanglante aura néanmoins, à défaut de passer à la postérité, su trouver malgré elle une certaine immortalité en apparaissant (certes subrepticement) dans le Blow Out de Brian de Palma (1). Mais n'allons pas trop vite.

Californie, Santa Monica. Lors de sa baignade matinale, Harry Caulder (David Huffman) est témoin de la disparition de son amie Ruth Hutton (Harriet Medin), littéralement happée par le sable de la plage, sous les yeux impuissants de son compagnon à quatre pattes. Or, chargés de l'enquête, le lieutenant Piantadosi (Otis Young) et le sergent Royko (Burt Young) n'ont pas le moindre début de piste en absence de cadavre. Tandis que les cas d'agression, de mutilation et de disparition s'accumulent, les médias baptisant le lieu désormais de "plage sanglante", Harry et la fille de Ruth, Catherine (Marianna Hill), décident de découvrir l'origine de ce mystère face à l'impuissance de la police.
   
  
Troisième long métrage du scénariste Jeffrey Bloom, qui fit par la suite carrière à la télévision en mettant en scène plusieurs téléfilms et en signant quelques épisodes de séries à succès dont Starsky et Hutch et Columbo, La plage sanglante confirme, ou annonce, le prochain virage professionnel de son auteur. Ainsi, à l'exception de son casting, et en particulier la présence de Burt Young (alias Paulie dans la franchise Rocky) et de John Saxon (figure virile incontournable du cinéma d'exploitation US des années 70-80) dans le rôle du capitaine Pearson, avouons sans peine, et dès à présent, que ce morne spectacle à faire frémir les ménagères et effrayer les jeunes enfants avait plus sa place sur le petit écran, tant le film accumule les défauts récurrents des productions télévisuelles de l'époque.

Du fait des moyens restreints mis à sa disposition, Bloom joue donc la carte, non sans raison, du suspense, laissant échapper néanmoins deux scènes gore plutôt sympathiques, quoique paradoxalement inappropriés, soit la découverte d'un chien en peluche décapité, et l'émasculation d'un violeur sur le point de passer à l'acte. Dommage que de suspense, à l'instar de la présence visible de la créature, il n'y en ait point (il faudra finalement attendre les dernières minutes pour apercevoir une sorte de plante carnivore croisée avec une antenne parabolique en guise de menace souterraine (2)). Non content d'être techniquement des plus bâclés (photographie sabotée, musique pompée sur celle de John Williams), le film traine en longueur. 
 
   
L'idée de départ pouvait sembler originale, et aurait pu donner lieu à une louable série B dans les mains d'un bon artisan ou d'un petit malin à l'instar d'un Joe Dante (qui réalisera justement pour Roger Corman le Jaws look-a-likePiranha), mais La plage sanglante enfonce inexorablement le spectateur vers une terne apathie, que seule l'hystérie de la scream queen du pauvre incarnée par Marianna Hill pourra un temps réveillée (3). Aux autres d'apprécier la parodie offerte par Burt Young en flic nostalgique de ses années passées à Chicago, plus doué à engloutir des quantités astronomiques de malbouffe qu'à mener une enquête policière. Quant à la présence du Dr. Dimtrios en guise de caution scientifico-pouet pouet, celle-ci enterre encore un peu plus le film dans le grotesque.

   
Porté par un duo d'acteurs (4) tout droit échappés d'un téléfilm (on l'aura compris), cet hybride ratée entre Les dents de la mer et La révolte des triffides fit l'objet d'une sortie limitée, ses distributeurs n'ayant aucune illusion (on les comprend) quant aux gains que pouvaient récolter son exploitation, contrairement aux producteurs et aux auteurs qui comme le porte à croire la fin du film, étaient fin prêt à lancer une suite. A noter que l'idée de la plage anthropophage fut reprise trois décennies plus tard dans le non moins navrant The Sand (2015) d'Isaac Gabaeff.

 
 
En bonus : Quelques gifs du film sur notre tumblr.

 
 
Blood Beach (la plage sanglante) | 1980 | 86 min
Réalisation : Jeffrey Bloom
Scénario : Jeffrey Bloom d'après une histoire de Jeffrey Bloom et Steven Nalevansky
Avec : David Huffman, Marianna Hill, Burt Young, Otis Young, John Saxon
Musique : Gil Melle
Directeur de la photographie : Steven Poster
Montage : Gary Griffin
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(1) L'affiche apparait au mur d'un des couloirs de la société de production qui emploie John Travolta dans le rôle d'un ingénieur de son. CQFD.

(2) Une absence qui soulignerait l'incapacité de Bloom à trouver un monstre relativement convaincant, ce dernier se résolvant à montrer à la dernière minute et très rapidement la croquignolesque bestiole. Impression confortée à la découverte des quelques plans uncut qui soulignent ce flou artistique et une créature qui ne ressemble pas à la version finale.
  
(3) Ceux qui attendaient la présence de quelques demoiselles fraichement dévêtues, ils pourront également ronger leur frein. D'autant plus dommage que la compagne de Harry, hôtesse de l'air de nationalité française, offrait toutes les qualités requises... comme l'atteste les quelques bribes d'images issues de la version uncut(quand celle-ci se fait boulotter par la créature).

(4) Les deux seules titres de gloire de Marianna Hill sont d'avoir interprété des garces : Deanna Corlone, épouse de Fredo, dans Le Parrain, 2ème partie, et Callie Travers, dans L'homme des hautes plaines.
 

Live report : Tindersticks - Théâtre des Bouffes du Nord, Paris, 20 avril 2016

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Du mardi 19 au jeudi 21 avril, les Tindersticks faisaient escale à Paris au théâtre des Bouffes du Nord, dans le cadre de leur tournée européenne (1) en soutien à leur dixième album, The Waiting Room, sorti le 22 janvier dernier. Salué par la critique internationale, le nouveau disque avait, avouons-le, quelque peu déçu le préposé lors des premières écoutes ; quitte à le laisser de côté, en attendant le concert du 20 avril, et ainsi pouvoir le réévaluer dans de meilleures conditions. A la sortie de la salle inscrite au monument historique, le constat était sans appel, The Waiting Room méritait bien une seconde chance. Mais n'allons pas trop vite, comme le veut l'adage...

De leur collaboration avec la réalisatrice Claire Denis, depuis le long métrage Nénette et Boni en 1996, pour lequel les Tindersticks signèrent la musique (tirée majoritairement de leur second album éponyme), le cinéma aura très souvent inspiré ces gentlemen du rock, nombre de leurs chansons pouvant à juste titre est considéré comme la bande originale d'un film imaginaire. De ce constat, il n'est dès lors pas étonnant d'apprendre que le groupe, pour ce Waiting Room, fut à l'initiative d'un projet en collaboration avec le festival international du court métrage de Clermont-Ferrand : proposer pour chaque titre de l'album un film mis en scène par un réalisateur différent (2). Mieux, ce Waiting Room Film Project qui n'avait nulle vocation à jouer bassement les utilitaires promotionnelles, allait offrir une immersion inédite en tant qu'élément scénique.
 
 
 
Le concert fut ainsi scindé en deux sets distincts, une première partie consacrée comme il se doit à l'intégralité du dernier album, tandis que la seconde allait parcourir leurs précédents disques. Autour du trio originel composé du charismatique Stuart Staples au chant et guitare, Neil Fraser à la guitare et David Boulter aux claviers, et accompagnés d'Earl Harvin à la batterie et Dan McKinna à la basse, s'adjoignirent à la formation deux saxophonistes. Cet apport cuivré, tout sauf anecdotique, apporta à leur prestation une touche colorée et chaude à leur orchestration, à l'image de l'inhabituel (et légèrement crispant) Help Yourself, dont le court-métrage est signé par Claire Denis, ou du funky Were We Once Lovers, chacun extrait du nouveau disque. Quant à l'apport des courts-métrages sur la musique et le concert, le Waiting Room Film Project aura permis, tant sur le fond que sur la forme, au groupe de se fondre littéralement dans les images diffusées sur la scène, tel lors de l'hommage à la regrettée Lhasa de Sela sur Hey Lucinda, du crépusculaire titre éponyme ou du rugissant We Are Dreamers!, un des moments forts de ce premier set.

 

Loin d'être passéiste comme tant de formation de cet âge, le second set fit au contraire la part belle aux récents albums, soit la moitié du précédent et excellent The Something Rain (2012), plus quelques réminiscences de Waiting for the Moon (2003) (en guise de rappel) à Falling Down a Mountain (2010). Seul écart nostalgique, les classiques revisités She's Gone et Sleepy Song permirent à l'assistance d'apprécier et de se rappeler au bon souvenir du chef d'œuvre de 1995 ; le cadre magique de la salle et l'éclairage ajoutant au reste du concert un élément indéniable.

 


Une très belle soirée pour un nouvel album qui gagne à être réécouté (et regardé) (3).

Plus de photos sur notre tumblr.

Setlist :
01. Follow Me (clip) - 02. Second Chance Man - 03. Were We Once Lovers? - 04. Help Yourself - 05. Hey Lucinda - 06. This Fear of Emptiness - 07. How He Entered - 08. The Waiting Room - 09. Planting Holes - 10. We Are Dreamers! - 11. Like Only Lovers Can - 12. Follow Me (Crédits) - Pause - 13. Johnny Guitar - 14. Keep You Beautiful - 15. Medicine - 16. She's Gone - 17. Boobar Come Back to Me - 18. The Other Side of the World - 19. Sleepy Song - 20. Show Me Everything - 21. Slippin' Shoes - 22. A Night So Still  - Rappel: 23. Sometimes It Hurts - 24. My Oblivion

 

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(1) Dont comme à chaque fois de nombreuses dates en France dont le 18 avril à Rennes, le 5 mars à Nîmes, le 4 mars à Tarbes, le 3 mars à Cenon ou le 2 mars à Rouen.

(2) A l'exception des courts métrages signés par Stuart Staples, le chanteur mettant en scène plusieurs vidéos de ce Waiting Room Film Project.

(3) Le Waiting Room Film Project étant disponible sur l'album en édition limitée en DVD.
 

Cronico Ristretto : PJ Harvey - The Hope Six Demolition Projet (2016)

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Cinq ans après le priméLet England Shake (1), voici donc le retour de Polly Jean Harvey avec The Hope Six Demolition Projet, sorti le 15 avril dernier. Auteure durant quinze ans de disques rock intransigeants, la petite anglaise du Dorset qui avait débarquée en 1992 avec le revêche et déjà acclamé Dry, est devenue au mitan de la décennie 90's grande prêtresse de l'indie après son tonitruant troisième album, To Bring You My Love. D'albums en albums, la dame a ainsi creusé son sillon rock avant, il y a déjà presque une décennie, l'introspectif et poignant White Chalk. Radical, ce disque devenu charnière avec le temps allait prouver, ce The Hope Six Demolition Projet n'y dérogeant nullement, qu'il y aurait (désormais) un avant et un après White Chalk dans la discographie de miss Harvey.
      
Pour ce neuvième album, PJ Harveys'est nourrie de ses divers périples entre 2011 et 2014 à travers le globe, accompagnée du photographe Seamus Murphy, rencontré lors du précédent disque et en charge des photographies promotionnelles (2). De ses destinations vers le Kosovo, l'Afghanistan ou la banlieue de Washington D.C., les paroles de THSDP (3) ont pris la forme d'un journal de bord, poursuivant comme on pouvait le supposer, la précédente veine politique de LES.

Entouré des fidèles, John Parrish et Flood à la production, de la « mauvaise graine » Mick Harvey et du batteur Jean-Marc Butty, soit le même line-up qu'en 2011, PJ Harvey enregistra, pour la nouveauté, l'album lors de sessions ouvertes au public à la Somerset House, du 16 Janvier au 14 février 2015. A l'instar du premier single, The Wheel, suivi deux mois plus tard en mars de The Community of Hope (les deux clips ont été réalisés par Murphy), puis enfin une semaine avant la sortie officielle de l'album, de The Orange Monkey, THSDP se distingue par son aspect globalement varié, sinon hétéroclite. Tour à tour folk, rock, psychédélique, blues, cet essai musical de photojournalisme laisse toutefois une impression mitigée, confortant un peu plus l'hypothèse du schisme post-2007.

Si THSDP ne manque pas de lyrisme, son écoute recèle malheureusement plusieurs absences notables, sinon rédhibitoires. Il est certes toujours aussi difficile de faire le deuil de la crudité ou rugosité qui seyait si bien à la dame (encore que Stories from the City, Stories from the Sea avait prouver le contraire), mais ce n'est pas tant son absence ou son illusion (sur The Ministry of Defense ou The Ministry of Social Affairs) que la qualité globale des chansons qui sont au cœur du problème, à l'image des insupportables A Line in the Sand et Near the Memorials to Vietnam and Lincoln. Handicapé par une production molle (le rendu manque cruellement de relief, un comble), c'est davantage par le blues que THSDP tire son épingle : du très Mickharveyien Chains of Keys à River of Anaconda, sans malheureusement ôter le caractère anecdotique de l'ensemble. L'ambition affichée ne se drape fort heureusement pas d'un militantisme forcené ou d'une démesure musicale, mais le constat reste le même : décevant.

Moyen.

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(1) Primé mais très mollement apprécié en ce lieu. A noter que Let England Shake, tout comme Stories from the City, Stories from the Sea (2000), a reçu le Mercury Music Prize récompensant le meilleur album britannique/irlandais de l'année.

(2) Avant de mettre en scène douze courts-métrages adaptés des chansons de l'album sur le film Let England Shake: 12 Short Films by Seamus Murphysorti en DVD fin 2011.

(3) En référence au plan d'urbanisation / gentrification étasunien HOPE VI lancé dans les 90's.
 

Live report : Pelican + Wiegedood - La Maroquinerie, Paris, 5 mai 2016

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Trois années après leur passage parisien, (déjà) à La maroquinerie pour la sortie de leur dernier album, Forever Becoming, et au lendemain de leur concert à Tourcoing au Grand Mix, le groupe Pelican était de retour à la capitale. Figure tutélaire du genre post-metal depuis leur premier EP au début du millénaire, les quatre musiciens de l'Illinois ont débuté depuis le 28 avril dernier une mini-tournée européenne printanière qui se conclura le 13 mai prochain, en attendant un jour prochain (1) un nouvel album (le dernier enregistrement studio en date fut l'EP The Cliff en 2015, suivi en mars dernier par leur second live officiel Live at The Empty Bottle December 15, 2015 disponible gratuitement sur leur site bandcamp (2)).

Surprise de la programmation, à ceux mal informés qui pensaient devoir patienter (et ronger leur frein) devant un clone d'Isis ou Neurosis, en première partie du concert, la stupéfaction fut totale avec la présence de Wiegedood. Formation flamande de black metal en provenance de Gant, et auteur d'un premier album, De Doden Hebben Het Goed, sorti l'année dernière (en écoute également sur bandcamp), le groupe tire son patronyme néerlandophone du syndrome de la mort subite du nourrisson. Ambiance garantie. Bien en place, les trois musiciens livrèrent une prestation massive à l'image des longues compositions de leur répertoire (dix minutes de moyenne), alternant passage atmosphérique et brutalité old school des plus directes. A suivre.
  
  
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Changement d'ambiance avec la tête d'affiche Pelican. Chantre d'un metal instrumental nourri d'influence sludge, la set-list se centra principalement sur les deux derniers albums du groupe, soit un bon deux tiers, avec pas moins de cinq titres provenant de Forever Becoming. Mené par le guitariste Trevor de Brauw, Pelican offrit une prestation carrée à défaut de véritablement surprendre ou de proposer de nouvelles compositions. Toutefois, les musiciens purent compter sur un son des plus compacts et lourds, à renvoyer à leurs chères études nombre de formations (true) métalliques se targuant d'être plus heavy que leur voisin, avant de flirter, comme il se doit le temps du rappel et du titre final Mammoth, avec quelques assauts soniques bien sentis. Contrat rempli.


  
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Setlist :
01. Dead Between the Walls / 02. Deny the Absolute 03. The Tundra / 04. Ephemeral / 05. The Creeper / 06. Vestiges / 07. Immutable Dusk / 08. Threnody / 09. Strung Up from the Sky / 10. Last Day of Winter / Rappel : 11. GW / 12. Mammoth

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(1) Un nouvel album qui devrait tarder sachant que le guitariste Trevor de Brauw est impliqué dans le side-project RLYR dont le premier album Delayer sort le 17 juin (suivi d'une tournée de dix dates Outre-Atlantique).

(2) A noter que la quasi intégralité de leur discographie est disponible en streaming sur cette plateforme (à l'exception des disques édités par le label Southern Lord).

Zone Troopers - Danny Bilson (1985)

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Réalisateur, producteur et propriétaire de la société Empire Pictures, Charles Band est à l'initiative de nombreux films fantastiques indépendants depuis le mitan des années 70, dont le mésestimé Laserblast (chronique ici) qui fut l'une de ses premières productions en 1978. En marge des majors, Band est ainsi devenu au fil du temps l'une des figures marquantes du cinéma d'exploitation étasunien de par la quantité de films produits (1). Rapidement catalogué, non sans raison, grand maître du film fauché nazebroque (au hasard sa production Parasite avec la débutante Demi Moore en 1982), l'homme quitta, momentanément, la fange au milieu des années 80 à la fois par sa réalisation Trancers (a.k.a. Future Cop) en 1984 avec la jeune Helen Hunt, et par le non moins fameux From beyond: Aux portes de l'au-delà de Stuart Gordon qu'il produisit en 1986, sans néanmoins remettre en cause sa frénésie productive (pas moins de onze longs métrages produits en 1986 et en 1987) et la nature nanar des films produits (officiellement ou non) sous la bannière Empire Pictures. Dans ce contexte, 1985 apparait comme une année charnière, tant par le nombre limité de sortie, que par le film qui nous intéresse : Zone Troopers. Entre deux mutations et autres sauvages aventures, Charles Band et Danny Bilson, qui signait ici son premier long métrage après avoir été assistant et scénariste pour plusieurs productions Empire Pictures, sortirent des sentiers battus d'Empire en rendant cette fois-ci un hommage appuyé à la Science-Fiction des années 30-40.

1944, quelque part en Italie. Un sergent (Tim Thomerson) et sa patrouille sont coincés derrière les lignes ennemies. Tandis que le caporal Mittens (Art La Fleur) et le correspondant de guerre Dolan (Biff Manard) se font capturer par les nazis, le sergent et le soldat Joey (Timothy Van Patten) découvrent un vaisseau spatial qui s'est écrasé près d'un bois. Or les nazis, dont Hitler en personne, sont également à la recherche de la navette et de ses occupants...
   
  
Tourné en Italie, avec un budget en adéquation avec les ambitions d'Empire Pictures (2), à savoir minimaliste mais pas trop, Zone Troopers s'écarte dans les faits, et comme énoncé plus haut, de la ligne de conduite usuelle des productions de la Band Incorporated. En un mot, compte tenu de l'argent mis à sa disposition (3) et de la réputation d'Empire Pictures, le film est plutôt une bonne surprise. Composé de la même équipe que pour Trancers, devant et derrière la caméra, soit le trio d'acteurs Thomerson/La Fleur/Manard, et le duo de techniciens maison, le vétéran chef opérateur suédois Mac Ahlberg et le monteur Ted Nicolaou (4), le long métrage évoque au départ les séries B guerrières d'antan, celles réalisées à la chaine après la Seconde Guerre mondiale, avec son lot de scènes d'action caricaturale et de personnages stéréotypés à l'instar du sergent dur à cuir ou de la jeune recrue candide. Puis à l'image des lectures du personnage joué par Timothy Van Patten (plus convaincant en ingénu qu'en méchant lycéen cyberpunk dans le navrant Class of 84), Zone Troopers glisse lentement vers l'esprit des pulp SF de cette même époque, le vaisseau spatial découvert en rase campagne italienne rappelant ainsi les engins intersidéraux de Buck Rogers.

    
Davantage un hommage à cette SF fleurant bon la naphtaline que véritablement un long métrage parodique, Zone Troopers joue donc pleinement la carte du divertissement suranné, avec les limites qui sont les siennes. Sans prétention, moyennement drôle, le film aurait sans nul doute gagné à être moins bon enfant, pour gagner en subversion ou en ironie, l'apparition de l'alien déclenchant plus la consternation qu'un véritable sentiment de nostalgie. Qu'importe. Si la nature anachronique du film n'excuse pas tout, son scénario peut-être cependant considéré comme une première étape pour le duo de scénaristes, Danny Bilson et Paul De Meo, ces derniers étant responsables d'une variation rétro autrement plus concluante en 1991, The Rocketeer, d'après le comic book de Dave Stevens.
 
 
         
Avec ses effets spéciaux à dessein naïfs, ses acteurs ne se prenant nullement au sérieux (on le serait à moins), Zombie Troopers remplit globalement les attentes (qui étaient de toute façon faibles sinon inexistantes) en dépit d'une mise en scène anonyme (5). Enfin les plus mélomanes apprécieront le pompage (clin d'œil ?) du thème de La marche impériale de John Williams pour accompagner les nazis.

Un faux nanar à découvrir pour les plus curieux.

 

 
En bonus : Quelques gifs du film sur notre tumblr.


 

Zone Troopers | 1985 | 86 min
Réalisation : Danny Bilson
Producteur exécutif : Charles Band
Scénario : Danny Bilson & Paul De Meo
Avec : Tim Thomerson, Timothy Van Patten, Art LaFleur, Biff Manard, William Paulson
Musique : Richard Band
Directeur de la photographie : Mac Ahlberg
Montage : Ted Nicolaou
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(1) Imdb comptabilise à l'heure actuelle 271 films produits depuis son premier Last Foxtrot in Burbank en 1973.

(2) A l'exception d'une explication comptable et d'une réduction des coûts, le film aurait très bien pu être tourné aux USA.

(3) A noter que comme l'indique les photos, un grand soin a toutefois été apporté à la reconstitution du vaisseau spatial.

(4) Ted Nicolaou qui en plus d'être monteur, fut également scénariste et réalisateur pour Empire Pictures.

(5) Danny Bilson réalisa un second film avant de suivre par la suite une carrière à la télévision.
   

Mike and the Melvins - Three Men and a Baby (2016)

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En attendant Basses Loaded, le « nouvel » album des Melvins (1) qui devrait poindre désormais rapidement, soit le 3 juin prochain, toujours chez Ipecac Recordings, Buzz Osborne and co et le label Sub Pop se sont rappelés au bon souvenir d'un autre album, longtemps inachevé, débuté à la fin du siècle dernier, et finalisé l'année dernière : Three Men and a Baby. Un disque qui tend à confirmer, dans ce cas, l'adage populaire « mieux vaut tard que jamais ». Rappel des faits de ce nouveau retour vers le passé (2).

1999, orphelin de son groupe godheadSilo depuis la blessure de son batteur Dan Haugh l'année précédente, le bassiste Mike Kunka suit les Melvins en tournée, avant d'enregistrer avec King Buzzo et Dale Crover, accompagnés de leur nouveau bassiste Kevin Rutmanis (3), l'essentiel de ce qui adviendra l'album Three Men and a Baby. Mises en sommeil durant seize longues années, les bandes enregistrées à l'époque par Tim Green (producteur de la trilogie à suivre The Maggot/The Bootlicker/The Crybaby), ressortent des tiroirs, tandis que les musiciens retournent en studio, sous la houlette cette fois-ci de Toshi Kasai (guitariste de Big Business - on ne soulignera jamais assez l'aspect familial chez les Melvins), pour boucler ce qui aurait pu s'apparenter à un album maudit.

Sorti le 1er avril 2016, Three Men and a Baby, pourvu d'une croquignolesque et délicieuse pochette signée madame Mackie Osborne, n'a rien d'un canular. Avec une session originelle placée entre les albums Honky(1997) et TheMaggot (1999), le disque annonce le virage libertaire des Melvins et de son leader à travers la trilogie précitée, et les prochaines collaborations au mitan des années 2000 avec Lustmord (sur Pigs Of The Roman Empire) et Jello Biafra (Never Breathe What You Can't See et  Sieg Howdy!). Avec ses trois bassistes (King Buzzo est également de la partie), Three Men and a Baby avait tous les atouts pour redéfinir les contours d'un heavy rock barré, un avatar mal embouché propre à ravir les amateurs des deux formations. 

Mené tambour battant par un premier tiers rugissant, dans la pure tradition Melvinsienne, prouvant par A+B que Buzzo reste un maitre en matière de riffs graisseux, ces quatre premiers titres se concluent par une reprise surprise et convaincante d'Annalisa, les musiciens se réappropriant avec brio le classique du premier album de PIL. Moins bruyant (encore que...), mais nullement assagi (ouf), le reste du disque offre à Kunka davantage d'espaces à sa basse, prolongeant et étoffant les expérimentations noisy d'un Dead Canaries ou les âpres distorsions d'un Gravel. Loin d'être mis à l'écart, Dale Crover, qui pousse même la chansonnette sur Lifestyle Hammer, gratifie l'album, comme à son habitude, d'une prestation assourdissante et pleine de groove à l'image du détonant Pound the Giant. Enfin Three Men and a Baby se termine par l'apparenté grindcore Art School Fight Song, ou une réponse en écho au premier album de Fantômas datant justement de 1999, auquel Osborne participa.

A l'heure du bilan, Three Men and a Baby aurait sans aucun doute mérité une suite tant son contenu, s'il ne bouscule en rien la discographie des participants (4), apporte son lot de bons moments. Toutefois, à l'instar des nombreux disques des Melvins post-2000's, cet essai aurait aussi gagné à être transformé (5).



   
     
Titres :
01. Chicken 'N' Dump / 02. Limited Teeth / 03. Bummer Conversation / 04. Annalisa (Reprise de PIL) / 05. A Dead Pile Of Worthless Junk / 06. Read The Label (It's Chili) / 07. Dead Canaries / 08. Pound The Giants / 09. A Friend In Need Is A Friend You Don't Need / 10. Lifestyle Hammer / 11. Gravel / 12. Art School Fight Song
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(1) Neuf chansons de Basses Loaded proviennent de disques sortis entre 2015 et 2016 sur le label Amphetamine Reptile Records : les EPs Beer Hippy (2015) et War Pussy (2016), et le split Chaos As Usual avec le groupe mexicain Le Butcherettes.

(2) Rappelons-nous au hasard leur disque Tres Cabrones où Buzzo et Crover avaient invité le batteur originel Mike Dillard.

(3) Rutmanis qui fut bassiste des Melvins de 1999 à 2005 avant la collaboration du duo originel Buzzo/Crover avec le groupe Big Business.

(4) Objectons que la donne aurait été peut-être différente si le disque était sorti en 1999.

(5) Constat doux-amer un peu à l'image de la plupart des albums des Melvins depuis Stag (1996), de bons albums auxquels il manque un petit plus pour marquer durablement les esprits.
 

Kamasi Washington à la Cité de la Musique, Villette Sonique, Paris, 1er juin 2016

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Dans le cadre de l'édition 2016 de Villette Sonique, le saxophoniste étasunien Kamasi Washington venait conclure le festival parisien par un concert des plus attendus à la Cité de la Musique. Annoncé complet quelque temps avant le jour J, la venue du jazzman d'Inglewood, avortée une première fois suite aux attentats du 13 novembre (1), draina comme on pouvait s'en douter une foule nombreuse et hétéroclite, alléchée par la musique de ce disciple et nouvel ambassadeur de la Great Black Music. Révélation jazz de l'année passée, Washington fut l'auteur d'un monumental album solo, The Epic, triple disque sorti chez Brainfeeder Records, le label de Flying Lotus (alias Steven Ellison - neveu d'Alice Coltrane), dont Washington collabora sur son remarqué You're Dead ! en 2014. Fruit d'une monstrueuse session d'un mois avec les membres du collectif West Coast Get Down, The Epic allait enfin rayer d'un trait toutes ces années de frustration, limité au seul rôle de sideman et collaborateur de luxe (2), pour mieux permettre à l'ancien saxophoniste des Young Jazz Giants de prendre définitivement et durablement son envol. 

 
 
Accompagné du noyau dur du collectif, à savoir Brandon Coleman aux claviers et piano, Ryan Porter au trombone, Miles Mosley à la contrebasse, Tony Austin et Ronald Bruner (ancien membre des Young Jazz Giants) à la batterie, et Patrice Quinn aux chœurs, Kamasi Washington délivra durant plus d'une heure et demie ce à quoi le public parisien était venu chercher : un bouillon de culture musical convoquant autant les envolées libertaires d'un Pharoah Sanders ou du maître Coltrane, la maîtrise d'un David Murray, qu'un brassage jazz allant du swing à l'afrobeat. 

 

Ouvrant avec Change of the Guard, soit la composition qui introduit The Epic, le concert fit la part belle, non sans raison, au répertoire issu du dit triple album. Aussi solide individuellement que collectivement, chacun des musiciens eut l'occasion de montrer tout l'étendue de leur talent : du solo barré de Miles Mosley précédant la reprise d'Abraham signé par lui-même, au duel de batteries par Austin et Bruner, sans oublier l'entrée en scène du père de Kamasi, Rickey Washington, à la flûte traversière (et saxophone soprano) sur Henrietta Our Hero

 

A la fois accessible et empreinte de virtuosité, la musique jouée par ce jeune chef d'orchestre et saxophoniste de 35 ans confirma sur scène les espoirs portés par ce disque manifeste d'un jazz du 21ème siècle : ni traditionnel, ni fusion, ni swing, ni free, mais tout à la fois. Enfin, en guise d'amuse-bouche et avant de quitter définitivement la scène, la formation interpréta The Soulness, extrait du prochain album.

Épique.

Le concert est disponible sur le site internet d'Arte à cette adresse.

Kamasi Washington
Kamasi Washington (Saxophone ténor)
Tony Austin / Ronald Bruner (Batteries)
Brandon Coleman (Claviers, piano)
Miles Mosley (Contrebasse)
Ryan Porter (Trombone)
Patrice Quinn (Chant, chœurs)
Rickey Washington (Flûte traversière, saxophone soprano)

Plus de photos sur notre tumblr.



Setlist : 
01. Intro / 02. Change of the Guard / 03. Re Run Home / 04. Henrietta Our Hero / 05. Abraham (reprise de Miles Mosley) / 06. Solos de batteries / 07. The Magnificent 7 / 08. The Rhythm Changes / Rappel : 09. The Soulness
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(1) Kamasi Washington devait jouer au Trabendo le dimanche 15 novembre 2015, concert qui fut comme tant d'autres annulés par mesure de sécurité.

(2) Non content d'avoir participer au fameux To Pimp a Butterfly de Kendrick Lamar, Washington débuta en collaborant avec Snoop Dog et Heavy D, puis les jazzmen Marcus Miller, Stanley Clarke ou George Duke.

Live report : Bongripper + Suma + Ghold - Glazart, Paris, 30 mai 2016

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Pour paraphraser Pierre Desproges, « Tout dans la vie est une affaire de choix ». Or un dilemme cornélien s'offrait au préposé docteur à la chronique le 30 mai sur Paris : le concert des chicagoans Bongripper, ou bien celui des montréalais Sunns dans le cadre du festival Villette Sonique. Les papes du doom instrumental ayant dégainé les plus vites, l'issue était prévisible, ce qui n'empêcha nullement une pointe d'amertume et une légère déception face à cette prise de décision arbitraire : préférer une formation n'ayant jamais posé auparavant un pied sur le sol français, au détriment des géniteurs de Hold-Still ou l'un des albums marquants de l'année 2016. Fort heureusement cette soirée au Glazart du 30 mai allait faire oublier cette mésaventure (1).

Apparu au mitan des années 2000 à Chicago, Bongripper (clin d'œil décalée au Dopesmoker de Sleep) sont devenus au fil du temps une référence en matière de metal lourd dans le milieu underground. En 2010, les quatre musiciens gagnent en popularité après la sortie de leur cinquième album, le très remarqué Satan Worshipping Doom (chroniqué par nos soins à l'époque ici), soit la synthèse de leur doom dronien avec un black metal originel. Mieux, le disque leur ouvre enfin les portes de l'Europe en étant à l'affiche pour deux concerts au festival néerlandais Roadburn du 14 au 15 avril 2012, où fut joué le premier jour l'intégralité de SWD, avant de retraverser l'Atlantique l'année suivante pour leur première tournée sur le seul sol britannique. Quatre ans plus tard, une éternité pour un groupe qui enregistra pas moins de quatre albums entre 2006 et 2008 (2), Bongripper sort en juillet leur dernier album en date, Miserable, confirmant autant leur statut culte que la quintessence de leur art doom (avec en sus un nouveau passage au Roadburn en 2015 pour deux dates et l'intégralité de Miserable). 2016, Bongripper débute dix ans après leur début sa première et véritable tournée européenne, huit dates passant par la France, la Belgique, l'Allemagne, les Pays-Bas et enfin la Grande-Bretagne, du 29 mai à Nantes au 5 juin à Manchester.
           
Accompagnant Bongripper le temps de la dite tournée, les londoniens de Ghold avaient la charge d'ouvrir la soirée. Formé en 2012, après une démo et deux albums distribués en édition limitée, ce groupe de doom sludge a signé depuis 2015, deux albums sur le label Ritual Productions (Bong, Horses Latitudes, Ramesses), dont PYR, sorti début mai de cette année. Dirigé par le bassiste Aleks Wilson et le batteur Paul Antony, auquel s'est adjoint désormais le guitariste Oliver Martin, les trois musiciens assénèrent une prestation sourde, le duo originel martelant des rythmiques on ne peut plus massives. Principalement axé sur leur dernier disque dont la pièce maitresse Despert Thang, le set de Ghold évoquait un pont jubilatoire entre les premiers Ufomammut et une version actualisée du sludge barré des Melvins époque Lysol. A suivre.

 

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Setlist :
01. All Eyes Broke / 02. Despert Thrang / 03. CCXX / 04. Collusion With Traitors
  
   
Révélation de l'année 2010 avec leur album Ashes, Suma avaient disparu de la circulation sans crier gare peu après ce retentissant troisième disque. De retour en France pour cette seule date parisienne, avant la sortie prochaine, le 11 octobre, de leur nouvel album intitulé The Order of Things, la venue des suédois avait de quoi intriguer. Avec une batterie placée au centre la scène, toute ambiguïté était levée, la prestation allait être percussive ! En un peu moins d'une heure, le quatuor mené à la baguette (pouf pouf) par le dénommé E. offrit une prestation plutôt convaincante à défaut de véritablement briller, la faute à un bassiste / vocaliste peu audible (et encore moins charismatique - de toute façon l'assistance n'avait d'yeux (et d'oreilles)que pour le batteur), et des samples silencieux qui font pourtant partie intégrante de l'atmosphère noisy du groupe. En demi-teinte. En attendant le prochain disque dont les premiers extraits semblent (par contre) de bon augure. 

 

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Une fois réglés les problèmes de batterie qui retardèrent légèrement l'ouverture des hostilités, Bongripper put entamer les premières mesures du redoutable Hail. Avec une setlist basée essentiellement sur les deux derniers albums, deux titres chacun, le groupe n'eut aucun mal à soulever l'enthousiasme des cervicales du public parisien. Avec ses deux guitares cyclopéennes forgées par la paire Dennis Pleckham et le véloce Nick Dellacroce, une basse monstrueuse domptée par Ronald Petzke, et une batterie post-apocalyptique exécutée par Daniel O'Connor, le rouleau compresseur Bongripper était en marche.
Soixante-dix minutes de transe doom plus tard, le constat était sans appel : lourde, hypnotique, dissonante, la musique des chicagoans en concert n'avait rien perdu de sa superbe toxique. 

Culte. 
 
 

 

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Setlist :
01. Hail / 02. Descent / 03. Worship / 04. Endless

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(1) Consolation, le concert des Sunns est disponible sur le site internet d'Arte, à l'instar de celui de Kamasi Washington auquel nous avons pu assister en chair et en os.

(2) Une  « pause » mise à profit pour enregistrer un EP Sex Tape / Snuff Film en 2011 ainsi que deux splits avec les groupes Hate et Conan en 2013.
  

Panique à Needle Park - Jerry Schatzberg (1971)

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Après un premier coffret consacré au Body Double de Brian De Palma, puis un deuxième dédié à L'Année du dragon de Michael Cimino en mars dernier, Carlotta poursuit sa remarquable collection ultra Collector avec, cette fois-ci, le deuxième film de Jerry Schatzberg, Panique à Needle Park, film qui propulsa la carrière de son jeune acteur principal, Al Pacino (1), et offrit à sa partenaire, Kitty Winn, le prix d'interprétation féminine au Festival de Cannes en 1971. Un classique disponible le 22 juin prochain en version restaurée, supervisée et approuvée par le metteur en scène.

New-York, Helen (Kitty Winn) vient de subir un avortement clandestin. Dans l'appartement de son petit ami Marco (Raul Julia), elle fait la rencontre de Bobby (Al Pacino). Victime d'hémorragies, Helen est hospitalisée, où elle reçoit la visite surprise de Bobby, qui l'attendra peu après à sa sortie. Ils passent un après-midi ensemble dans les rues de New-York, c'est le coup de foudre. Bobby lui propose de s'installer avec lui non loin de la 72ème rue et de Broadway, près de Sherman Square, lieu de rencontre interlope des toxicomanes et dealers new-yorkais baptisé Needle Park. Helen y découvre la vie de son compagnon, accro à l'héroïne depuis de longues années, un quotidien fait de rapines, d'addictions, et de panique, quand l'héroïne vient à manquer.
   
  
Basé sur le livre écrit par James Mills, inspiré par les articles qu'il publia pour le magazine Life au mitan des années 60, Panique à Needle Park fut proposé par le producteur Dominick Dunne, qui en avait acheté les droits, à Jerry Schatzberg peu de temps après le montage de son premier long métrage, Portrait d'une enfant déchue. Scénarisé par le frère du producteur, l'écrivain John Gregory Dunne, et par sa belle-sœur la romancière Joan Didion, le film se voulait dès son origine autant le récit d'une histoire d'amour dramatique, qu'un témoignage sans complaisance ou moralisation des affres de la drogue chez les classes les plus défavorisées.

Crue, sans artifice, la forme quasi documentaire du long métrage, proche d'une démarche « Cassavetessienne », s'éloigne par contraste de la précédente vie professionnelle de son réalisateur, quand ce dernier était photographe de mode. En immersion avec ses deux acteurs principaux en plein cœur de Needle Park durant un mois et demi, Schatzberg s'est nourri de cette expérience pour retranscrire au mieux l'existence de ces marginaux. Tourné en quarante-trois jours, cette tragédie humaine ne cache rien des difficiles conditions de vie des personnages, rythmée à la fois par le harcèlement de la police et par leur dépendance à la drogue qui les aspirent irrémédiablement vers une spirale sans issue. Dur, éprouvant, le film évite toutefois l'écueil du misérabilisme ; le point de vue neutre sur les personnages et l'absence de toute musique, les sons et bruits new-yorkais faisant office de bande originale (2), confortant le réalisme souhaité par les auteurs.


Découvert par Jerry Schatzberg dans la pièce d'Israël Horovitz, L'indien cherche le Bronx, dont la seule expérience cinématographique était un petit rôle dans Me, Nathalie (1969) de Fred Coe, Al Pacino frappe déjà les esprits par sa prestation saisissante de naturel, à l'instar de sa partenaire Kitty Winn (3), et des seconds rôles qui les entourent, Richard Bright (4) et Raul Julia en tête. Cette sobriété dans l'interprétation est également à mettre en parallèle avec les choix techniques du chef opérateur d'origine polonaise Adam Holender (5) : l'utilisation de longues focales, afin de capturer quasiment sur le vif, telle une caméra cachée, ces instantanées de vie à l'écran, et un cadre composé majoritairement de très gros plans, ayant pour conséquence de créer une photographie quasi-claustrophobe, puisant sa source dans l'emprisonnement de ces drogués.

Panique à Needle Park dans sa version Collector se voit enrichi, en sus de plusieurs suppléments vidéo (souvenirs de tournage du réalisateur, sa relation avec Al Pacino, plusieurs scènes commentées par lui-même, etc.), d'un livre, La vie sur grand écran, regroupant des entretiens avec Joan Didion, Pierre Rissient, Adam Holender et Jerry Schatzberg, ainsi que des extraits du scénario original annotés par le réalisateur, le tout agrémenté de 50 photos inédites et d'archives personnelles de Jerry Schatzberg.
    
Modèle pour nombre de longs métrages à venir, du Bad Lieutenant d'Abel Ferrara au récent Mad Love in New York des frères Josh et Benny Safdie, Panique à Needle Park est à (re)découvrir. Deux ans plus tard, le metteur en scène retrouvait Al Pacino dans L'épouvantail, récompensé par le Grand Prix au Festival de Cannes.
     
    

   
Crédits photo : © 2016 TWENTIETH CENTURY FOX HOME ENTERTAINMENT LLC. Tous droits réservés.
 
 
The Panic in Needle Park (Panique à Needle Park) | 1971 | 110 min
Réalisation : Jerry Schatzberg
Scénario : Joan Didion et John Gregory Dunne, d'après le livre de James Mills
Avec : Al Pacino, Kitty Winn, Alan Vint, Richard Bright, Kiel Martin, Michael McClanathan, Warren Finnerty, Raul Julia
Directeur de la photographie : Adam Holender
Montage : Evan A. Lottman
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(1) Francis Ford Coppola choisit Al Pacino dans le rôle de Michael Corleone après l'avoir découvert dans ce film.
 
(2) Un compositeur fut engagé à l'origine, avant que l'idée soit abandonnée par le réalisateur.

(3) L'actrice fut repérée par le producteur Dominick Dunne à San Francisco.

(4) Futur partenaire d'Al Pacino dans la trilogie du Parrain dans le rôle d'Al Neri.

(5) Arrivé aux USA en 1966, son premier film sur le sol étasunien fut Macadam Cowboy (1969) de John Schlesinger.
  

The Exterminator (Le droit de tuer) - James Glickenhaus (1980)

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Davantage associé au cinéma d'auteur dit de patrimoine, ce qui ne les empêche nullement à l'occasion de soutenir et distribuer dans les salles des films récents (Alleluia de Fabrice du Welz ou Mad Love in New York des frères Josh et Benny Safdie), Carlotta Films étoffe désormais son catalogue en initiant cette année une nouvelle série intitulée Midnight Collection, qui ravira les amateurs de cinéma d'exploitation. Référence évidente aux fameux Midnight movies des séances de minuit new-yorkaises où se rassemblaient une faune hétéroclite de cinéphiles venus se délecter de séries B (et autres films en marge), cette collection se remémore au bon souvenir du glorieux temps de la VHS avec la sortie d'une première vague de films au format DVD et Blu-ray le 6 juillet prochain, comprenant The Exterminator et Blue Jean Cop de James Glickenhaus, Maniac Cop de William Lustig et Le scorpion rouge de Joseph Zito, avant une seconde vague le 24 août avec une spéciale Frank Henenlotter à travers sa trilogie Basket Case et son Frankenhooker.

Auteur d'un premier film au mitan des années 70 The Astrologer, avant de quitter le cinéma pour le monde de la finance vingt ans plus tard, le metteur en scène étasunien James Glickenhaus apparaît être le fil conducteur de cette Midnight Collection. Réalisateur des deux films précités, ce dernier fut également producteur de quatre autres longs métrages de la dite collection dont les deux séquelles de Frank Henenlotter (1).

 

Amis et vétérans de la guerre du Vietnam, Michael Jefferson (Steve James) et John Eastland (Robert Ginty) travaillent désormais comme manutentionnaires dans un entrepôt prêt du port de New-York. Un matin, Eastland surprend des voyous en train de voler des caisses de bières. Rejoint par Jefferson tandis qu'il était en mauvaise posture, les deux hommes viennent à bout des voleurs et leur donnent une correction. Mais quelques heures plus tard, Jefferson se fait agresser brutalement par le même gang. Incapable de supporter l'état de santé de son ami, devenu tétraplégique et sous assistance respiratoire, et face à l'inaction de la police, Eastland décide de faire justice lui-même.

Sorti en septembre 1980, Le droit de tuer dans sa version française, aura attendu pas moins de deux années avant d'être distribué dans les salles françaises, sa réputation sulfureuse outre-Atlantique n'y étant sans doute pas étrangère. Sur un scénario original écrit par le metteur en scène lui-même, The Exterminator fut taxé à l'époque de n'être qu'une copie ultra-violente et sadique (on y reviendra) du séminal (et déjà controversé) Death Wish avec Charles Bronson sorti six ans plus tôt. Or si la filiation avec le vigilante de Michael Winner n'est pas mensongère, l'agression introductive jouant le rôle de déclencheur à cette soif d'auto-justice, le long métrage pointe néanmoins davantage du côté du Taxi Driver de Martin Scorsese (2). Avec une histoire cachant difficilement de fortes ressemblances, clins d'œil, et plus si affinités, The Exterminator est dans les faits une pure relecture bis du scénario de Paul Schrader (du moins sa seconde partie), ou la quête vengeresse à New-York d'un vétéran du Vietnam. Dès lors, le film ne s'embarrasse pas de considérations psychologiques, et va, comme tout bon film d'exploitation, à l'essentiel, quitte à forcer le trait, faire fi des incohérences, manier l'art de l'ellipse dans ses derniers retranchements, et enfin saupoudrer le tout de scènes choc.

 

Comme dit plus haut, en dépit de critiques assassines l'assimilant à une ultime version dégénérée d'Un justicier dans la ville, le film fut un succès surprise au box office US, succès qui se prolongea avec le marché naissant de la VHS. Et des griefs proche du hors sujet car The Exterminator s'éloigne de la thématique nauséabonde du film auquel les critiques voulaient le comparer. Tant sur le fond (3), que sur la forme (un film d'exploitation), le deuxième long métrage James Glickenhaus n'avait de prime abord nulle vocation à faire l'apologie de quoi que ce soit, sauf flatter les plus bas instincts voyeuristes d'un public gourmand venu chercher sa dose de transgression. Dont acte. Et à défaut de tout voir (le film ne verse jamais dans le gore), le spectateur, à l'instar de John Eastland, va très vite être plongé dans un monde interlope et glauque (jusqu'à croiser la route d'un sénateur pédophile dans un « poulailler »). Faisant preuve d'une certaine complaisance pour le malsain, Glickenhaus transforme ainsi la dérive meurtrière de son personnage principal en un abécédaire du parfait sadique appliqué à la racaille « chère » à Travis Bickle : voyou dévoré par des rats, parrain de la mafia haché menu dans un broyeur, etc.

Limité par son budget restreint, The Exterminator aurait sans doute gagné à plus d'action ou de tension. Qu'importe. Glickenhaus n'est pas Carpenter. Mais le contrat est rempli dans son ensemble. Dommage que l'enquête policière, ou ce qui s'en rapproche, menée par Christopher George (4) apporte peu, à l'image de sa dispensable romance avec Samantha Eggar (Chromosome 3), de même que la sous-exploitation de l'intervention (prévisible) de la cuistre CIA aux ordres d'un gouvernement en fin de mandat, ce dernier voyant d'un mauvais œil l'existence d'un justicier venant contredire la supposée baisse affichée de la criminalité (5). 
   
 
    
Avec un exterminator interprété par un Robert Ginty des plus anonymes, donc parfait pour ce rôle d'anti-héros au trait volontairement banal (6), le film est également connu des initiés pour avoir offert à Steve James, avant ses futures années Cannon, son premier véritable rôle, après plusieurs figurations dont une dans le culte Les guerriers de la nuit de Walter Hill l'année précédente (où il jouait un des membres des Baseball Fury). Mieux, The Exterminator permit à son metteur en scène de rassembler autour de lui une équipe, dont Joe Renzetti à la musique et Robert M. Baldwin à la photographie, techniciens que l'on retrouvera plus tard dans des films réalisés ou produits par ses soins (The Soldier, Basket Case 2, Frankenhooker). Enfin, pour conclure avec le parallèle Taxi Driver et son ambiance jazzy, ajoutons ici la présence du saxophoniste Stan Getz, le temps d'une courte apparition.

De l'authentique film d'exploitation.



N.B : Pour célébrer la sortie en Blu-ray & DVD de cette nouvelle collection, Carlotta Films organise sur Paris au cinéma Max Linder la projection de The Exterminator de James Glickenhaus (en VF), plus diffusion de courts-métrages et bandes-annonces d'époque, etc (plus de renseignements ici).

N.B #2: Quatre ans plus tard, son producteur, Mark Buntzman, réalisa une séquelle à The Exterminator pour la Cannon, avec de nouveau Robert Ginty dans le rôle titre, et les débutants Mario Van Peebles et John Turturro (figuration). 
  




Crédits photo : © 1980 The Interstar Corporation


The Exterminator (Le droit de tuer) | 1980 | 99 min
Réalisation : James Glickenhaus
Production : Mark Buntzman
Scénario : James Glickenhaus
Avec : Robert Ginty, Christopher George, Samantha Eggar, Steve James
Musique : Joe Renzetti
Directeur de la photographie : Robert M. Baldwin
Montage : Corky O'Hara
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(1) Glickenhaus fut le producteur et producteur exécutif des deux suites de Basket Case, du Frankenhooker de Frank Henenlotter, ainsi que du Maniac Cop de William Lustig.

(2) Les amateurs de divagations capillotractées pourraient également voir Le droit de tuer comme une pré-version urbaine et alternative du Rambo de Ted Kotcheff sorti deux ans plus tard.

(3) Si le traumatisme post-Vietnam n'excuse pas tout, l'argument est toutefois plus digeste que la conversion d'un ancien pacifiste et objecteur de conscience en justicier à la petite semaine.

(4) La même année, ce dernier interpréta le journaliste Peter Bell dans le classique de Lucio Fulci, Frayeurs.

(5) Parallèle qui ne manque pas de piquant, le film est sorti quelques semaines avant la dite élection de 1980. De là à penser que Glickenhaus se posait comme un opposant à Jimmy Carter, espérant le « retour de l'Amérique », en référence au slogan de campagne de Ronald Reagan... 

(6) Attention piège : le motard pyromane sur l'affiche n'est pas Ginty, comme on pouvait s'en douter rapidement !


Blue-Jean Cop - James Glickenhaus (1988)

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Comme l'avait indiqué dans un épisode précédent, le préposé à la chronique, le cinquième film du réalisateur James Glickenhaus, Shakedown, connu en France et à l'international sous le nom de Blue Jean Cop, sort en Blu-ray et DVD le 6 juillet prochain, dans le cadre de la Midnight Collection éditée par Carlotta. Un long métrage en forme de retour aux sources en quelque sorte pour ce metteur en scène originaire de New-York où, huit années après The Exterminator, Glickenhaus retrouvait la jungle urbaine de la Big Apple, après un précédent détour à Hong-Kong dans The Protector (1985) avec Jackie Chan (1).

Avocat au barreau de New-York, Roland Dalton (Peter Weller) prend la défense du dealer Michael Jones (Richard Brooks), accusé du meurtre de l'officier de police Patrick O'Leary. Au cours de son enquête, Dalton découvre avec l'aide du policier Richie Marks (Sam Elliott) que la version de son client, acte de légitime défense face à un officier en civil qui cherchait à le racketter, est corroborée par l'existence d'un réseau de corruption au sein des forces de l'ordre. Alors qu'il s'agit de sa dernière affaire pour l'aide judiciaire, avant de rejoindre Wall Street au côté de son futur beau-père, Dalton réalise que le nouveau procureur en charge du dossier n'est autre que Susan Cantrell (Patricia Charbonneau), son ex-compagne...

 

Artisan besogneux du cinéma bis typé action des années 80, James Glickenhaus signe avec Blue-Jean Cop, en sus de son retour à New-York, son deuxième voletdu polar urbain musclé, l'exotisme sino-martial de Chan en moins, la virilité moustachue d'Elliott en plus. S'inscrivant pleinement dans la mode de l'époque, le long métrage s'écarte toutefois de la stricte copie bisseuse en jouant la carte de l'hybridation. Synthèse de deux voire trois genres, le film policier, le film de tribunal, et enfin le buddy movie, le scénario signé Glickenhaus (comme à l'accoutumée) s'inspire librement de précédents métrages, du Serpico de Sidney Lumet (et dans une moindre mesures ses films de tribunal, celui-ci étant également un spécialiste du genre) à L'arme fatale de Richard Donner.

Caractérisé par un rythme relativement lent, interrompu par des accès de violence en guise d'électrochocs, Blue-Jean Cop confirme également dans sa forme sa nature mixte, soit une enquête menée par un avocat de la défense, à la vie sentimentale compliquée, où viennent se greffer des scènes d'action à l'ancienne, avec son lot notable de cascades spectaculaires (2), quand la virilité des protagonistes se mesure à leur habilité à user de la gâchette et à faire exploser l'espace environnant. Autant film d'action à rebours qu'exemplaire rare de buddy movie asynchrone, les deux acteurs principaux ayant finalement peu de scènes communes, le métrage n'a pourtant rien d'inégal, chacune des parties étant parfaitement réglées et exécutées, à l'instar de l'interprétation, que ce soit Peter Weller impeccable en avocat obstiné, Sam Elliott en cowboy solitaire (3) ou Antonio 'Huggy les bons tuyaux' Fargas en suave parrain de la drogue (avec une mention spéciale pour le mulet de Larry Joshua). 


 
    
En d'autres termes, Blue-Jean Cop ou l'archétype de la bonne série B 80's, avec ses qualités et ses défauts. Dommage toutefois que celle-ci soit quasiment sabordée par un final expéditif des plus portnawak (4).
  


N.B : De nombreuses scènes ont été filmées dans la fameuse 42ème rue et sa cohorte de cinémas de quartier avec à l'affiche les films du moment Freddy III , Death Wish 4 ou Hidden, sans oublier lors de la première rencontre entre Weller et Elliott, la présence dans le hall du cinéma des affiches de deux précédents films signés Glickenhaus, The Exterminator et The Soldier.





Crédits photo : © 1988 Shapiro Glickenhaus Entertainement


Shakedown (Blue-Jean Cop) | 1988 | 97 min
Réalisation : James Glickenhaus
Production : J. Boyce Harman Jr.
Scénario : James Glickenhaus
Avec : Peter Weller, Sam Elliott, Patricia Charbonneau, Antonio Fargas, Richard Brooks, Thomas G. Waites, Blanche Baker
Musique : Jonathan Elias
Directeur de la photographie : John Lindley
Montage : Paul Fried
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(1) Traduit de manière incompréhensible en français par Le retour du Chinois, alors qu'il ne s'agit justement nullement d'une suite de Battle Creek Brawl, alias Le Chinois pour le marché français...

(2) Cascades coordonnées par Alan Gibbs, un des cascadeurs les plus réputés de l'époque à Hollywood.

(3) Un Sam Elliott qui reprend dans les grandes lignes un rôle similaire à celui de garde du corps de Whoopi Goldberg dans Beauté fatale sorti l'année précédente.

(4) Certes l'issue du procès est prévisible, mais notons surtout que si le Nanarotron avait été branché, le compteur se serait sans aucun doute affolé et aurait atteint un score des plus honorables à la vision du sort réservé à Antonio Fargas. Quant à la conclusion de la relation du couple de Dalton. Les dés étaient pipés dès le début du film. Un homme sain d'esprit peut-il décemment rester avec une fille à papa qui n'aime pas Jimi Hendrix ?

Maniac Cop - William Lustig (1988)

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Absent depuis 1983 et son Vigilante avec Robert Forster et Fred Williamson, William Lustig revenait cinq années plus tard aux affaires déviantes avec un nouveau film d'horreur intitulé Maniac Cop. Clin d'œil évident à son culte et traumatisant Maniac interprété par le regretté Joe Spinell, ce troisième film (1), écrit par le scénariste Larry Cohen (It's Alive), et produit par James Glickenhaus, marquait l'acte de naissance d'un nouveau croque-mitaine, Matt Cordell. Vision personnelle et revisitée d'un certain type de slashers devenus recette à succès au cours de la décennie 80, ce nouveau tueur en série cédait à Freddy Krueger et autres Jason Vorhee les plaisirs simples de massacrer la jeunesse américaine, pour mieux occire sans distinction l'innocent venu chercher de l'aide auprès de cette silhouette portant l'uniforme de la police new-yorkaise. Un film désormais disponible en Blu-ray et DVD le 6 juillet prochain, dans le cadre de la Midnight Collection éditée par Carlotta.

New-York, une série de meurtres sanglants est perpétrée depuis peu. Or les témoins affirment que le tueur porte un uniforme de policier. En charge de l'enquête, le lieutenant McCrae (Peter Atkins) est persuadé que l'auteur de ces crimes est bien l'œuvre d'un policier fou. Contre l'avis de ses supérieurs, McCrae donne l'information à une amie journaliste afin de protéger les new-yorkais. Tandis que l'effet inverse se produit, et qu'une véritable psychose s'empare de la population, l'agent Jack Forrest (Bruce Campbell) est soupçonné d'être le maniac cop, depuis la découverte du cadavre de sa femme dans une chambre d'un motel voisin, le journal intime de son épouse indiquant que celle-ci le suspectait d'être le tueur en série. Mais l'inspecteur McCrae est convaincu de son innocence…
 
 
    
Film devenu culte au fil des années (2), Maniac Cop s'inscrit rapidement comme un des derniers représentants du genre susmentionné en préambule. Production indépendante, à la différence de la franchise Chucky sortie la même année (distribué par la MGM puis Universal), William Lustig s'est entouré de proche et d'une équipe rodée au budget restreint : du chef opérateur James Lemmo (Vigilante, L'ange de la vengeance d'Abel Ferrera), au compositeur Jay Chattaway (depuis Maniac et responsable de bande originale pour plusieurs productions Cannon dont Portés disparus et Invasion USA).

Sans aller vers la critique mordante d'un John Carpenter, le scénario de Larry Cohen et son serial killer issu des forces de l'ordre n'est pas sans évoquer la défiance d'une certaine partie de la population vis à vis de ceux qui sont censés les protéger et qui abusent de leur pouvoir. Dommage toutefois que Cohen ne développe pas davantage ce contexte social sans nuire au format de la série B à l'instar du très corrosif et subversif Invasion Los Angeles sorti quelques mois plus tard. 

 
   
D'une facture classique, à défaut de véritablement surprendre, William Lustig réalise un film efficace à mi-chemin entre le thriller et l'horreur (sans verser dans le gore). Avec des acteurs spécialistes également du genre bis, de Peter Atkins, second rôle coutumier des productions du maître Carpenter (Fog, New-York 1997, etc.), à Bruce 'Evil Dead' Campbell accompagné de Sam Raimi le temps d'un petit caméo dans le rôle d'un journaliste commentant la parade de la Saint-Patrick, l'actrice Laurene Landon, William Smith, Richard 'Superfly' Roundtree, ou bien le propre oncle du réalisateur, un certain Jack 'Raging Bull' LaMotta, sans oublier Robert Z'Dar, roi de la série Z, dans le rôle-titre, Maniac Cop ravira les amateurs. 

Un premier volet qui sera suivi de deux autres séquelles toujours réalisées par Lustig en 1990 et 1993.



 
 


Crédits photo : © 1988 Shapiro Glickenhaus Entertainement


Maniac Cop | 1988 | 85 min
Réalisation : William Lustig
Production : Larry Cohen, James Glickenhaus
Scénario : Larry Cohen
Avec : Tom Atkins, Bruce Campbell, Laurene Landon, Richard Roundtree, William Smith, Robert Z'Dar, Sheree North
Musique : Jay Chattaway
Directeur de la photographie : James Lemmo, Vincent J. Rabe
Montage : David Kern
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(1) En ne comptant pas ses deux premiers films pornographiques : The Violation of Claudia et Hot Honey signés du pseudonyme Billy Bagg.

(2) Si son succès en salle fut mitigé lors de sa sortie, le film gagna en popularité par la suite dans les vidéo-clubs.
  

Le scorpion rouge - Joseph Zito (1988)

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1988. Tandis que les Etats-Unis connaissaient les dernières heures d'un Reaganisme en phase pré-Alzheimer, le cinéma d'action 80's US se trouva fort dépourvu quand la fin prochaine de la Guerre froide fut venue. Une période de transition en somme, à laquelle les stratèges d'Hollywood trouvèrent des solutions adaptées ou non : d'un côté, les pragmatiques qui lorgnèrent vers une virile coexistence pacifique tel la Double détente de Walter Hill, et les autres, garants ad vitam æternam des saintes valeurs du monde libre. Sorti quelques mois après Rambo III, qui voyait le pré-retraité John Rambo prêter mains fortes à de courageux moudjahidines contre la vile armée soviétique (qui avait eu la mauvaise idée de retenir prisonnier son cher Colonel Trautman), Le scorpion rouge suivait une direction similaire, soit mettre en lumière une dernière fois le vrai visage de « l'empire du mal » dixit le cowboy de la Maison blanche. Fort de sa prestation marquante en qualité de boxeur russe dans le rôle du glacial Ivan Drago dans le déjà fort Reaganien Rocky IV, le suédois Dolph Lundgren rangeait momentanément son costume de superhéros (1), pour enfiler, non pas les gants mais, l'uniforme d'un soldat soviétique. Film fleurant bon la testostérone, symptomatique d'un cinéma d'action stéréotypé typique des années 80, Le scorpion rouge est désormais disponible depuis le 6 juillet en Blu-ray et DVD dans le cadre de la Midnight collection éditée par Carlotta.

Nikolai Petrovitch Rachenko (Dolph Lundgren) est un Spetsnaz, soldat d'élite de l'armée soviétique dépêché en Afrique pour aider un pays ami en proie à une rébellion, dont le leader Ango Sundata menace le régime communiste en place. Sa mission : assassiner ce chef rebelle. Afin d'infiltrer le camp ennemi, Nikolai sème le trouble dans un bar. Arrêté, il partage la même cellule que celle du rebelle Kallunda Kintash (Al White) ainsi que celle du reporter américain Dewey Ferguson (M. Emmet Walsh). D'abord sur leurs gardes, le soldat gagne la confiance des deux hommes après les avoir aidés à s'échapper et à rejoindre le campement de Sundata. La nuit venue, Nikolaï tente d'assassiner sa cible, mais le leader se méfait de ce nouvel allié nouvellement rallié...

 

Produit par le lobbyiste anti-communiste Jack Abramoff, via sa fondation International Freedom Foundation (IFF), homme d'affaire qui sera une dizaine d'années plus tard au centre d'une affaire de corruption et de transactions frauduleuses (2), Le scorpion rouge, initialement prévu au Swaziland, fut tourné en Namibie (à l'époque où celle-ci appartenait encore à l'Afrique du Sud, Abramoff ayant des accointances avec le gouvernement Sud-Africain, alors soumis à un embargo international). Une odeur de soufre et une polémique qui poussa rapidement la Warner Bros. à se désengager prudemment (3) de ce film très fortement inspiré par l'histoire récente de l'Angola, quand le leader de l'UNITA, Jonas Savimbi, luttait contre le régime pro-communiste de la République populaire d'Angola alors soutenu militairement par l'URSS et Cuba.

Réalisé par Joseph Zito, grand spécialiste du film bisseux patriotique, ce dernier revenant aux affaires après les lourdingues Portés disparus et Invasion USA avec notre moustachu roux préféré, Le scorpion rouge, à l'instar des deux pamphlets précités, ne fait pas dans la dentelle. Explosions, fusillades, tortures (si on en croit le film, il s'agit d'une spécialité cubaine), Zito présente tous les ingrédients d'un film d'action à l'ancienne. Entouré d'une fidèle équipe de baroudeurs, du compositeur Jay Chattaway au chef opérateur João Fernandes, en sus de Tom Savini pour les maquillages (croisé lors des précédents films d'horreur de Zito, The Prowler et Vendredi 13 : chapitre final) le metteur en scène avait toutes les cartes en main. Or c'était sans compter le scénario inepte et bancal écrit par le débutant Arne Olsen (avant une carrière oscillant entre la télévision et la fiction pour enfants dans les 90's) et réécrit par Zito, l'interprétation monolithique d'un Dolph Lundgren à l'encéphalogramme plat, et un florilège d'accents improvisés. De quoi affoler un Nanarotron en embuscade.

 

Avec la délicatesse et l'élégance d'un pachyderme républicain, Le scorpion rouge enquille sans surprise les clichés et autres raccourcis. Au rythme des tubes 50's de Little Richard (4), Jenny, Jenny et Good Golly Miss Molly en tête, la production Abramoff peut se targuer d'être l'un des derniers témoins de la lutte anticommuniste, jusqu'à démontrer, exemples à l'appui, toute la vilénie qui sied aux soviétiques qui n'hésitent pas, comble de la cruauté, à massacrer d'innocents villageois. Avec comme seul représentant du monde libre, M. Emmet Walsh, déjà vu dans la première aventure de Braddock signée Zito, dans le rôle d'un reporter US supra-caricatural, le doute n'est plus permis, le récit se veut en fait porteur d'un message universel au-delà de toute bipolarité mondiale. Faut-il être aveugle pour ne pas être troublé par l'amitié et la rédemption de ce colosse blond en short et au corps huilé auprès d'un vieux bushman lui apprenant la sagesse de ses ancêtres ; un bon sauvage qui marquera d'une scarification sur sa poitrine un scorpion, symbole de sa renaissance spirituelle. Mais pour cela, le spectateur devra attendre. Longtemps. Très longtemps. Trop longtemps. Amputé d'une vingtaine de minutes, cet arachnide cramoisi aurait gagné en efficacité. Las, les allers-retours de ce soldat bodybuildé perdu entre ses anciens et nouveaux ennemis diluent l'effet portnawak du film, à l'image d'une bataille finale en mode vengeance à la John Matrix au potentiel nanar intact.

Dernier film de Joseph Zito, avant un long hiatus d'une dizaine d'année, et le retour d'une prestigieuse franchise (Delta Force One : The Lost Patrol, soit le quatrième volet, avec Mike "fils de" Norris (5)), Le scorpion rouge reçut un accueil mitigé et des recettes décevantes, ce qui n'empêcha toutefois pas fratrie Abramoff de produire six ans plus tard une fausse séquelle.

Verdict du Nanarotron :




Crédits photo : © 1988 Scorpion film production


Red Scorpion (Le scorpion rouge) | 1988 | 105 min
Réalisation : Joseph Zito
Scénario : Arne Olsen d'après une histoire de Robert Abramoff, Jack Abramoff et Arne Olsen
Avec : Dolph Lundgren, M. Emmet Walsh, Al White, T.P. McKenna, Carmen Argenziano, Brion James et Regopstaan
Musique : Jay Chattaway
Directeur de la photographie : João Fernandes
Montage : Jack Abramoff
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(1) Lundgren sortait juste de la production Cannon Les maîtres de l'univers dans le rôle de Musclor, avant d'incarner deux ans plus tard le Punisher d'après le comics édité par Marvel.

(2) Condamné à 6 ans de prison, Abramoff fut libéré après 3 ans et demi de détention fin 2010. Le film Casino Jack (2010) avec Kevin Spacey narre cette histoire.

(3) Rappel : il s'agit du fil conducteur de la Midnight Collection, la société Shapiro-Glickenhaus Entertainment distribua le film en vidéo.

(4) Le choix de l'auteur Tutti Frutti comme accompagnement musical ne manquant pas de piquant et d'ambiguïté, ce dernier étant loin d'être le symbole d'une Amérique Reaganienne.

(5) Un quatrième volet, qui à l'instar du numéro 3, fit encore appel à des fils de : cette fois-ci en sus du retour de Norris junior, le casting sortit du chapeau le fils de... Christopher Mitchum, déjà fils de Robert.
   

Little Big Man - Arthur Penn (1970)

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Après un premier long métrage et une première incursion dans le genre du western en 1958, dans Le gaucher avec Paul Newman dans le rôle de Billy The Kid, qui se solda par une expérience des plus mitigées, tant critique que public, plus des premiers rapports difficiles avec une major (1), la Warner Bros., le cinéaste Arthur Penn, fort du succès de Bonnie et Clyde, trois ans plus tôt, revint en 1970 au genre avec l'adaptation du roman éponyme de Thomas Berger, Little Big Man (Mémoires d'un visage pâle dans sa version française). Entreprise de démystification de l'histoire des Etats-Unis, tant sur la forme que sur le fond, le long métrage s'inscrivit comme le premier acte de films remettant en cause la conquête de l'Ouest, et les velléités des colons blanc en abordant la question amérindienne, avant l'année suivante du Soldat bleu de Ralph Nelson (2) ou Jeremiah Johnson de Sydney Pollack. Un classique désormais de retour au cinéma le 20 juillet 2016 dans une version restaurée inédite.

Dans un hôpital, Jack Crabb (Dustin Hoffman), 121 ans, est le dernier survivant de la bataille de Little Bighorn qui vit la victoire des Indiens sur les troupes du général Custer (Richard Mulligan). Il raconte à un journaliste sa vie, du massacre de ses parents par les Indiens Pawnees, à son adoption par les Cheyennes, où il reçut le surnom de Little Big Man par son grand-père adoptif Peau de la Vieille Hutte (Dan George), puis son retour parmi les Blancs, jusqu'à son enrôlement dans l'armée de Custer durant les guerres indiennes…

 

Père spirituel du Nouvel Hollywood, et pionnier du western révisionniste, en attendant John McCabe de Robert Altman ou l'épitaphe du genre, La Porte du Paradis de Michael Cimino, Arthur Penn livre avec Little Big Man son second coup de poing à l'establishment après le récit du couple Barrow / Parker. Du scénario écrit par Calder Willingham (Les Sentiers de la Gloire de Stanley Kubrick), Penn filme ici les aventures picaresques d'un anti-héros, tiraillé entre la culture dont il a hérité, et celle qu'il a adopté. Western contant le récit d'apprentissage d'un jeune Candide de l'Ouest, Arthur Penn s'éloigne par conséquent du traditionnel film d'aventure situé en plein far west, pour aborder d'autres registres, de la comédie à la satire, de la tragédie au brûlot engagé. 

Tournant en dérision le early american way of life et les figures de la conquête de l'Ouest, de l'épouse nymphomane du révérend Pendrake campée par la séduisante et désopilante Faye Dunaway devenue prostituée, au légendaire Wild Bill Hickok tué par un jeune garçon, le metteur en scène étasunien n'oublie pas d'évoquer les heures les plus sombres de cette histoire avec le portrait de Custer en officier mégalomane sanguinaire (bien loin des versions romancées de Raoul Walsh dans La Charge fantastique en 1941 avec Errol Flynn ou celle de Robert Siodmak dans Custer, l'homme de l'ouest en 1967 avec Robert Shaw). Car si Little Big Man n'est pas le premier film à prendre fait et cause pour le peuple amérindien, à l'instar du Massacre de Fort Apache (1948) ou des Cheyennes (1964) de John Ford qui critiquaient déjà à l'époque la corruption et la vanité des officiers yankees, le rôle des colons sur le sort réservé aux indiens, celui-ci est bien le premier à traiter l'histoire du point de vue du seul peuple indien, quitte à prendre quelques libertés (3) pour mieux appuyer son propos, soit présenter les guerres indiennes comme un génocide perpétré par l'armée américaine. Mieux, en évoquant à l'instar du métrage de Ralph Nelson, le contexte contemporain de la Guerre du Vietnam (le massacre de la Wishita est une référence directe à celui de Mỹ Lai perpétré par les GIs en 1968), Arthur Penn signe, sous couvert d'un western initiatique, un film anti-belliciste.

 

Porté par un saisissant Dustin Hoffman et une galerie de seconds rôles haut en couleur (Faye Dunaway, Martin Balsam, Richard Mulligan), la révélation de ce film est toutefois à porter au crédit de Dan George (4), dans la peau du sage chef indien de la tribu des « êtres humains ». A l'opposé de leur supposée sauvagerie propagée par les hommes blancs dits civilisés, Little Big Man n'a d'autre ambition que de rendre hommage au peuple amérindien et à sa culture, face à l'intolérance et à l'ignorance du colonisateur blanc. 

Tour à tour hilarant, émouvant, parodique, violent, humaniste, les qualificatifs ne manquent toujours pas pour définir ce classique du cinéma.




Crédits photo : © 1970 Hiller ProductionS, LTD. and Stockbridge Productions, Inc. Tous droits réservés.
© 2016 CBS Studios INC. CBS et tous les logos apparentés sont des marques de CBS Broadcasting Inc. Tous droits réservés.


Little Big Man | 1970 | 139 min
Réalisation : Arthur Penn
Production : Stuart Millar
Scénario : Calder Willingham, d'après le roman de Thomas Berger
Avec : Dustin Hoffman, Faye Dunaway, Dan George, Martin Balsam, Richard Mulligan, Jeff Corey, Amy Eccles
Musique : John Hammond Jr.
Montage : Dede Allen
Directeur de la photographie : Harry Stradling Jr.
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(1) Penn collectionna durant sa carrière des rapports conflictuels avec les studios : il fut ainsi plusieurs fois écarté du montage de ses propres films (dont La poursuite impitoyable).

(2) Le soldat bleu qui fut par la suite une grande source d'inspiration (sur la forme, nullement sur le fond !) pour le duo italien Bruno Mattei et Claudio Fragasso dans leur second western 80's : Scalps.

(3) Le massacre de la Wishita du film évoque davantage celui de Sand Creek (évoqué également dans Le soldat Bleu) où un village composé principalement de femmes, d'enfants et de vieillards furent massacrés par la cavalerie.

(4) Chief Dan George sera nominé l'année suivante aux Oscars et aux Golden Globes, et obtiendra le prix du meilleur second rôle par la National Society of Film Critics Awards.


Cute Girl | Green Green Grass Of Home - Hou Hsiao-hsien (1980-1982)

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Lauréat du Prix de la mise en scène lors du festival de Cannes 2015 pour The Assassin, Hou Hsiao-hsien est devenu depuis une trentaine d'années un des réalisateurs les plus influents du cinéma contemporain. Modèle pour les jeunes cinéastes chinois dès les années 1980 en compagnie d'Edward Yang, Chen Kunhou ou Wan Jen, avec qui il cosignera en 1983 le film-manifeste L'homme-sandwich, cette figure emblématique de la Nouvelle Vague taïwanaise eut droit en mars dernier, du 2 au 31, à une rétrospective à la Cinémathèque française, quelques semaines après avoir présenté en ce lieu et en avant-première son nouveau long métrage primé. Or dans la continuité de cet hommage, cinq œuvres de jeunesse du cinéaste (1), dont trois inédits, ressortent dans les salles le mercredi 3 août 2016 en version restaurée dans le cadre d'une rétrospective initiée par Carlotta.

Tourné à l'âge de 32 ans, après avoir exercé ses talents d'assistant dans la seconde moitié des années 70 pour des cinéastes comme Li Xing, Chen Kunhou ou Lai Chengying, Hou Hsiao-hsien se lance dans la réalisation de son premier long métrage. Écris, tourné et monté en seulement deux mois, Cute Girl s'affiche comme l'acte de naissance d'un début de carrière placé sous le signe du cinéma populaire, avec pour incarner les deux personnages principaux, les deux grandes vedettes de l'époque : le Hongkongais Kenny Bee et la Taïwanaise Feng Fei-fei. 

Jeune fille aisée promise au fils d'un riche industriel (Anthony Chanque son père a choisi pour elle comme époux, Wenwen (Feng Fei-fei), prise par le doute, quitte Tapei pour rejoindre sa tante qui vit à la campagne. Elle y fait la connaissance de Daigang (Kenny Bee), jeune géomètre citadin d'origine modeste venu faire avec ses collègues des mesures dans le village pour la prochaine construction d'une route, projet qui n'est pas s'en créer des tensions avec une partie de la population locale...
  

Dans la tradition des comédies romantiques, avec son lot de chansons pop interprétées par le duo précités, Cute Girl s'écarte peu du cahier des charges du cinéma commercial insulaire de l'époque. Un succès populaire à sa sortie, qui poussa Hou-Hsia-hsien et son trio d'acteurs à réitérer l'expérience avec Cheerful Wind l'année suivante. Si ce premier effort s'inscrit dès à présent dans les thématiques chères au réalisateur, celle du passage, de la campagne à la ville (et vice-versa), Cute Girl apporte toutefois peu d'éléments indiquant ses futures œuvres majeures tant l'histoire romancée et sa conclusion conservatrice (2) ressortent du pur cinéma commercial. Un film à découvrir toutefois pour les plus curieux afin de découvrir les esquisses formelles et les premiers pas d'un cinéaste au style justement unique.



Crédits photo : © 1980 CHARLES TSO. Tous droits réservés.

JIU SHI LIU LIU DE TA (Cute Girl) | 1980 | 90 min
Réalisation : Hou Hsiao-hsien
Production : Yieh Chen-feng
Scénario : Hou Hsiao-hsien
Avec : Feng Fei-fei, Kenny Bee, Anthony Chan
Musique : Zou Hong-yuan
Directeur de la photographie : Chen Kun-hou
Montage : Liao Ching-sung


Troisième long métrage de Hou-Hsia-hsien, Green Green Grass Of Home, connu également sous le titre français L'herbe verte de chez nous, amorce un virage dans la jeune filmographie du cinéaste chinois. Dernier film de sa trilogie avec l'acteur Hongkongais Kenny Bee, celui-ci sans s'éloigner du strict cadre du cinéma commercial taïwanais, les deux acteurs principaux interprètent comme il se doit de nouveau des chansons romantiques, Green Green Grass Of Home indique néanmoins nombre d'évolutions notables dont un scénario davantage plus personnel. 

Originaire de Taipei, Ta-nien (Kenny Bee) remplace en cours d'année sa sœur, partie suivre son époux en Indonésie, en tant que nouvel instituteur dans un village. Au cours de son arrivée, il fait la connaissance de ses nouveaux élèves, dont les « trois mousquetaires » composé des espiègles Cheng-kuo, Chin-shui et Wen-chin, ainsi que de sa nouvelle collègue Su-Yun (Chen Mei-feng)...


Nourri des souvenirs de jeunesse du cinéaste, à l'instar de la présence introductive et finale du train, Green Green Grass Of Home atteste un style plus mature de la part d'Hou-Hsia-hsien. La romance dont l'intérêt reste toujours des plus limités (la faute en partie aux deux interprètes), voit sa position réduite à sa portion congrue, à l'instar du personnage joué par Chen Mei-feng ramené à sa propre fonction usuelle et décorative. Film de transition, Green Green Grass Of Home aborde pour la première fois une chronique sur l'enfance, dont le traitement comique n'est pas sans évoquer celle du maître japonais Yasujiro Ozu (Bonjour). Mieux, portée par le naturel des jeunes interprètes, l'histoire, complétée de nombreuses scènes en partie improvisées et d'un message écologique inattendu, annonce la future quadrilogie autobiographique de son auteur, et en particulier Un été chez grand-père (1984). En attendant la suite, sa rencontre avec la romancière Chu T'ien-wen et la rupture cinématographique nommée Les Garçons de Fengkuei.


Crédits photo : © 1982 CHARLES TSO. Tous droits réservés.


ZAI NA HE PAN QING CAO QING (Green Green Grass Of Home)| 1982 | 98 min
Réalisation : Hou Hsiao-hsien
Scénario : Hou Hsiao-hsien
Avec : Kenny Bee, Chiang Ling, Chen Mei-feng
Musique : Zou Hong-yuan
Directeur de la photographie : Chen Kun-hou
Montage : Liao Ching-sung
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(1) Cute Girl (1980), Green Green Grass Of Home (1982), Les Garçons de Fengkuei (1983), Un temps pour vivre, un temps pour mourir (1985) et Poussières dans le vent (1986).

(2) La morale est sauve : le géomètre n'est finalement pas sans le sou. Ouf !

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